Leona Rose : “J’ai l’impression d’être une éternelle enfant”
Leona Rose est une jeune artiste française connue à l’international pour ses jungles aussi déjantées que colorées. Son univers bariolé émane directement de son imagination pétillante qu’elle puise dans ses voyages.
Qui es-tu et comment es-tu devenue artiste ?
J’ai un parcours un peu particulier, j’adorais dessiner quand j’étais petite. J’ai dessiné à fond jusqu’à mes 12 ans et après j’ai complètement arrêté. Puis j’ai fait une école de commerce qui m’a amenée à travailler dans l’immobilier pendant 6 ans. C’est par hasard que j’ai décidé de me remettre à dessiner un dimanche après-midi et en fait je n’ai plus arrêté. J’ai commencé à faire des petits animaux un peu graphiques avec des plumes d’abord en noir et blanc. Six mois plus tard je les ai repris pour les colorer. Toujours en parallèle de l’immobilier. Puis j’ai fait ma première fresque à Marrakech chez une amie. Vraiment au début à part acheter un crayon de papier je ne savais pas quoi utiliser, je n’avais pas d’amis artistes. Petit à petit je me suis renseignée, j’ai changé un peu de cercle de potes. Je ne me sentais pas du tout utile dans ce que je faisais, l’immobilier c’était un système très matérialiste et ça ne me correspondait pas forcément ; je ne me retrouvais pas là-dedans. Le fait de dessiner associé aux cours Florent que je prenais en parallèle pour faire de l’impro et la pratique du yoga ; ça me permettait de plus me retrouver. Et puis un jour je me suis lancée.
Quels sont les artistes qui t’ont inspirée ?
Mon ex était artiste et j’aimais beaucoup ce qu’il faisait ! J’ai aussi toujours beaucoup aimé ce qui est art ethnique et primitif, des arts très colorés. Aussi, l’année dernière j’ai rencontré Lili Saumet la chanteuse de Bomba Estéreo chez elle en Colombie, on se connaissait déjà mais elle m’a énormément inspirée grâce à sa personnalité rayonnante et pleine de couleur. En fait, je rencontre des femmes très créatives avec des parcours vraiment atypiques un peu comme le mien et disons que de parler à ces nanas ça m’inspire énormément oui.
Ton compte Instagram est rempli de destinations paradisiaques, est-ce que tes voyages sont une source d’inspiration ?
J’ai commencé à voyager pendant que je travaillais dans l’immobilier oui. C’est ça qui m’a ouvert l’esprit, je me suis dit il y a une autre vie qui est possible, la vie parisienne n’est pas applicable partout dans le monde. Ça a commencé à me donner des idées et disons que je me nourris énormément de mes voyages ! Mes préférés ont été la Colombie et le Mexique dont je m’inspire particulièrement dans la nouvelle série d’œuvres que je suis en train de travailler.
Dans beaucoup de tes dessins il y a des animaux rigolos ressemblant étrangement à des humains dans leurs attitudes ; d’où est-ce que ça vient ?
J’avais commencé un peu à faire des animaux de la jungle déjantés parce que c’est un peu ce que j’ai dans la tête, j’ai l’impression d’être une éternelle enfant. J’adore faire des personnages hippies, décoiffés, farfelus avec des lunettes et hyper colorés. J’ai commencé sur quelques fresques à la bombe. Ça a pris son essor grâce à la chaîne de restaurants Pokawa à Paris qui, à l’époque, n’avait que 3 ou 4 restaurants. Je leur ai proposé un concept de monochromes bleus qui correspondait à leur identité funky et déjantée. Mes personnages sont devenus un peu l’esprit Pokawa. Ils ont cartonné et ont ouvert d’autres restos donc j’ai reproduit ce type de fresques. Ce sont des scènes de petits personnages à la plage avec des planches de surf totalement hippies. Ce fut un réel plaisir de travailler avec eux, ils sont super sympa et open. J’ai pu pousser le truc à fond, j’avais carte blanche dans chacun des restaurants et je me suis éclatée ! C’est vraiment à partir de là que j’ai développé le concept. Par exemple avec mon petit surfeur, Jean Mouloud, c’est un flamant rose qu’on retrouve dans toutes mes fresques. Mes personnages ont tous des noms et les gens peuvent s’amuser à les retrouver d’un restaurant à l’autre. C’est vraiment chouette de travailler avec des gens qui croient en toi, ça aide tellement pour laisser parler la créativité ! Je me répète mais ce fut vraiment une rencontre extraordinaire.
Tes outils principaux sont la bombe et les feutres Posca, pourquoi ce choix ?
La gamme de couleur Posca est top car elle est restreinte mais dans le bon sens du terme ; toutes les nuances s’accordent donc il n’y a pas vraiment de choix à faire, elles s’assemblent et se mixent parfaitement. Ça m’a aidé au début car j’utilisais les couleurs petit à petit. Par exemple, au début le bleu ne faisait pas du tout parti de mes dessins. J’ai inséré les couleurs au fur et à mesure, comme une recette de cuisine. Après, j’ai quand même testé d’autres outils. Lors de mon expo à la SLOW galerie, j’ai fait mes fonds à l’aquarelle et j’ai testé d’autres feutres. Mais disons que Posca, pour mes fresques, c’est super, j’adore vraiment ces feutres. J’ai commencé à travailler avec Posca au tout début donc j’ai un rapport fort avec eux. Pour ce qui est des bombes, j’avais très envie de faire des murs car tous mes amis, surtout les garçons, peignaient des murs énormes. Je me suis dit que je ne pouvais pas passer à côté de ça alors j’ai appris toute seule. Aussi, j’ai un ami qui s’occupe du bien-être des enfants dans les hôpitaux avec l’association Un cadeau pour la vie. Ils demandent souvent à des artistes de venir peindre pour égayer les hôpitaux. Il m’a proposé de peindre le sous-sol de l’hôpital Trousseau, j’ai pu m’entraîner à cette occasion sur 3 ou 4 murs.
Tu fais de nombreuses collaborations, comment est-ce que cela se passe ? Pourrais-tu refuser une collaboration avec une marque qui, selon toi, ne correspond pas à ton travail et ta façon de voir la vie ?
En général cela se passe de bouche-à-oreille et on me contacte ou bien je prends les devants. Par Instagram je reçois beaucoup de propositions, c’est un réseau assez spontané. Quand on m’envoie un message j’essaie de répondre à tout le monde, dans la mesure du possible. Puis on échange par mail et par téléphone. Parfois je dois refuser même si les gens sont toujours bienveillants car je n’ai pas le temps de tout faire. J’ai vraiment envie de me concentrer et mettre un point d’honneur sur chaque projet pour faire quelque chose de différent et discuter correctement avec les personnes pour comprendre et cibler parfaitement ce qui doit être fait. Aussi je tente de ne pas faire n’importe quoi et rester en accord avec moi-même. Par exemple, j’essaie d’arrêter de manger de la viande donc ce serait incohérent de travailler pour des restaurants de viandes ! Aujourd’hui j’ai quand même la chance de pouvoir choisir donc j’essaie d’aller vers des marques qui me correspondent. Je fonctionne beaucoup au coup de cœur.
Ce qui est le plus mis en avant dans ton travail ce sont tes collaborations avec des orphelinats. Ça a l’air d’être une cause qui te tient à cœur. Comment est-ce que cela est arrivé ?
Alors, mon but à terme ce serait d’ouvrir un orphelinat, c’est mon rêve ! Bon, je suis toujours locataire à Paris donc ce n’est peut-être pas très rationnel pour le moment mais c’est une réelle envie. Quand j’ai quitté mon travail dans l’immobilier il m’a semblé évident de faire quelque chose pour les autres et de rattraper tout le temps que j’ai passé à faire des choses qui me semblaient inutiles. Alors, avec mon solde de tout compte j’ai tout plaqué pour partir à Bali peindre dans un orphelinat. Ça a été un peu mon premier gros voyage et j’avais vraiment envie de faire ça depuis très longtemps. Ça m’a ouvert les yeux. Maintenant, dès que je voyage j’essaie de peindre dans des orphelinats avec les enfants. Je me souviens de certaines personnes qui m’ont marquée pendant mon enfance, qui adoraient dessiner ou autre. Quand on est petit on rencontre des gens qui nous marquent et à qui on envoie des lettres pendant trois ans alors qu’avec du recul quand on est grand on a pas du tout le même rapport aux choses. Je me suis dit si je peux juste leur laisser dans la tête ce souvenir auquel ils penseront en dessinant ou même plus tard ce serait déjà ça. J’ai un lien encore bien particulier avec l’orphelinat de Bali parce que c’est le premier. C’était il y a trois ans, on avait peint avec les enfants autour de leur terrain de foot. J’y suis retournée l’année dernière, les enfants avaient grandi mais se souvenaient de moi. Ça m’a tellement touchée ! En plus, les gérants de l’orphelinat sont tellement dévoués ils s’occupent parfaitement bien d’eux, les emmènent faire des activités etc. pour leur ouvrir l’esprit, leur apprendre la vie et à se débrouiller. J’ai vraiment envie de faire ça.
Quels sont tes projets futurs ?
Avec Little Urban, on travaille sur le lancement de mon premier livre qui devrait sortir début juillet si tout va bien, A la recherche des trois flamants roses. Il s’agira de les chercher, ils seront perdus dans les jungles du monde entier un peu selon mes voyages. Je travaille donc sur des nouvelles séries de toiles monochromes qui seront dans ce livre, j’essaie de tester de nouvelles choses comme le crayon de couleur.
Découvrez les comptes Facebook et Instagram de Leona Rose.
Propos recueillis par Charlie Egraz
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