Léa Zhang : “J’aime la force des couleurs digitales et les ambiances qu’elles peuvent créer”
Léa Zhang sort tout juste de l’école réputée des Gobelins, et déjà son talent d’illustratrice et animatrice nous touche. Son sens des couleurs apporte une réelle poésie à son art. Partons à la découverte de son univers…
Comment cette passion de l’illustration et de l’animation t’est-elle venue?
Je pense que c’est une extension de ma passion pour le dessin. J’ai toujours gravité autour des activités artistiques étant enfant, je me sentais plus à l’aise avec des moyens d’expression comme la musique et le dessin sans savoir pourquoi, c’était magnétique et beaucoup plus intéressant que le reste. J’ai accumulé des intérêts liés à l’art, et petit à petit je sentais que je pourrais passer ma vie à faire ça sans m’ennuyer. C’est pendant mes études de design graphique que je me suis naturellement rapprochée de l’animation et de l’illustration. Je n’ai donc pas l’impression qu’il y ait eu un moment précis où cette passion m’est venue, j’ai juste suivi mes instincts au fur et à mesure que j’avançais !
Quelles sont tes sources d’inspiration, ce qui te motive et te donne envie de créer ? On remarque sur ton Instagram que tu illustres souvent le thème du cinéma, est-ce une autre de tes passions ?
Le cinéma a été l’une de mes premières passions, oui ! Cela me plaisait de voir les choses à travers les yeux des autres. Regarder des films donne une ouverture d’esprit et une empathie pour toutes les histoires, et c’est un art fascinant à tous les niveaux. J’ai beaucoup appris sur la narration par l’image en m’y intéressant. Je ne me voyais pas dans l’industrie du cinéma mais je me suis retrouvée dans un métier qui y est étroitement lié, donc je ne peux pas rêver mieux. Pour ce qui est de l’envie de créer, j’ai un attrait pour les formes et les couleurs en général, et ce qui est fantastique dans l’illustration et l’animation, c’est que l’on travaille la représentation de notre monde donc tout est inspirant ! Il y a certaines atmosphères que j’adore comme les couchers de soleil, quand les ombres s’allongent et l’atmosphère chaleureuse nous enveloppe. J’aime illustrer des situations nostalgiques, d’introspection, le sentiment de solitude, la vulnérabilité et l’intimité, les situations absurdes, des personnages en action ou non. Puis évidemment c’est aussi la nature même de la création, voir aboutir un projet qui est né d’un simple idée, qui est très motivant.
Tu travailles principalement via le numérique, aimes-tu aussi utiliser d’autres supports et médiums ? Ou préfères-tu la liberté qu’apporte l’art digital ?
Dessiner sur logiciel est plus adapté à ce que j’ai envie d’explorer. J’aime la force des couleurs digitales et les ambiances qu’elles peuvent créer. J’ai aussi besoin de tester de nouvelles palettes rapidement, essayer toutes sortes de formes, de compositions… C’est beaucoup d’essais et d’échecs, de répétitions, avant de s’arrêter sur une option et continuer à avancer, ce que me permet le digital sans trop d’encombrement. En MANAA, le numérique était interdit donc j’ai eu l’occasion d’expérimenter toutes sortes de supports et d’outils. Même si je réalise mes images numériquement maintenant, je fais en sorte d’imiter les techniques traditionnelles de dessin avec des pinceaux divers et des textures, des formes organiques et non vectorielles. J’essaie de garder du mieux que je peux la spontanéité et le dynamisme que j’obtiens sur le papier, et je scanne souvent mes croquis avant de continuer de les développer sur l’ordinateur.
Ton style est marqué par des couleurs et des lignes qui sont toujours harmonieusement agencées, organisées. Comment le définirais-tu ? Comment a-t-il évolué au fil des années ?
J’ai du mal à savoir comment les autres voient mon style ! J’ai été marquée par l’approche du design graphique et des avant-gardes modernistes en général quand j’ai commencé à étudier. Lorsque que j’ai découvert le monde de l’illustration, j’ai été très influencée par Riccardo Guasco, Ping Zhu, Joey Yu, tout ce qui était expressif, suggérait le mouvement, et contemplatif. Les moyens graphiques que je mets en place sont là pour communiquer (je l’espère) mes idées de la manière la plus honnête et sensible possible. Je cherche à atteindre une harmonie sans tomber dans l’ennuyant, et à créer des visuels immersifs et cinématiques, en installant une atmosphère paisible. Lorsque j’ai commencé à faire des illustrations digitales, j’étais obsédée par l’utilisation de couleurs vives et une palette limitée, avec un style assez minimaliste, abstrait. Je voulais que l’image crève l’écran et qu’elle retienne l’attention. Depuis, j’ai appris à rester dans la simplicité tout en intégrant plus d’éléments. Parce que le style évolue facilement et constamment, celui que j’ai aujourd’hui est assez flexible. Au final, le style est une question de simplification et d’exagération !
Tu as illustré plusieurs articles pour différents magazines, souvent sur des sujets d’actualité, comment définirais-tu ces expériences ? Que t’ont-elles apporté ?
J’adore collaborer sur des articles ! On nous demande une interprétation personnelle donc il y a beaucoup de liberté artistique. C’est un challenge à chaque fois car toutes les histoires méritent d’être racontées de manière sincère, peu importe le sujet. La transition entre représentation textuelle et visuelle est toujours intéressante à explorer, il y a beaucoup d’angles d’attaque possibles. Chaque collaboration est également une occasion de m’instruire sur un nouveau sujet, et trouver son illustration publiée dans un magazine imprimé est une sensation absolument géniale.
Quel est ton processus créatif ? Est-il différent quand tu travailles sur un projet scolaire, personnel ou professionnel ?
Je dirais que la finalité des projets amène des contraintes différentes. Le processus créatif de mes projets personnels est assez chaotique, car je suis facilement distraite par ce à quoi je pense pendant que je dessine. J’ai la liberté de dévier et de finir sur une illustration qui n’a rien avoir avec ce que j’avais en tête au départ, je laisse place à mon instinct et à mon propre plaisir. Les projets professionnels servent les besoins du client avant tout, il y a donc plus de réflexion et de recherche en amont. Dans ce cas, je me sens plus dans une approche de designer, et j’essaie de me mettre à leur place, de voir à travers leurs yeux, pour faire les meilleurs choix. En équipe, il s’agit aussi de s’homogénéiser avec les autres illustrateur.rice.s et ne faire qu’un. Je réalise que je suis plus satisfaite de moi-même lorsque je me laisse aller et dessine sans avoir d’attente particulière. D’un autre côté, je passe beaucoup de temps à brasser mes idées dans ma tête et visualiser ce qu’elles pourraient donner, avant de les tester. Une fois que mes idées sont auto-approuvées, l’impatience de savoir où cela peut mener me motive à y passer du temps, c’est le moment que j’aime par-dessus tout. J’ai tendance à questionner tous mes choix donc le process peut être long, c’est pourquoi je préfère alterner entre plusieurs projets régulièrement pour garder un œil nouveau.
Comment cette année 2020 t’a-t-elle affectée ? Les confinements successifs t’ont-ils permis d’avoir plus de temps pour tes créations personnelles par exemple, ou ont au contraire amené plus de pression ?
J’ai la chance d’être dans une industrie qui ne compte pas parmi les plus touchées par la pandémie, et c’est un avantage de pouvoir travailler à distance avec des studios et des clients étrangers. Je n’ai pas vraiment d’élément de comparaison, puisque je viens de terminer mes études depuis quelques mois, mais je suis contente de pouvoir exercer mon métier sans trop d’inquiétudes pour l’instant, sachant que les besoins en vidéos et en images seront toujours présents. Le premier confinement est tombé en pleine année scolaire, nous avons tous dû nous habituer à travailler seul.e.s, mais toujours en étant en contact avec notre classe à travers les cours et les projets. Le plus difficile a été de faire la transition entre études et vie professionnelle dans ce contexte particulier, je me sens encore comme une étudiante. Pendant les confinements, je me suis justement efforcée à ne pas produire autant, et m’éloigner de mon écran, tout en continuant à faire des projets perso.
Enfin, as-tu de nouveaux projets prévus pour cette année ?
Mon année est à peu près planifiée ! Je compte approfondir mes compétences en animation à partir de maintenant, dans la continuité de ce que j’ai pu apprendre en motion design aux Gobelins. C’était une année beaucoup trop courte, donc j’aimerais continuer à explorer et absorber le plus possible avant de me poser au sein d’un studio. Au niveau professionnel, je suis actuellement en stage dans l’agence d’animation Le Cube à Madrid, et je travaille aussi en freelance avec un studio londonien, Easy Animal, en tant qu’illustratrice. Pendant mon temps libre, je participe aux projets du Collectif Medusae qui regroupe des artistes féminins et non-binaires, c’est un plaisir immense de faire partie d’un groupe aussi solidaire et talentueux.
Retrouvez le travail de Léa Zhang sur son site internet et son compte Instagram.
Propos recueillis par Léa Cances
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