Le musée Gustave Courbet d’Ornans accueillera L’Origine du Monde
Le nouveau Musée Gustave Courbet d’Ornans en Franche-Comté, ouvert il y a un an, est fier de ses 80’000 visiteurs, on le serait à moins ! Il offre au public 22 salles d’exposition dans un aménagement exemplaire de plus de 2000 m2 de surface totale dont la scénographie résolument moderne propose un parcours artistique et pédagogique dans l’œuvre même du peintre au cœur de ce qui fut sa trépidante vie. En lien étroit avec le musée d’Orsay, le musée d’Ornans, propriété du département du Doubs, nous réserve quelques surprises de taille dont la venue prochaine du sulfureux tableau de Gustave Courbet, L’Origine du Monde, n’est pas des moindres. Scoop !
On a marché sur la Loue
A l’intérieur du Musée, de véritables ouvertures inédites sur les paysages environnants sur la Loue et sur la ville d’Ornans, inspirations naturelles du maître du Réalisme, transportent le visiteur jusqu’à le faire marcher en transparence sur la Loue grâce une galerie vitrée.
Un parcours reste volontairement chronologique de la vie de Gustave Courbet, né le 10 juin 1819, depuis Ornans jusqu’à son départ à Paris. Ce cheminement évoque sa carrière, la rupture esthétique qu’il mena, les milieux artistiques qu’il fréquenta, son engagement politique jusqu’à son injuste exil puis son décès en Suisse le 31 décembre 1877.
A Ornans, le paysage entre dans le musée
L’architecture remarquable de Christine Edeikins (Ateliers 2.3.4) réinvente une petite Venise ! En créant un fil intime et durable entre l’eau, le pont sur la Loue et les trois bâtiments que sont la maison Borel, l’hôtel Hébert et l’hôtel Champereux, architecte, scénographe et muséographe (Guliver Design – Bruno Tainturier) nous propulsent avec intelligence dans cette inspiration de Courbet qui unissait le peintre à son « pays » qui le lui rend bien aujourd’hui.
Cette mise en valeur optimale des bâtiments comme des œuvres apporte son gage à une politique d’action culturelle et de recherche sur les relations qui peuvent se nouer entre arts et territoires, plus précisément sur le rapport du peintre avec la Franche-Comté.
L’hôtel Hébert a conservé toute son authenticité et l’atmosphère du petit musée d’antan. Ce sont les Amis de Courbet qui en 1976 firent don au Département du Doubs de la Maison de l’hôtel Hébert et des collections réunies. C’est la maison que Courbet habita. Le jardin, adossé au musée est un bel exemple de ces petits jardins des demeures de bord de Loue à proximité desquels s’ébattent des truites.
Les espaces des maisons Champereux et Borel ont été adaptés aux exigences d’un musée moderne à vocation internationale. Des moyens audiovisuels ont été intégrés au parcours pour une mise en valeur optimale des œuvres et des couleurs grâce à des outils remarquables avec toujours ce regard en continu sur les paysages de Courbet.
Quant aux œuvres absentes, celles de l’exposition de 1851, un documentaire filmé permet de mieux comprendre ce que sont les tableaux : l’Enterrement à Ornans (Orsay), les Casseurs de pierre (1849 œuvre détruite durant la seconde guerre mondiale, anciennement au musée de Dresde salué comme la première œuvre socialiste par Proudhon) et les Paysans de Flagey revenant de la Foire (Besançon). On y accède par une salle rouge tout en longueur, couleur choisie pour symboliser l’élan révolutionnaire des quarante-huitards. Plus loin ; le masque mortuaire de celui qui tel Proudhon, le théoricien ou Blanqui, l’enfermé, professait l’équité et l’égalité des droits entre les peuples, lui, Gustave Courbet, qui comme Hugo, autre exilé, épousa la cause de la Commune et son goût infini de la République.
Conservatrice du musée Courbet, Frédérique Thomas-Maurin, franc-comtoise, enfant du pays, connaît parfaitement le peintre
« L’objectif de fréquentation du Musée Courbet était de 40’000 visiteurs. Son but est largement atteint puisque 80.000 visiteurs en ont poussé la porte depuis l’été 2011 » se glorifie à juste titre Frédérique Thomas-Maurin qui explique cet engouement par l’endroit tout d’abord. Ces lieux sont ceux-là même où vécut Courbet : « C’est l’âme du peintre où les fondamentaux tiennent dans cet espace. »
Ensuite, par le parcours pédagogique associé au travail d’une équipe responsable efficace puisqu’on peut constater que chaque personne en prenant en charge le visiteur est partie prenante du musée. Nul ici n’a un rôle statique à l’instar de Maud qui vous mène avec talent dans un voyage dans l’univers artistique de Courbet mâtiné de détails de sa vie, comme si vous étiez en sa compagnie avec Beaudelaire, en 1860 à la Brasserie Adler, à deux pas de l’atelier du peintre, 24 rue Hautefeuille, en compagnie des Champfleury, Schanne, Murger, Corot, Daumier, du vieillissant Gustave Planche et des Franc-comtois Promayet et Max Buchon (Castagnary, Jules. Manuscrit autographe inédit B.N., Département des manuscrits, 16-3). Ou encore chez Laveur, son logeur, rue des Poitevins, avec les Charton, les Vallés, Toussenel et Charton (André Gil/Souvenirs). Il y eut aussi le Café de Madrid à Montmartre avec Carjat, Vermorel, Andrieu (in Georges Riat, Gustave Courbet, peintre).
Pays de Courbet, pays d’artiste. Sur les traces de Courbet
Enfin, ajoute F.Thomas-Maurin : « Le musée Courbet, labellisé ‘musée de France’ s’inscrit dans une thématique forte « Art et Territoire » porté par le Conseil général du Doubs et constitue le maillon principal du projet — Pays de Courbet, pays d’artiste — de rendre hommage à l’artiste dans un ambitieux projet culturel et territorial.
Cette démarche scientifique et artistique, labellisée Ethnopôle par le Ministère de la culture allie nature et culture autour du peintre. »
Ainsi, après la visite du musée, le visiteur sera invité à découvrir les lieux symboliques de la vie de Gustave Courbet, dans la vallée de la Loue, qui ont fortement inspiré son œuvre.
Après les peintres du XIXème siècle et après Cézanne, L’Origine du Monde arrive à Ornans.
En 2014, de juin à fin août, le sulfureux tableau de Gustave Courbet — L’Origine du Monde — toile déjà exposée en 1992 durant l’exposition Masson, retournera à Ornans.
Comment ce si petit tableau de 46 x 55 cm, peint en 1866, peut-il provoquer autant de passions ? Pourquoi fait-il couler plus d’encre à notre époque* que ne le fit La Femme au Perroquet (même date 1866), autre œuvre de G. Courbet déjà jugée obscène ?
On se croit plongé dans un Conan Doyle. Quel est ce mystère autour du commanditaire tout d’abord ? Qui était cet acheteur ambassadeur, diplomate turc ? Qui en furent ensuite les étranges propriétaires ? Que cachait le baron François de Hatvany de Budapest ? Pourquoi le psychanalyste Jacques Lacan conservait-il ce tableau dans une version érotique encore plus marquée par un décorum personnel d’André Masson intitulée Terre érotique ?
Quant au modèle choisi par Courbet ? Demandez qui était Joanna Hiffernan ! Le modèle de L’Origine du monde et maîtresse du peintre entrainant la brutale séparation entre Courbet et Whistler, amant de la jeune femme, peintre lui-même, américain admirateur et disciple de Courbet ! Ce n’est plus du Conan Doyle, c’est un scénario signé Hitchcock !
Facebook censure L’Origine du Monde
Très récemment, une plainte contre Facebook en octobre 2011 de la part d’un professeur, amateur éclairé, déposée au tribunal de grande instance de Paris, parce que son compte a été supprimé par le réseau social à la suite de la publication sur son mur d’une photo du tableau qui renvoyait vers un documentaire diffusé par la chaîne culturelle ARTE, et retraçait l’histoire du tableau…
Déjà en février 2011, l’artiste danois, Frode Steinicke avait été exclu de Facebook pour avoir publié sur son profil une photographie du tableau. Son profil avait été réactivé mais sans la photographie de l’œuvre
OR-SAY – OR-NANS : un mariage en OR !
Dans le cadre des échanges avec le musée d’Orsay, le musée Courbet présente dès la fin du mois de juin jusqu’au 30 septembre : « A l’épreuve du réel, les peintres et la photographie au XIXème siècle ».
Dès l’invention du procédé photographique en 1839, certains peintres ont utilisé la photographie comme « auxiliaire de l’art ». Cette exposition revient sur les relations complexes entre peinture et photographie.
Les artistes présentés dans cette exposition représentent le monde contemporain de la deuxième moitié du XIXe siècle (1850-1900), dans un souci de réalisme dans le sillage de Courbet et des peintres de Barbizon.
En 2013, les tableaux de Cézanne seront à Ornans pour offrir un lien émouvant entre la Sainte Victoire et les sources de la Loue.
Qui veut acheter Le Chêne de Flagey ? Souscription nationale !
La belle histoire d’amour entre Orsay et Ornans perdure. Courbet et Ornans méritent ce lien prolifique.
Pour enrichir le patrimoine du Musée d’Ornans, une souscription publique nationale** est lancée afin de réunir les fonds nécessaires à l’acquisition du tableau – Le Chêne de Flagey – peint en 1864 par Gustave Courbet et faire idéalement entrer cette œuvre dans la collection permanente du musée.
Aujourd’hui détenu par le collectionneur japonais, Michimasa Murauchi qui en estime le prix à près de quatre millions d’euros, il est actuellement l’une des pièces maîtresses du Murauchi Art Museum à Tokyo.
Le conseil général du Doubs confiait en février au Journal des Arts que « le tableau pourrait rejoindre dès l’automne prochain le Musée Courbet d’Ornans, où il prendra tout son sens et toute sa dimension, en s’intégrant à nouveau dans le paysage qui a tant inspiré Courbet »
Espérons qu’avec l’aide de l’Etat ajoutée à la générosité du public, ce ne sera pas là qu’un vœu pieux qui procède de la simple et douce rêverie psalmodiée à voix haute !
Patrick Ducome
* Beaudelaire : Anecdote : Courbet ne pouvait « aboutir au portrait de Baudelaire et se justifiait : « Tous les jours il change de figure » (Chamfleury/Souvenirs et Portraits de jeunesse)
** Souscription Chêne de Flagey à : Madame le Régisseur du musée Courbet, Hôtel du Département, Souscription Chêne de Flagey, 7 avenue de la Gare-d’Eau, 25031 Besançon Cedex
Musée Courbet
5, rue De La Froidiere
25290 Ornans
[Crédits des visuels (de haut en bas) : Jack Varlet (Chêne de Flagey) // cliché P/d (L’Origine du Monde)]
Articles liés
Découvrez le seul-en-scène “Florence 1990” à La Petite Croisée des Chemins
18 novembre 1990. Florence Arthaud arrive dans le port de Pointe-à-Pitre à la barre de son trimaran et remporte la Route du Rhum, première femme à s’imposer dans une course en solitaire. Adolescent, je suis alors fasciné par cette...
Bananagun dévoile leur nouveau single “With the Night” extrait de leur nouvel album à paraître
Bananagun, originaire de Melbourne, partage “With the Night”, extrait de leur deuxième album “Why is the Colour of the Sky ?”, dont la sortie est prévue le 8 novembre via Full Time Hobby. Ce single au piano reflète le...
“Nadia Léger. Une femme d’avant-garde” au Musée Maillol : une exposition à ne pas manquer !
Nadia Khodossievitch-Léger (1904-1982) a été une figure de l’art du XXe siècle. À travers plus de 150 œuvres, la rétrospective Nadia Léger. Une femme d’avant-garde retrace le parcours largement méconnu de cette femme d’exception, tout à la fois peintre prolifique, éditrice...