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La Mode est-elle le dixième art ?

1 décembre 2016
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La Mode est-elle le dixième art ?

77356-3 copieInspirée et créative, la mode n’est pas seulement une activité commerciale. D’ailleurs les créateurs s’apparentent souvent à des artistes. Mais la reconnaissance en tant qu’art n’a pas été évidente. Rapide tour d’horizon !

André Malraux disait de l’art que c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme. En effet, l’art, tel que les hommes l’ont défini, est l’activité humaine visant à exprimer les préoccupations, les croyances, les questions d’une époque donnée sous une forme propre à traduire les émotions et les sentiments.

Aujourd’hui, la mode et l’art sont étroitement liés, voire parfois ne font plus qu’un. Tous deux à faire du « beau », tout en étant en avance sur leur temps, se distinguer. Pourtant, si le stylisme est considéré comme un art appliqué (prêt-à-porter), c’est-à-dire une activité qui apporte de l’esthétique au quotidien, ce n’est pas le cas de la haute couture qui, elle, ne relève que de l’imagination de créateurs. Cette dernière n’a donc pas de fonction pratique définie et est moins assujettie à des contraintes économiques et stratégiques. Bien qu’elle habille les gens, sa première fonction est de montrer le savoir-faire d’une maison de couture. Pas toujours d’être portable !

defile-chanel-pour-la-collection-de-pret-a-porter 860609 copie copieLa mode : une activité commerciale

Certains créateurs voient d’abord dans la mode son aspect commercial. Ainsi, Rei Kawakubo, Miucca Prada ou encore Karl Lagerfeld défendent l’idée que la mode n’est pas de l’art, même si celle-ci est créative et inspirée.

Cependant, certains jouent sur l’ambiguïté. Ainsi, la maison Chanel reconstitue pour sa collection printemps-été 2014 une galerie d’art au sein du grand palais. Les robes blanches comme des toiles criblées de touches d’aquarelles défilent au milieu des codes de la maison réinterprétés sous la forme d’oeuvres d’art sur 340 mètres de podium. Et pourtant, Lagerfeld parle des créateurs qui se qualifient d’ « artistes » comme des artistes de second-rang !

la-robe-mondrian exact780x1040 pLe couturier : un artiste ?

Yves Saint-Laurent dira de la mode que c’est un métier « qui n’est pas tout à fait un art, mais qi a besoin d’un artiste pour exister ».

Grand collectionneur, il est d’ailleurs l’un des premiers à avoir imposé l’art dans la mode, avec la Robe Mondrian. C’est une petite robe courte et droite présentée lors de la collection haute-couture automne-hiver 1965 et inspirée des œuvres abstraites du peintre néerlandais. Cette robe, largement copiée, restera l’un des créations les plus marquantes de sa carrière. Il poursuivra cette utilisation d’œuvres d’art dans ses créations, notamment à l’automne-hiver 1980, avec la robe Matisse, ou au printemps-été 1988 avec la Robe Picasso. Autant de modèles hissés au rang d’œuvres d’art à part entière !

Ces créations ont ainsi fait l’objet d’une exposition en 2004 : Yves Saint-Laurent dialogue avec l’art. Dans le catalogue, le couturier précise : « Mon propos n’a pas été de me mesurer aux maîtres, tout au plus de les approcher et de tirer des leçons de leur génie ».

Pierre Bergé, co-fondateur et associé de la Maison Yves Saint-Laurent, rejoint d’ailleurs son point de vue : « La mode existe seulement lorsqu’elle est portée par les femmes. Sinon, elle n’est rien. Ce n’est pas un art. Mais Yves Saint-Laurent était un artiste, comme Balenciaga. Et Chanel, aussi. Et Christian Dior. Schiaparelli était également une artiste. La mode n’est pas un art ».

La mode : un art

Toutefois, de nombreux créateurs envisagent la mode comme un art. Certains vont même jusqu’à ancrer leurs créations dans des styles propres à l’art pictural. C’est le cas d’Elsa Schiaparelli qui peut tout à fait être qualifiée de créatrice surréaliste avec son chapeau chaussure, son tailleur bureau, sa robe squelette, ou encore sa robe homard (réalisée en collaboration avec Salvador Dali).

defile-viktor-amp-rolf-automne-hiver-2015-2016-paris-look-10Pour son défilé haute couture automne-hiver 2015, le duo de créateurs à l’origine de la marque Viktor and Rolf se sont amusés, quant à eux, à mettre en scène de véritables robes tableaux pour donner leur point de vue sur le débat. En effet, après être passés sur le podium, les mannequins étaient déshabillés par les deux créateurs qui disposaient alors les tissus sur les murs blancs jusqu’à former des portraits de la Renaissance ou des natures mortes. Une fois accrochés au mur, les ourlets géométriques en bois doré constituaient les cadres des toiles.

D’autres choisissent de faire collaborer les artistes du moment. C’est le cas de Marc Jacobs, alors directeur artistique chez Louis Vuitton, qui fait appel à l’artiste japonais Takashi Murakami, en 2003, pour redonner un souffle de modernité à l’iconique toile de la marque. Ces collections ont eu un retentissement planétaire, notamment au Japon. Et Murakami présente aujourd’hui ses créations pour Louis Vuitton de la même façon qu’il présente ses œuvres d’art, lors des rétrospectives qui lui sont consacrées.

Des créateurs reflètent également leur époque, bouleversent les codes culturels, voire transmettent un message. Comme l’art. Ainsi, après Jean Patou, Chanel a contribué à la libération de la femme en faisant porter aux femmes des pantalons et des robes fluides, dénuées de tout artifice, comme l’a été la célèbre petite robe noire. De même, le smoking féminin de Saint-Laurent n’a-t-il pas eu un retentissement dans l’émancipation féminine ?

La mode représente donc bel et bien un moyen d’expression artistique. Tellement précieux que les grandes marques immortalisent le talent de leurs créateurs à travers des monographies luxueuses, des expositions au retentissement considérable. Des musées entiers, tel que le Musée Galliera, sont même consacrés à la mode. Si celle-ci est éphémère puisqu’elle se renouvelle continuellement, le statut d’art permet donc à la haute couture de désormais traverser le temps. Nul doute que cette institutionnalisation va contribuer à légitimer la mode, enfin reconnue à sa juste valeur.

Antonin Dubois 

[Crédits Photo 1 : © Elsa Schiaparelli en collaboration avec Salvador Dalí, Hiver 1937 – 1938, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris / Photo 2 : © Défilé Viktor & Rolf automne-hiver 2015-2016, Paris – Look 10, imaxtree/ Photo 3 : © Défilé Chanel prêt-à-porter printemps-été 2014, centre presse Aveyron]

 

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