La nouvelle Petite Galerie du Louvre autour des mythes fondateurs
Mythes fondateurs. D’Hercule à Dark Vador Du 17 octobre 2015 au 4 juillet 2016 Ouvert tous les jours de 9h à 18h sauf le mardi Nocturnes jusqu’à 21h45 le mercredi et le vendredi. Fermetures : les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre Musée du Louvre |
Du 17 octobre 2015 au 4 juillet 2016 Quel lien peut-il bien exister entre Hercule, le demi-dieu de la mythologie grecque et Dark Vador, le père du jeune Luke Skywalker dans Star Wars ? C’est très simple : George Luca s’est inspiré directement du héros mythique pour créer ce personnage sombre. Cette confrontation résume l’enjeu de cette nouvelle galerie : démontrer en quoi les mythes antiques restent contemporains. Nous avons rencontré les commissaires de cette première exposition dans la Petite Galerie, Dominique de Font-Réaulx et Frédérique Leseur. Entretien.
Pourquoi avoir choisi ce thème des mythes fondateurs pour lancer ce nouveau projet de galerie ? Frédérique Leseur. Le choix du thème est essentiellement lié à l’enjeu de cette galerie qui n’est pas un espace d’exposition scientifique, mais un lieu d’apprentissage du musée et d’initiation à l’art. Notre président Jean-Luc Martinez souhaite que nous y fédérions les actions d’éducation artistique et culturelle. C’est pourquoi les sujets d’exposition que nous présentons doivent parler à des publics variés, qui ne sont pas déjà amateurs d’art et soulever des problématiques larges, liées à la transversalité des arts, en lien avec des enjeux de société, ou des questions plus philosophiques . La question des mythes fondateurs et du rapport des arts avec les grands récits mythologiques est apparue comme un sujet universel, dans le temps et dans l’espace. Le héros est une figure fondatrice de la mythologie, de l’imagerie et de l’imaginaire jusqu’aux mangas, l’univers Marvel et les grandes séries cinématographiques. On part de ce que les enfants étudient à l’école – dans les textes d’Hésiode ou d’Ovide – pour aborder les récits Dogon et d’Océanie, raconter les tanuki et les kitsune du Japon… et ainsi avoir l’ouverture la plus grande sur le monde. Les collections du Louvre expriment la variation des expressions artistiques, mais nous avons souhaité aller plus loin en nous associant avec d’autres musées nationaux, le Musée du Quai Branly, le musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, la Cinémathèque française ou le Centre Georges Pompidou. Ces mythes concernent différentes époques et différentes civilisations. Comment avez-vous arrêté le choix des œuvres ? Dominique de Font-Réaulx. Il n’était pas envisageable de s’attacher à tous les mythes fondateurs que nous aurions dû évoquer dans un espace de 250 m2. Notre réflexion nous a donc poussés à considérer que, si nous souhaitions véritablement favoriser la rencontre avec l’œuvre, il fallait s’attacher à des sortes d’invariants, pour reprendre un terme employé par Georges Dumézil notamment. Nous avons très vite travaillé sur l’idée d’une première partie sur les mythes de création, une deuxième sur le rapport du cycle de la nature – les mythes ne sont jamais que, comme le dit très bien Levi-Strauss, des personnifications naturelles, la nuit, le jour, le printemps… –, et la dernière partie parle des héros et des monstres, ces personnages qui habitent les mythes. Tous ces mythes renvoient à des émotions primordiales que nous avons tous éprouvées – que le soleil ne soit pas là, que le temps se dérègle… –, et à une crainte plus ontologique et plus primordiale, puisque nous allons tous mourir. Ils posent le fameux « D’où venons nous et où allons nous », qui est une question universelle. Nous nous sommes rendus compte également que dans presque tous les mythes de fondation, le geste de création est un geste artistique, soit celui d’un modeleur, soit celui d’un souffleur. L’interrogation sur les mythes est donc aussi une interrogation sur la création artistique. Beaucoup des œuvres sélectionnées sont des œuvres phares ! Frédérique Leseur. Un des points essentiels depuis le début du projet : pour donner le goût des œuvres, il est essentiel de réunir des œuvres de grande qualité. Le Musée du Quai Branly nous a prêté des pièces magnifiques, comme ce masque Dogon, le Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye une extraordinaire pièce celte, en bronze, ornée de dragons, le Louvre une Vénus du type de l’Esquilin, le groupe d’Hercule et Atlas de Michel Anguier par exemple, ou le Centre Georges Pompidou le RP3, Ci-gît l’Espace d’Yves Klein… de très belles œuvres ! Nous avons cherché à réunir des œuvres issues de différentes époques, civilisations, témoignant de la variété des arts et des techniques, mais un propos encyclopédique était évidemment impossible. Chacune des œuvres appelle de nombreux commentaires, que ce soit au niveau de la symbolique, du style, de l’histoire de l’art, des matériaux… Jusqu’où allez-vous dans le niveau de lecture ? Dominique de Font-Réaulx. Nous privilégions l’expérience dans l’exposition, ce rapport sensible avec l’œuvre d’art avec des informations d’observation et de questionnement sans pour autant raconter l’histoire complète de chacune des œuvres. Des publications, une application, un livret de famille et un site internet complèteront la visite. Frédérique Leseur. On voudrait faire éclore l’émotion et la question. La réponse se trouve ailleurs, même si on délivre déjà beaucoup d’informations. Il y a un travail particulièrement soigné autour des dispositifs muséographiques, la scénographie et la signalétique. On essaie d’agir par comparaison pour ne pas réduire les œuvres à des images. Elles ont une matérialité et un sens. Quels rapprochements peut-on faire entre les héros antiques et les super-héros contemporains ? Dominique de Font-Réaulx. Il nous semblait essentiel de montrer combien tous ces héros de l’Antiquité occidentale, de l’Afrique, de l’Australie ou de l’Asie ont nourri notre pensée d’aujourd’hui : Hercule est un modèle pour tous les super-héros, la Vénus est toujours l’incarnation de la beauté et le tanuki japonais est l’ancêtre de Pikachu des Pokémon ! Pour George Lucas, Dark Vador est un Hercule qui n’aurait pas été confronté aux Travaux et Obi-Wan Kenobi est construit sur la figure du samouraï. Tout l’univers Marvel également vient des mythes et Spider-Man serait un Icare qui ne serait pas tombé. Dans la boucle du cinéma, nous souhaitions évoquer tous les enjeux de la métamorphose : le cinéma est présent ici comme expression artistique, et non documentaire. Le film conçu par Jérôme Prieur, avec la Cinémathèque française, est une ode à la virtuosité cinématographique. Est-ce qu’il n’est pas gênant de mettre au même niveau la Vénus de l’Esquilin ou la maquette de Delacroix pour l’Assemblée nationale que le casque de Dark Vador ? Vous leurs conférez le même statut d’œuvre d’art ? Dominique de Font-Réaulx. Il me semble ; c’est le casque original. Il s’inspire d’œuvres d’art anciennes. D’un accessoire de cinéma, il est devenu un objet mythique. Il sera exposé dans le futur Lucas MuseumofNarrative Art, et sera restauré pour présentation au sein de la Petite Galerie du Louvre. Nous confronterons ainsi le bon père incarné par Dédale avec le mauvais père incarné par Dark Vador. Propos recuillis par Stéphanie Pioda
[Photo. Affiche de l’exposition inaugurale de la Petite Galerie du Louvre « Mythes fondateurs. D’Hercule à Dark Vador » © 2015, musée du quai Branly, photo Claude Germain / Scala, Florence © RMN Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski © & TM. Lucasfilm Ltd. Used under authorization // Héraclès et le lion de Némée (Face B). Amphore à figures noires. Vers 540 avant J.-C. Athènes. 42,30 x 28,50 cm. Musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski //Aphrodite, dite Vénus du type de l’Esquilin. IIe siècle après J.-C., Brindisi (Italie) ?Marbre de Paros. H. : 96 cm. Musée duLouvre © RMN-Grand Palais (musée duLouvre) / Hervé Lewandowski // Statuette féminine dite Vénus de Tursac, gravettien, 25 000 avant J.-C.Calcite, 8 x 3 x 2 cm. Muséed’Archéologie nationale © RMNGrandPalais (musée d’Archéologienationale) / Jean-Gilles Berizzi // Stèle de la dame Tapéret (recto). Xe ou IXe siècle avant J.-C. (22e dynastie). Bois peint, 31 x 29 x 2,6 cm. Musée du Louvre © 2003 musée du Louvre / Christian Décamps // Paul-Ambroise Slodtz, La Chute d’Icare, 1743. Marbre, 38 x 64 x 54 cm. Musée du Louvre © RMNGrand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski] |
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