L’autre et le même – Musée Singer-Polignac
« Vous êtes une merveilleuse tisseuse de sens …» écrit dans le livre d’or un visiteur anonyme, tombé sous le charme de l’exposition.
Depuis vingt ans, Marie-Claude Deshayes-Rodriguez s’inspire des mythologies grecques, chrétiennes, persanes pour nourrir ses œuvres, tapisseries de haute-lice. Il s’y trame des histoires de héros invincibles, s’ourdissent des complots, se tissent de grands desseins contrariés. Texte, texture, textile. Pour d’obscures raisons, un fil invisible relie le mot – outil du langage – à la fibre – outil de tapisserie – dans un même objectif. Donner du sens.
Les fils que Marie-Claude Deshayes-Rodriguez relient entre eux racontent des histoires : celle de Pandore, Narcisse, Pégase et Bellérophon, la huppe persane d’Atar. Tous l’inspirent. Mais la représentation qui surgit est une alchimie poétique intimiste. « Face à mon métier, je tisse mon histoire à moi, explique la licière, ce que je vis, ce que je lis ».
Serrés entre trame et chaîne, des petits jardins sont secrètement cultivés, nourris du terreau de ses rencontres, ses passions, son imaginaire et surtout, un grand amour de la littérature. D’improbables représentations trouvent leur place dans des espaces minutieusement organisés : les amants d’Orwell, les androgynes de Platon ou l’histoire de la quête « chimérique » d’un aventurier-ornithologue du 19ème siècle qui répertoriait les oiseaux de l’Amérique du nord.
Les oiseaux. Ils traversent l’exposition d’un discret bruissement d’aile, tandis que deux chats se lovent dans de moelleux coussins. Ici, chaque chose est à sa place. L’harmonie règne. Les couleurs se déploient et jouent les contrastes, rouges éclatants ou nuancier de bleus innombrables comme les vagues d’une mer. Les fils de lin, de rayonne ou de laine sont choisis avec soin, pour orchestrer les jeux de lumière et « faire chanter » la tapisserie.
« La tapisserie doit utiliser les outils et le langage qui lui est propre » explique Marie-Claude Deshayes-Rodriguez. Le licier créateur a une démarche différente de celle des liciers « qui doivent exécuter un carton » et transposer avec minutie des œuvres picturales jusqu’à imiter parfois le trait du pinceau. Forte de cette intimité avec la technique de la tapisserie, elle part en exploration. Ses recherches l’amènent sur des territoires où elle expérimente l’alliance de techniques différentes, trouve des effets de perspectives.
S’il est venu observer le travail de l’artiste, le visiteur qui arpente les deux salles du petit musée Singer-Polignac est à son insu, observé. Des yeux le regardent. D’étranges yeux solitaires et lumineux, fragments de tapisserie isolés : l’ « Oeil bleu », l’ « Oeil vert », l’ « Oeil brun » et tous les autres, racontent le mystère, la rupture, la fragilité du temps qui passe…
Sylvie Ramir
L’autre et le même – Tapisseries de haute lice
Marie-Claude Deshayes-Rodriguez
Marie-Claude Deshayes-Rodriguez est présente au musée.
Jusqu’au 27 juin 2010
Tous les jours sauf le mardi de 14h à 19h
Musée Singer-Polignac
1 rue Cabanis
75014 Paris
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