Eric Pougeau – L’art comme un crime
Eric Pougeau – L’art comme un crime |
Eric Pougeau n’est pas celui que vous croyez. 44 ans, il arrive au café avec une tête de bébé et les dents de la chance. Il a même amené un cadeau. On reconsidère rapidement le déroulement de l’entretien, il prend par surprise, mais ça, on était prévenu.
Ancien guitariste du groupe punk les Flaming Demonics, à 12 ans, Eric Pougeau veut être footballeur professionnel. Ça ne se fait pas. Il quitte l’école en 5ème, même s’il reste inscrit jusqu’à l’âge légal. Déjà, il s’échappe, il fuit l’autorité. « Moi, je combat l’enfermement, et le premier territoire de l’enferment c’est la cellule familiale », le deuxième, c’est l’école. Enfant de 1968, il est rebelle, autodidacte, touche à tout. Et surtout, il est neuf, artiste depuis seulement dix ans. Il passe de la musique à l’image comme ça, pour impressionner une fille. Quand elle lui demande ce qu’il fait dans la vie, il répond photographe. Bien obligé de s’acheter un appareil et de s’entraîner vite. Le goût de l’image se développe, mais EP se sent rapidement enfermé par l’objectif et ce qu’il reflète. L’évidence de créer ses propres objets, ses propres images s’impose à lui. La première ? Une pierre tombale : FILS DE PUTE. La suite ? Une couronne funéraire : SALOPE. « Il faut que ça tape » dit-il. L’artiste n’est pourtant pas issu d’une éducation catholique. Le choix de détourner les objets religieux tels les pierres tombales, couronnes et crucifix détermine plus une esthétique qu’un combat anti-catho. Ses crachats d’hostie et de sang sur croix n’ont rien de personnel. La dissociation entre l’artiste et son œuvre ne pourrait pas être plus frappante qu’ici. « Je ne me considère pas du tout comme un provocateur. » Ah. Mais son travail est comme « maudit » confie l’artiste. Les dents de la chance ne suffisent pas toujours. La première pièce qu’il expose est la couronne funéraire SALOPE, en vitrine de la galerie Perrotin, rue Louise Weiss. Le jour du vernissage, l’assistante de la galerie l’appelle et lui annonce qu’ils ont du la retirer, suite à des plaintes de riverains, indisposés par la vue de son œuvre. Première claque, début de la malédiction. Lors d’une exposition en Lorraine, le FN s’empare de l’affaire et la directrice du FRAC a des problèmes…
Nathalie Troquereau
[Visuels : Tirage de tête de la réédition du livre Fils de pute, 2012. Hostie et sang crachés sur croix noire. Courtesy the artist, éditions Dilecta // Salope, 2001, fleurs artificielles, ruban satin. Courtesy the artist, Galerie Olivier Robert] |
Articles liés

“PERDRIX” une pièce déroutante et onirique au théâtre du Troisième Type
Trois marcheurs revisitent leurs existences à travers un monde en ruines. Une odyssée entre ville et campagne, rêve et réalité. Dans un monde obscur et désolé, une jeune femme cherche à quitter la ville. Une nuit de brouillard, elle...

Streetoyenneté, une exposition qui ouvre le regard sur la citoyenneté
Dans un monde en perte de sens et soumis à de fortes turbulences, face à la déconsolidation démocratique et aux nombreux défis, tant humanistes qu’écologiques, le dispositif Streetoyenneté analyse pour mieux renforcer la notion de citoyenneté, à travers une...

“Vieille Petite Fille” une réécriture poignante du Petit Chaperon rouge au Théâtre du Troisième Type
Entre réécriture libre du conte du Petit Chaperon rouge et autofiction, Vieille Petite Fille est un récit d’affirmation et d’émancipation qui s’appuie sur le célèbre conte pour mettre au grand jour les mécanismes d’aliénation matrilinéaires. L’écriture de cette pièce...