La Pesanteur et la Grâce au Collège des Bernardins
Georges-Tony-Stoll bernardins::
Difficile, en pénétrant dans la nef du Collège des Bernardins, de n’être pas frappé par la beauté de cet édifice cistercien du XIIIème siècle et de sa voûte en arcs brisés. Ce n’est qu’en baissant les yeux que l’on en vient au but de la visite : ici quelques plaques d’aluminium disposées au sol, là un amas de planches évoquant une ébauche de construction maladroite, ailleurs des toiles quasi monochromes aux couleurs ternes. Une grande économie de moyens pour à peine une douzaine d’œuvres : piètres bijoux pour un si bel écrin. Beaucoup s’arrêteront à ce jugement et sortiront en criant à la fumisterie. Ceux-là, évidemment, auront perdu leur temps.
Le problème que l’exposition entend soulever, sinon résoudre, c’est celui de la matière comme vecteur de spiritualité. Un objet physique – œuvre d’art en l’occurrence – peut-il provoquer une forme d’élévation spirituelle chez celui qui l’observe ? Comme la philosophe Simone Weil, dont un recueil de textes a donné son titre à l’exposition, le commissaire Eric de Chassey en est convaincu. Mais pour que l’œuvre, matérielle donc pesante, soit plus à même d’emmener le spectateur dans les hautes sphères de la spiritualité, il faut que son créateur se fasse oublier et qu’elle paraisse se réaliser d’elle-même. Les cinq artistes représentés ont donc en commun une démarche qui tend à limiter leur intervention dans la genèse des œuvres. Ainsi Callum Innes laissant l’essence de térébenthine diluer la peinture répandue sur la toile, ou Emmanuel Becheri enregistrant le bruit d’une combustion de briquet. Alors les objets vivent d’eux-mêmes, à l’image des plaques pliées de Marthe Wéry qui semblent se soulever lentement ou de la construction chaotique de Georges Tony Stoll qui paraît chercher sa propre forme. C’est là, dans cet état de l’œuvre sur le point d’exister, que résiderait son intensité métaphysique. Miracle ou élucubration ?
Ce que propose l’exposition, plus que le spectacle décevant de ces œuvres aux formes sommaires, c’est une expérience. L’art contemporain, lorsqu’il s’éloigne à ce point des notions d’esthétique et de sensualité, requiert un effort de la part du visiteur. Eric de Chassey l’affirme : « Il faut accepter de ne pas comprendre, de se laisser interroger. » Il faut, surtout, oublier les attentes que l’on nourrit vis-à-vis de l’art, et accueillir ces œuvres simplement pour ce qu’elles sont. C’est à ce prix que l’on dépassera leur hermétisme exaspérant. Et pour ceux qui n’y parviendront pas, il reste la nef et la sacristie du Collège des Bernardins : elles aussi, à leur manière, parlent de terrestre et de divin, de pesanteur et de grâce.
Que l’on ne s’y trompe pas : les œuvres présentées ici, peu nombreuses et guère spectaculaires, agaceront les visiteurs en quête de sensations, d’émotions ou de sensualité. En revanche, ceux qui croient en la possibilité d’un art réduit à sa forme la plus basique s’offriront peut-être une authentique expérience métaphysique. Les voies du Seigneur, dit-on, sont impénétrables…
Grégoire Jeanmonod
La Pesanteur et la Grâce
Commissariat: Eric de Chassey, professeur d’histoire de l’art à luniversité François-Rabelais de Tours, membre de l’Institut universitaire de France et directeur de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis.
Jusqu’au 12 septembre 2010
Du lundi au samedi de 10h à 19h, le dimanche et jours fériés de 12h à 18h.
Informations : 01 53 10 74 44
Entrée libre
Collège des Bernardins
20 rue de Poissy
75005 Paris
Métro Cardinal Lemoine, Maubert-Mutualité
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