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Le Houloc : “Le collectif soutient la création, la recherche artistique ainsi que sa diffusion”

Performance culinaire 'Bye bye peanuts' - D.R.

Lenny Rebere, du collectif d’artistes le Houloc, nous présente cet espace où s’inventent de nouveaux modes de création, médiation et mutualisation en plaçant l’artiste au centre des préoccupations. Une logique de coopération enrichissante !

Lenny, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous, votre parcours et ce que vous faites en ce moment ?

Je suis né à Lyon en 1994, où j’ai grandi avant d’arriver à Paris en 2011 afin d’intégrer l’école ESAIG Estienne pour y apprendre les métiers du multiple, essentiellement de la gravure. J’ai ensuite passé le concours pour entrer aux Beaux-Arts de Paris en 2013, où j’ai eu la chance d’intégrer l’atelier du peintre Dominique Gauthier. La spécificité de cette école, c’est qu’il s’agit d’un système d’apprentissage où les élèves sont regroupés sous la tutelle d’un artiste confirmé et où toutes les années sont confondues dans un même espace. Il arrive parfois dans certains ateliers, que l’on ne puisse pas mener des projets grands formats, souvent par manque de place, ce qui était mon cas. Lorsqu’une amie m’a appris qu’un groupe d’étudiants sortants était en train de créer un nouvel espace de travail aux alentours de Paris et cherchait d’autres artistes pour compléter et aménager ce projet, j’ai sauté sur l’occasion. Je suis donc entré au Houloc, au cours de mes études, en restant étudiant aux Beaux-Arts, mais en apprenant autant des enseignements de l’école que des artistes de l’atelier qui m’entouraient. Parallèlement, j’ai intégré à partir de 2015 la Galerie Isabelle Gounod qui me représente à Paris, avec qui je collabore depuis. Je suis actuellement en train de préparer ma quatrième exposition personnelle programmée pour mars 2021, dans les murs de la galerie.

Qu’est-ce que le Houloc ? Quelle est l’idée derrière, son objectif ?

Le Houloc est une association ayant pour objet le soutien de la création et de la recherche artistique, ainsi que sa diffusion. Elle a été créée en 2016 par un ensemble d’artistes émergents, désireux de travailler ensemble et de partager recherches et savoirs. Installée dans une ancienne menuiserie d’Aubervilliers, le lieu est organisé et géré dans cette dynamique par les artistes eux-mêmes, et composé d’espaces de travail personnels et partagés dont les spécificités permettent à chacun d’expérimenter et d’approfondir différentes techniques, et de mener à terme ses projets. Lorsque l’on se lance, en sortant d’une école d’art, il est souvent difficile d’investir un espace privé et d’avoir accès à un panel de matériel assez large pour se permettre des projets différents ou de grande ampleur, souvent par faute de moyens financiers et de difficultés techniques. L’avantage d’avoir pensé  l’organisation d’un atelier sur une base collective, c’est de s’autoriser d’essayer : bien que chacun gère un espace individuel comme il l’entend, nous mettons à disposition des espaces techniques et des espaces de vie qui sont autant des lieux de travail que d’échanges, et donc qui constituent une forme d’apprentissage entre les uns et les autres.

Quelle est l’organisation du lieu et le nombre d’artistes ?

Comme toute association, le Houloc est composé d’un bureau élu chaque année et géré par les artistes membres. Ainsi nous nous réunissons plusieurs fois dans l’année pour prendre des décisions collectives comme les aménagements de la structure, la sélection de la programmation, les prochains achats de matériel ou encore les stratégies de communication. Pour beaucoup d’entre nous c’est une charge de travail conséquente qui s’ajoute à notre pratique artistique et bien souvent à un job plus alimentaire, mais la gestion d’un projet collaboratif comme le Houloc est très formateur, et ça apporte de nombreuses discussions nécessaires à la bonne cohésion du groupe.
L’association regroupe 18 artistes poursuivant chacun des pratiques singulières, allant de la sculpture à la photographie en passant par la peinture, l’écriture, ou encore l’installation et la vidéo. Cet éventail pluridisciplinaire est le socle sur lequel repose une volonté d’échange et de mise en commun des points de vues et des compétences dans le but de tirer profit de leur complémentarité. C’est pour cette raison qu’il est important pour nous de toujours essayer, de maintenir une forme de parité dans les techniques artistiques pratiquées au sein de l’atelier. Depuis sa création nous n’avons cessé d’aménager le lieu de façon à rendre le plus praticable possible cette multiplicité technique : par exemple, une salle pour le travail du bois ou du métal a été aménagée en espace commun et isolée des espaces individuels afin de limiter la poussière ou le bruit provoqué par certaines machines. C’est sur ce principe d’organisation que nous avons pu, au fur et à mesure du temps et avec l’aide des soutiens financiers, autant publics que privés, aménager une salle de stockage, une pièce dédiée à l’informatique, une salle de finition pour la photographie avec une contrecolleuse, ou encore un espace d’exposition permettant aux membres de l’association de partager leurs recherches, mais également d’accueillir des propositions émanant de l’extérieur de l’atelier. D’autres aménagements sont prévus.

Exposition Marcovaldo – D.R.

Quelles dynamiques sont créées par le regroupement ?

Cet espace n’a pas été créé avec la revendication d’une pensée artistique commune, mais plutôt comme un lieu de partage, d’entraide et de source d’inspiration. Il est vrai qu’en interne il y a toujours une forme d’influence plus ou moins consciente au regard des artistes qui nous entourent, mais c’est une vérité qui a plutôt tendance à tirer le travail de chacun vers le haut. Le dialogue au quotidien est important pour cela, et contrairement à un artiste travaillant en solitaire, l’avantage est de pouvoir partager ses problématiques ou d’apporter des solutions à celles des autres. Nous avons tous une carrière artistique autonome, mais cette proximité de travail permet de mutualiser certains contacts et de faire des rencontres importantes lorsque l’on est artiste émergent. C’est pour cette raison que nous organisons régulièrement des visites d’ateliers avec des personnalités ou des professionnels du monde de l’art, sans manquer de présenter le travail de ceux qui le désirent. Il nous arrive également de s’inviter mutuellement lors d’expositions extérieures, ou bien d’imaginer des projets à plusieurs, comme ça a été le cas, par exemple, l’an dernier aux Beaux-Arts de Paris, avec la journée de performances “Capharnaüm”. Avec le recul, il nous semble que le Houloc représente plus qu’une structure d’atelier dont la gestion est partagée, et les biens et techniques mutualisés. Même si les missions de l’association sont relatives à la production et à la diffusion, les valeurs de partage, de réflexions communes et avec lesquelles nous agissons professionnellement donnent une véritable identité à ce lieu, autant qu’il nous fait évoluer personnellement.

Exposition ‘Green is the coolest color’ – D.R.

Peux-tu nous parler de vos projets passés et ceux en cours de préparation ?

Le fait de nous regrouper à 18 artistes permet de proposer des projets variés à l’image de l’hétérogénéité de nos pratiques, soit ailleurs, soit dans nos espaces. L’aménagement de la salle d’exposition nous a amené à penser ce lieu de travail aussi comme un espace de diffusion et d’expérimentation qui veut se tourner vers l’extérieur. Nous avons donc mis en place différentes programmations, comme le cycle VHS, où un vendredi par mois l’atelier met à l’honneur un artiste vidéaste invité en organisant une projection vidéo puis une discussion avec le public. En moyenne et par année, nous organisons 3 à 4 expositions collectives où nous pouvons inviter d’autres plasticiens à investir les lieux, faire appel à des commissaires d’exposition pour proposer un projet avec ou sans les artistes de l’atelier, ou encore d’organiser des rencontres, des performances sonores ou culinaires, des lectures… Durant l’année 2019, par exemple, en avril, nous avons organisé l’exposition Marcovaldo, une carte blanche proposée à Anna Battiston et Léa Hondencq, toutes deux commissaires d’exposition indépendantes. En juillet, nous avons invité l’artiste Marc Pataut pour présenter sa série de photographies “Apartheid 1986-1989” qui s’est suivie d’une rencontre avec le public autour de son travail. En septembre, à l’occasion de la journée du patrimoine, nous avons accueilli deux artistes allemands, Evelyn Möcking et Andreas Schröder, à travailler dans l’atelier afin de réaliser une exposition. Enfin, en décembre nous avons organisé un repas de Noël en invitant le collectif Bye Bye Peanuts à réaliser une performance culinaire pour une trentaine de personnes qui nous soutiennent et nous suivent depuis la création de l’association. À cette occasion, chaque artiste membre de l’atelier a réalisé une série d’assiettes originales en céramiques, dans lesquelles le repas a été servi et chaque participant repartait avec une assiette, ou pouvait en acheter d’autres afin de soutenir l’association et organiser d’autres évènements et expositions. En effet, le Houloc est essentiellement financé par ses membres et c’est dans une continuité logique de sa démarche qu’il nous tient à cœur de continuer à soutenir les différents métiers de l’exposition et de la création.

D.R.

La crise que nous connaissons n’a pas épargné l’association et les membres qui la composent. L’exposition “Intimité toi-même”, une carte blanche à Sophie Monjaret et Cécile Welker qui devait se dérouler en mars dernier a dû être repoussée, et l’arrêt brutal du secteur culturel a impacté de nombreux artistes financièrement : il faut penser à de nouvelles solutions afin de garder nos espaces de travail et le lieu fonctionnel. Nous avons par exemple mis en place durant le confinement une vente solidaire en élargissant à la liste des participants nos voisins artistes, et en répartissant équitablement les revenus de cette vente, afin que chacun reçoive un soutien, quelle que soit sa situation. Nous sommes également en train de mettre un place une série de quatre courtes expositions qui auront lieu durant le mois de juin, où nous invitons quatre commissaires indépendants pour se prêter à l’exercice de réaliser une exposition avec les artistes de l’atelier, répartis par tirage au sort. En définitive et en ce qui concerne les activités de diffusion de l’association, il est important de conserver une forme de présence malgré la mise à l’arrêt de nos activités. Nous allons de l’avant en essayant de penser à la meilleure manière de reprogrammer les événements qui ont dû être annulés et nous réfléchissons à d’autres modes de monstration qui pourraient mieux s’adapter à la situation sanitaire actuelle.

Est-ce possible de visiter les ateliers ?

Il est tout à fait possible de venir visiter les ateliers du Houloc, bien évidemment dans le respect des règles sanitaires actuelles. Nous allons organiser des visites sur rendez-vous et par groupes restreints à l’occasion des prochains évènements et expositions. Il est également possible de venir hors programmation sur demande par mail, selon la disponibilité de présence des artistes. Enfin, il est possible de s’abonner à notre newsletter quotidienne via notre site www.lehouloc.com.

D.R.

Quelques témoignages d’artistes :

“Le Houloc se dessine au fur et à mesure des événements auxquels il est amené à répondre. Cette voix collective et polyglotte en constitue sa principale valeur.”
Camille Le Chatelier, Artiste

“La base sur laquelle le Houloc a été créée est solidement ancrée dans la notion de collectif, alors même que nous ne sommes pas un collectif d’artistes au sens d’une homogénéité des pratiques et des recherches. Le collectif s’entend pour nous comme un mode de fonctionnement, les décisions concernant les projets au sein de l’atelier sont toujours prises après qu’un maximum de voix se soient exprimées. Ces temps de débats enrichissent les propositions, nourrissant aussi les artistes qui participent à ces échanges. Chaque artiste de l’atelier contribue à le faire tourner, chacun est force de proposition. La présidence de l’association le Houloc tourne chaque année, autant pour faire circuler les responsabilités que les honneurs, c’est une particularité à laquelle nous tenons.”
Mathilde Geldhof, Artiste

Découvrez les projets de l’association le Houloc sur leur site

Propos recueillis par Eleftheria Kasoura

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