La peinture décomplexée de Gregory Forstner
Gregory Forstner – Le Déjeuner sur l’herbe Du 11 mars au 14 mai 2016 Galerie Mathias Coullaud M° Filles du Calvaire |
Avec cette exposition au titre porteur de références, Le Déjeuner sur l’herbe, Gregory Forstner rejoint la galerie Mathias Coullaud dans le Marais. Artiste atypique dans le paysage de l’art contemporain, il propose une peinture qui lui ressemble : généreux, esthète, jouisseur de l’art et de la vie. La peinture de Gregory Forstner est de celles qui déclenchent des réactions tranchées : on adhère ou on rejette. Mais partisans comme détracteurs ne peuvent que s’accorder sur la force de cette peinture décomplexée et incandescente, à la puissance masculine et flirtant avec le loufoque. Peut-être est-ce la force des grands peintres qui ont plongé leur pinceau dans l’histoire de l’art pour s’arrêter sur certains “monuments” – Le Greco, Vélasquez, Manet, l’expressionnisme allemand, le pop art –, mais qui ont réussi à dépasser cet héritage pour nous emporter dans un univers à part. De l’histoire de l’art, Gregory Forstner a également subtilisé la tradition du portrait, de la mise en scène, de l’allégorie, à sa manière.
Un vocabulaire symbolique énigmatique En effet, l’étrange domine ces morceaux de portraits cinématographiques parfois dérangeants pour lesquels les interrogations se bousculent. Qui se cache derrière ce bulldog adipeux et répugnant dégustant une dinde de Thanksgiving ? À quoi pense cet autre chien au regard nostalgique en train de fumer ? Est-il allongé sur un manteau d’hermine ? De quoi peuvent bien discuter ce bulldog, cet homme noir et cet autre à tête de mort souriant, tenant un verre de vin et un poisson mort ? Toute une symbolique se met en place autour d’un vocabulaire énigmatique où se percutent les références détournées à la vanité, au pouvoir, aux dieux antiques, à la chrétienté, tout comme à la vie quotidienne. On y lit l’ironie et le cynisme que pose le peintre sur la condition humaine, sur ce théâtre des apparences et ce jeu des illusions sociales, mais avec une bienveillance malgré tout. Tous portent un masque qui ne demande qu’à tomber, incarnent une posture, endossent un rôle. L’ambivalence et la contradiction en jeu C’est que Gregory Forstner jongle avec l’ambivalence à chaque coup de pinceau. “J’ai compris très tôt qu’il y avait une vérité dans les contradictions, ce qu’on retrouve dans le rire. Comme le disait Baudelaire, le rire est le résultat de deux sentiments contraires, on montre les dents pour garder la distance, mais les larmes ne sont jamais très loin. Ma raison d’art se résume à la possibilité d’éprouver à chaque fois la sensation d’être vivant. Ensuite, l’iconographie n’est qu’un moyen, un outil pour accéder à une sensation et, souvent, elle est contradictoire ou complémentaire : on est vivant car on va mourir ! Dans le livre que je viens de publier, L’Odeur de la viande, je parle de mon premier souvenir d’enfant, j’ai 2 ans et demi et je suis en Afrique. Je suis à l’arrière d’une voiture et vois un coucher de soleil sur un champ de bananes. Je regarde vers l’ouest et j’appelle cela l’origine de la mélancolie car je comprends que cette beauté existe seulement parce que le soleil va se coucher, comme un jour je serai mort.” Une peinture outrancière et généreuse Dès lors qu’on se libère du rapport au sujet figuré, on plonge dans la sensation de cette peinture outrancière et généreuse étalée dans un mouvement vif et impulsif, où le geste est le maître d’œuvre. Gregory n’a plus le contrôle et se laisse porter. Une énergie tourbillonne et sculpte la matière tout en la mélangeant. Tout cela n’est que prétexte pour accéder à un plaisir charnel car Gregory est un esthète jouisseur de l’art et de la vie. Amateur de la beauté et des plaisirs. Un “Africain blanc” européen Sa chance, c’est sa culture à plusieurs facettes, de par ses origines et son histoire : né en Afrique de père autrichien et d’une mère française née à Alger, il a vécu aux États-Unis à l’âge de 15 ans et y est retourné il y a sept ans. “C’est très amusant car, en Allemagne, on dit que j’ai une peinture américaine, en France, que j’ai une peinture allemande, aux États-Unis, une peinture européenne. En vérité, tout le monde a raison car je suis le résultat de tout ça.” Stéphanie Pioda
[Photo Gregory Forstner, Thanksgiving, 2016, huile sur toile, 86×127 cm / Le Déjeuner sur l’herbe, 2015, huile sur toile, 250×200 cm / Le Déjeuner sur l’herbe, 2015, huile sur toile, 250×200 cm / Blue Collar chilling, out, 2016, huile sur toile, 40,5×30,5 cm / Vue de l’exposition à la galerie / The Fisherman, 2015, huile sur toile, 250×200 cm © Gregory Forstner © Galerie Mathias Coullaud – Louis Delbaere) |
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