La Kréyol Factory à la Villette
Proverbe haïtien : « Gade pa boule je ». Ou, « Le plaisir de voir est sans dommage pour les yeux ». L’exposition d’art contemporain Kréyol Factory ravit en effet le regard tout en parcourant les vastes identités créoles. Au plaisir de voir, s’ajoute celui d’apprendre, grâce au considérable dispositif des 2800 m² de la Grande Halle de la Villette, entre compositions plastiques, photographies et documents audiovisuels. Gages d’une production artistique variée tout au long du parcours didactique. La densité de ces œuvres rend toutefois nécessaire le recours aux visites guidées ou aux « audioguides », afin de saisir pleinement l’ampleur de certains travaux.
La réflexion s’organise autour de la définition du terme « créole », dans un cheminement ethnologique. Martinique, Guadeloupe, Guyane, Jamaïque, Porto Rico, Haïti, République Dominicaine, La Réunion, Maurice, sont ainsi au cœur des ébats artistiques, mais sans « aucune exhaustivité géographique », prévient l’exposition.
L’entame de cette quête créole débute par l’application murale d’une carte du monde. Evoquant les réminiscences de la colonisation, de la traite et de l’esclavage en différents points du globe.
Statue identitaire fracassée
Cette diaspora incontrôlée et violente a plongé dans l’abstraction identitaire plusieurs générations. Impliquant un choc moral et affectif. L’écrivain d’origine martiniquaise Patrick Chamoiseau illustre alors au cours de Kréyol Factory l’échafaudage socio-culturel d’une population égarée : « Il fallait rechercher l’Afrique autour de soi. Trouver les miettes de l’identité naturelle perdue, de la “pureté” primale. Dans les gestes, les peaux, les pratiques, les goûts, les instruments de musique, les mots créoles étranges, les chants, les contes… […] On glanait, dans les Amériques, les gravats épars de la statue identitaire fracassée par la Traite négrière. » (Extrait de son essai Ecrire en pays dominé, Gallimard, 1997)
Dans la Grande Halle de la Villette, emplie de musiques traditionnelles, les larges espaces éclairés succèdent aux dédales sombres. Les œuvres sont tour à tour colorées, porteuses d’espoir, puis moroses, teintées d’oppression.
Profusion émotionnelle
C’est ce mélange des genres et des influences qui s’impose dans les premières interprétations de l’univers créole. La diversité des œuvres de la Kréyol Factory apporte un aperçu de cette richesse culturelle. Et concentre parfois son sujet sur des enjeux contemporains. Un documentaire vidéo se penche ainsi sur la situation des Français d’Outre-mer en métropole, au fil des générations.
Le vaste espace consacré par le Parc de la Villette à la Kréyol Factory témoigne de l’importance de la mixité culturelle et sociale, en France comme dans le monde. L’exposition engage une profusion émotionnelle, au-delà des ponts qu’elle lance entre les civilisations.
Cyril Masurel
« Kréyol Factory »
Jusqu’au 5 juillet 2009
Du mardi au jeudi, de 14 h à 22 h / Du vendredi au dimanche, de 11 h à 19 h.
Informations : 01 40 03 75 75
Plein tarif : 7 €, Tarif réduit : 5 €, Moins de 16 ans : 3,50 €
Grande Halle de la Villette
Métro Porte de Pantin (ligne 5)
www.kreyolfactory.com
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