Lassana Sarre : “En tant que peintre, ma démarche est de me renouveler”
Lassana Sarre est un jeune artiste plasticien de 25 ans, aujourd’hui étudiant à la Villa Arson de Nice. Passionné par toutes les formes d’art, allant du street art à Mondrian en passant par Picasso, Lassana se raconte, nous parle de son approche de l’art contemporain, de ses rencontres, de ses projets.
Entre sculpture et peinture, Lassana Sarre souhaite que son travail trouve écho dans notre génération. Qualifiant sa pratique picturale de figurative, il prend en compte les éléments de réalité extérieure. Inspiré par son environnement familier, le jeune artiste dresse le portrait de ceux qui lui sont chers ; l’enfance est un sujet récurrent dans ses tableaux, et le regard définit la profondeur, la lumière et l’espérance de ses sujets. Par des gestes rappelant ceux de la danse, son pinceau ondule, se balade sur la toile dont on découvre le squelette.
Présentez-nous votre parcours.
Actuellement j’étudie à la Villa Arson à Nice, j’ai grandi en banlieue Parisienne à Vitry-sur-Seine. J’ai eu une pratique du dessin assez jeune, il faut savoir que la ville est devenue une vitrine pour les artistes de street art : au coin d’une rue, sur une boîte aux lettres, des murs entiers… Plus jeune, j’ai suivi un CAP signalétique (anciennement appelé peintre en lettres), et ce pendant deux ans. Avant d’intégrer les Beaux Arts de Paris, j’ai suivi une classe préparatoire publique du nom de Via Ferrata lancée en 2016 sous l’impulsion du nouveau directeur Jean-Marc Bustamante.
Quel est votre approche de l’art contemporain ?
Mon approche de l’art contemporain a été marquée en 2005 par l’ouverture du Mac Val, le musée d’art contemporain du Val de Marne. L’histoire du musée est directement liée à la politique de soutien aux artistes ; la collection du musée m’a sensibilisé aux artistes de la scène française des années 1950 à nos jours, couvrant différents mouvements : art cinétique, sculptures/installations, nouveau réalisme…
Quels peintres vous ont particulièrement touché ?
Évidemment, il y a eu les grands peintres. Ma marraine fait des poteries, et c’est au travers d’elle que j’ai eu une culture où l’on parle de ces grands artistes : Picasso, Mondrian, Basquiat. Mais ce sont véritablement les expressionnistes allemands qui ont su capter mon intérêt, dont Otto Dix, Ernst Kirchner, Paul Klee. Aujourd’hui, c’est la peinture figurative qui m’intéresse, les portraitistes comme Henry Taylor, qui m’a beaucoup inspiré.
Comment définiriez-vous votre peinture ?
Ma peinture reprend certains codes du street art et du graffiti. Dans mon procédé, je dénude le complexe du peintre : on commence par une peinture, ou un dessin au fusain et on efface le dessin lorsque la peinture avance, on cache le dessin, la préparation. Tous mes gestes, toutes mes traces doivent être vues par le regardeur : si je commence une toile au crayon, je laisserai la trace apparente. Comme le jazz bebop, je laisse libre cours à l’improvisation et à la manière de Richter, qui n’hésite pas à brouiller le résultat final d’un jet de couleurs, mettant ainsi en lumière les éléments éloquents et son geste. En tant qu’artistes, nous ne sommes jamais satisfaits, nous recherchons toujours la perfection. Dans mon travail, j’essaie de remettre en question ces positions que nous avons face à la peinture : la nécessité de cacher les imperfections, les mauvais traits, les ratures. C’est pour cela que je laisse des lectures de mon cheminement créatif.
Les modèles de vos portraits sont saisissants, qui sont-ils ?
Je m’applique à faire des portraits de personnes proches de moi ou inconnues. Dans ma famille, en Afrique, on m’envoie des photographies de cousins éloignés et je peins ces visages.
Parlez-nous de vos études aux Beaux Arts.
Je suis dans une école conceptuelle, la première mission de l’École nationale supérieure des Beaux Arts est d’éduquer et d’entrainer les étudiants à se dévouer à un grand niveau de création artistique. L’école m’a permis d’expliquer ma peinture, d’explorer diverses formes artistiques telles que la sculpture, la gravure. J’ai la chance d’avoir un atelier et de pratiquer la sculpture figurative, je travaille beaucoup avec le métal, la torsion. J’ai notamment utilisé le procédé de l’usinage, qui reprend le savoir-faire d’un ouvrier dans une usine de métal. J’utilise ces procédés pour donner du relief à mon art, obtenir une forme, et à travers le résultat mon travail trouve une réelle contemporanéité. Je souhaite que mon art touche des personnes qui ne pourraient pas y avoir accès.
Quelles ont été les rencontres qui ont marqué votre parcours artistique ?
J’ai rencontré Bebar, un street artiste et un ami qui a grandi à Vitry-sur-Seine, et qui a été aux Arts Décoratifs à Paris. Il a une façon de travailler très différente de la mienne : par le biais du street art, il s’est lié à des marques, à des fournisseurs de matériels comme Posca. C’est lui qui m’a rappelé qu’en tant que peintres figuratifs, conceptuels et contemporains, notre démarche est de se renouveler tous les jours, d’être en période de doute. Contrairement à ma pratique, Bebar est dans une image fixe, ou sa signature, son identité visuelle doit être reconnue.
Au sein de la Villa Arson, j’ai rencontré deux étudiants allemands : Steven Thelen, et Maria Jacquin. Ils travaillent exclusivement ensemble sur des installations, sculptures in situ. J’admire beaucoup leur façon de modifier l’espace, de le rendre pur.
Propos recueillis par Isabelle Capalbo
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