La métamorphose du corps, l’art du poète
Maison Métamose, poète, tatoueur, photographe, mutant. Venez découvrir un artiste qui se laisse guider par son rituel. Il vous transportera dans son univers spirituel où « la peau dit déjà tout. »
Peux-tu s’il te plait te présenter ? Quand as-tu commencé à tatouer, quel est ton parcours dans le tatouage, quels arts pratiques-tu en dehors du tatouage? Avant, tu voulais faire de la bd. Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?
J’ai réalisé mon premier tatouage il y a cinq ans, sur moi-même. Puis je me suis lancé directement.
L’engouement public a été quasiment immédiat. J’ai toujours eu une foi inébranlable en mon art, mais oui j’avais peur. Je prévenais tout le temps : « Ma technique est très fragile. Mon travail, maladroit. Ce ne sera pas bon. » Mais les gens le voulaient, et continuaient à venir, de plus en plus nombreux. Ils ont aimé cette fragilité. Depuis les street shops français, on me rapportait ces bruits : « C’est une honte ce Métamose… Ce n’est pas un tatoueur… Il fait n’importe quoi…» etc etc. Après ma dixième pièce, j’ai été interviewé par un grand magazine de tatouage, qui a donné la première impulsion. De mon côté, j’ai travaillé dur. Aujourd’hui, ces tatoueurs ainsi que nombre de maîtres respectent mon travail.
De nombreux artistes que j’admirais adolescent, aussi, dans différents domaines tels que l’illustration ou la bande dessinée. J’en suis profondément honoré. Les lignes de vie se recoupent. Le destin s’écrit, et même en prenant des chemins détournés ou inattendus, les choses finissent par trouver leur juste place.
J’ai mis de côté la bande dessinée car j’ai compris que j’avais besoin de générer des interactions quotidiennes à travers un autre médium. J’avais besoin de comprendre l’être humain, d’élargir le spectre dans lequel j’avais été reclus jusqu’alors.
Tu es un artiste polyvalent, tu fais de la photo, de la poésie, tu traduis des poèmes graphiquement. Dans ce cadre, quelle est ton approche de l’art, qu’est-ce que ça t’apporte ?
L’émotion générée par le point, la ligne, la lumière et le son, contient l’humanité toute entière, et bien plus encore. L’art est tout ce que j’ai pour faire face et embrasser cette humanité. Ni plus ni moins.
Tu te définis comme conteur d’histoires sur peau. Peux-tu m’en dire plus ?
Si j’avais pu me passer de tatouages, je ne serais pas tatoué. Je suis couvert parce que c’est ce que je devais faire. Ce n’est pas un choix, c’est un rituel de mutation vital. Je dois faire des sacrifices pour respecter mon histoire et ce que je suis. Trouver l’équilibre, à la fois intérieur et dans la chair. C’est ce que je construis également avec et pour les gens qui viennent à moi.
Comment opères-tu pour tatouer ? Quelles sont les différentes étapes pour conter des histoires sur la peau ? Comment décrirais-tu le sentiment que tu ressens quand tu tatoues ?
Les gens m’apportent des objets, de nature variée, à même de pouvoir les décrire. Je leur demande cette introspection avant de venir. Ce n’est pas le choix de ces objets qui influence et détermine le processus, c’est la manière de parler de ces objets. Pas la manière de parler spécifiquement. Encore moins, la manière tout court. Mais celle d’être et de renvoyer une émotion. L’objet crée l’opportunité de commencer à se livrer, sans divaguer. En regardant l’objet entre mes mains, je regarde en réalité en eux sans que ce soit trop viscéral, même si certaines barrières doivent céder et certaines frontières être repoussées.
Lorsque je me sens suffisamment rempli, ou suffisamment vide, je leur demande de se dénuder et de s’allonger sur la table. Puis je tatoue en improvisation directe (free machine) ou j’improvise au feutre avant de tatouer (freehand). Le tatouage est toujours découvert à la toute fin du processus uniquement.
Les gens doivent être prêts à ne pas recevoir ce qu’ils veulent. Ils ne doivent rien vouloir. Ils ne doivent rien attendre, rien projeter. Sinon, ce sera une perte, et la mutation n’aura pas lieu. En acceptant une nouvelle vision de leur être profond et morphologique dévoilée à travers mon prisme, ils s’offriront leur propre clé.
Mais de mon côté, je dois rester vigilant à tout instant. Tout peut basculer au gré des lignes que je trace. Je ne ressens plus rien de particulier. Délié du passé, désintéressé de l’avenir : je suis dans le flux de la vie elle-même, dans son mouvement, jusqu’à ce que je n’aie plus rien à dire que le corps raconte lui-même par sa présence – sans aucune nécessité d’encre.
Concrètement, le tatouage est de l’ajout de matière. Moi c’est l’inverse, je suis dans un processus de soustraction de synthèse.
Je ne me définis plus comme un conteur d’histoires sur peau. La peau dit déjà tout, je ne fais que révéler ce qui est encore trop dans l’ombre.
Quelles sont tes influences ?
Ma mère. Elle m’a donné tout ce que j’ai, et tout pris à la fois. Je passe ma vie à essayer de (re)construire.
Comment as-tu appris le tatouage ?
Grâce aux gens, sur les gens. Je n’ai pas suivi d’apprentissage, ou bien celui de l’erreur et de l’expérience. De la peur et du courage que cette peur entraîne.
Qu’est-ce que t’a apporté le tatouage ?
Une plus grande et plus belle appréhension du point, de la ligne, du mouvement, de la teinte, de la lumière et du son. L’être humain circule à travers eux. Donc une plus belle appréhension de la vie.
Comment vis-tu le confinement artistiquement parlant ?
Passés les premiers jours difficiles, je me suis rapidement replongé dans mes projets. A commencer par les ajouts et corrections de mon roman, « Le Deuil des Nénuphars ». Et surtout, je suis en plein apprentissage d’un nouveau médium, pour mettre en place le projet auquel je veux me consacrer. Disons que le confinement me guide dans une rigueur technique à laquelle je suis peu habitué. Cela demande du temps, de la patience, de la logique. Une phase presque mathématique, finalement. Je suis fait d’une nature plus violente, plus spontanée, organique. Je passe mon temps à sauter dans des ravins. Le confinement est à cet égard un allié précieux, qui me maintient sur des rails solides et nécessaires, pour que demain je puisse tout faire sauter avec précision. Pour le moment, je suis un élève studieux.
Toi qui touches à beaucoup de choses dans l’art, comment vois-tu la place du tatouage dans l’art ?
Ce médium interroge des questions primordiales de mouvement, d’espace, de communication, de rapport au temps, à soi et à l’autre.
Le tatouage est une forme de quintessence, en soi.
Si une personne souhaite se faire tatouer par toi mais que son histoire ne te parle pas, comment réagis-tu ?
Pour qu’une histoire ne me parle pas, il faudrait que j’aie passé la nuit à picoler et être dans un sale état déjà, ce qui n’arrive pas puisque je m’interdis de boire la veille d’une séance. Ou il faudrait que je sois dans un revers sombre de ma personnalité. Parce que quand on y pense, comment une histoire ne pourrait-elle pas « nous parler » ? En dépit des différences de choix réalisés par chacun d’entre nous, on partage une vibration commune. Peu importe la nature, le caractère, le background, l’actif et le passif. Tous les êtres humains sont liés par un éventail d’émotions et sentiments similaire. Il y a des points de correlation entre n’importe qui. Mon devoir dans ces moments-là, est de trouver ces points de corrélation et ressentir ce que l’autre ressent. Une surface de résonance. Et si elle est insaisissable, mon devoir est de créer cette surface de résonance. Cette surface, c’est ce qu’on nomme l’imagination.
Quels sont tes futurs gros projets ?
Je ne parlerai pas d’une chose avant de l’avoir accomplie. Mais quand ce sera lancé, et je le dis avec conviction, vous l’entendrez.
Fais-tu de petites pièces ?
Certaines personnes peuvent ressentir mon art, sans pour autant avoir ou la force, ou la nécessité de sacrifier leur corps à une métamorphose. Pour ces gens-là, il existe deux books de flash secrets, à découvrir le jour même du rendez-vous. Ce sont des fragments de mon plaisir que je laisse à leur disposition, des traces dont les gens peuvent s’emparer et qu’ils nourriront de leur propre histoire.
Quel croquis ferais-tu ou quel tableau représente la réponse dans les questions suivantes ?
1- Un tableau ou croquis qui représente tes origines ?
2- Un tableau ou croquis de ton enfance/adolescence ?
3- Ton poème préféré en tableau ou croquis ?
4- Un tableau ou croquis qui représente ta vie sociale ?
5- Un tableau ou croquis qui, s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer.
Toutes les réponses à ces questions se trouvent dans mon livre de poésie, « Jusqu’au silence », publié aux éditions Æncrages & Co.
Aucun croquis, aucun tableau ni aucune référence ne sauront égaler la véracité et le souffle des visions que cette histoire contient. Tout est dit, mais tout est dit très bas, et dans une autre langue. Ça peut être imperceptible si l’on s’égare au fil des pages ( https://www.maisonmetamose.com/shop )
Merci à Maison Métamose d’avoir pris le temps de répondre à toutes ces questions et n’hésitez à le suivre sur son Instagram en cliquant ici.
Titou Granier
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