La famille Wyeth : trois générations d’artistes américains
La Fondation a ainsi choisi de présenter quelques soixante-dix des œuvres d’une dynastie d’artistes américains. des plus marquants et offre au public trois salles en trois espaces distincts qui permettent aux visiteurs de parcourir de façon chronologique ce qui fait le talent original de chacun de ces trois artistes.
Les œuvres ont été prêtées par la Bank America Merrill Lynch dans le cadre de son programme d’action Art in Our Communities qui propose au public d’accéder à des ressources artistiques de qualité et permet à des centres culturels plus modestes d’organiser des expositions importantes souvent de portée internationale comme c’est le cas ici pour les Wyeth à Paris.
Ces œuvres dont un grand nombre n’a jamais été exposé à Paris couvrent plus d’un siècle de création et sont tirées non seulement des collections de la Bank of America Merrill Lynch mais également de musées prestigieux et des prêts généreux de Jamie Wyeth et de sa famille ou d’autres dépositaires privés.
Par cette exposition magistrale qui fait suite aux précédentes dont « Made in France by Americans », « Boutons: phénomène artistique, historique et culturel », « Made in Chicago : photographies de la collection Bank of America Merrill Lynch », la Mona Bismarck Foundation répond à la vocation de renforcer les liens entre la France et les États-Unis par le biais de l’art.
Caroline Porter, présidente de la Fondation, s’en réjouit au moment où la Mona Bismarck Fondation fête son vingt-cinquième anniversaire. Une façon palpable en accueillant cette exposition Wyeth « d’incarner le cœur de notre vocation – diffuser la culture et l’art américain – et de faire mieux connaître en France l’ampleur du talent de cette célèbre famille d’artistes. »
Les Wyeth à Paris : plus d’un siècle de création
La première salle est réservée aux toiles et aux illustrations de Newell Convers Wyeth (1882-1945), qui fut l’un des illustrateurs américains les plus célèbres et les plus appréciés. Formé par le célèbre illustrateur Howard Pyle, il apprit à se documenter avec le souci de la fidélité historique. Travaillant à l’huile, avec une maîtrise technique impressionnante, il a illustré des éditions de classiques tels que L’Île au trésor, Rip Van Winkle ou Robinson Crusoé qui ont marqué l’imaginaire de générations d’enfants.
Avec sa disparition, l’illustration américaine agonisait tandis qu’explosait la photographie. Son décès brutal affecta profondément le travail et la vie des générations suivantes d’artistes de la famille.
Andrew Wyeth (1917-2009), en particulier, qui avait fait son apprentissage auprès de lui et dont l’expression artistique se transforma avec ce décès.
Andrew Wyeth reste emprunt d’un symbolisme particulier d’où pointe le goût de la métaphore
Aux côtés de son père, Andrew développait sa propre thématique et se concentrait sur les portraits psychologiques et les paysages ruraux traités avec une palette très maîtrisée de teintes sombres. Ses œuvres dépouillées évocatrices et puissantes dans leur immobilité exploitent souvent un point de vue inhabituel. Ses tableaux évoquent des situations envoûtantes et souvent mystérieuses. Ils sont essentiellement réalisés à l’aquarelle ou en détrempe à l’œuf, une technique exigeante inventée à la Renaissance et peu utilisée de nos jours. Considéré comme l’un des grands peintres réalistes américains, Andrew a été inspiré par des maîtres tels qu’Albrecht Dürer ou les Américains Winslow Homer et Thomas Eakins. Il reste toutefois emprunt d’un symbolisme particulier d’où pointe le goût de la métaphore (Snow hill 1989) Avec son tableau – Good bye my love – nous annonçait-il sa propre mort prophétisant le Good bye Andy que titrait la revue américaine BURN en 2009 ?
Hmmmm, is Andy really gone, or is he just playing a trick on us and hiding in the barn ?
L’austérité énigmatique de l’œuvre allusive d’Andrew Wyeth
Andrew Wyeth a peint des lieux et des personnages qu’il connaissait bien : sa ville natale, Chadds Ford et sa maison de vacance de Cushing, dans le Maine d’où naitra en 1948 son fantastique tableau le plus populaire, le plus reproduit – Le Monde de Christina.
De cette œuvre allusive, l’excellent critique et écrivain de la peinture, Claude Roy (*Clefs pour l’Amérique, L’Amour de la Peinture) fut subjugué par son austérité énigmatique : « Je fus pris par ce tableau. Je ne parvins ni à l’effacer, ni à l’oublier, ni à m’expliquer tout à fait son charme (…) sa poésie (…) sa tonalité assourdie qui résonne longuement. Je courus partout où l’on pouvait trouver des Wyeth. L’Amérique y courait aussi. Il était devenu le peintre le plus célèbre, le plus cher… » (…) « Lui qui fut dédaigné par l’Ecole de New-York prenait une place importante, lui qui peignait à contre courant comme le gentleman farmer qu’il était, extasié par le mouvement simple de la nature, comme moins d’un siècle auparavant Courbet offrait de son réalisme rural » Courbet, justement, dont la Mona Bismarck Foundation s’emparait en 2011 par une très édifiante exposition de l’artiste universel – « Gustave Courbet – L’amour de la nature » (mars – juin 2011).
Dans cette salle consacrée à Andrew Wyeth, le public peut observer des exemples très aboutis de ses détrempes à l’œuf, dont Antler Crown, (1983) une scène de Pennsylvanie dominée par des bois de caribous achetés par sa femme, Betsy Wyeth, qui exerça une influence reconnue sur le travail de son mari.
En 1977, Andrew fut le premier Américain à être reçu à l’Académie des Beaux-Arts de Paris depuis John Singer Sargent. Son uniforme sous vitrine en témoigne. L’année précédente, il s’était vu accorder un honneur sans précédent pour un artiste vivant; une grande rétrospective dans l’un des musées les plus prestigieux des États-Unis, le Metropolitan Museum of Art de New York.
De l’œuvre d’Andrew Wyeth, on ne retiendra pas que sa toile fulgurante de 1948 Christina’s World demeurée au MOMA, Museum of Modern Art de New York. Considérée comme l’une plus représentatives de la peinture américaine du XXe siècle, elle ne peut pas pour autant laisser dans l’ombre la galerie d’œuvres qu’offre la Fondation Bismarck pour honorer Andrew qui s’éteignit en janvier 2009, à l’âge de 91 ans, endeuillant le monde de l’art.
Jamie Wyeth capture l’essence de chaque animal, la gravité des êtres humains et la « formidable indifférence » de la nature
Autre grande figure de l’art américain, Jamie Wyeth., fils d’Andrew est né lui aussi à Chadds Ford (en 1946), Ce peintre réaliste contemporain fit preuve d’un talent précoce. Comme son père, il apprit d’abord le dessin dans l’atelier de sa tante Carolyn Wyeth, mais délaissant la détrempe à l’œuf paternelle,, il l’utilisa des couleurs à l’huile. Afin de parfaire sa onnaissance du corps humain, Jamie étudia l’anatomie, il servit ensuite dans la réserve de l’US Air Corps. Il travailla comme dessinateur judiciaire lors des procès du Watergate et, pendant un temps, dans l’atelier new-yorkais d’Andy Warhol, la Factory, où une amitié durable se noua entre les deux artistes. Jamie a bénéficié d’une exposition individuelle à la Knœdler Gallery de New York dès l’âge de vingt ans.
L’Arche de Jamie !
Jamie utilise surtout l’huile, mais aussi des techniques mixtes, essentiellement à base d’aquarelle mais aussi de fusain, d’encre de Chine ou de vernis acrylique, selon l’effet souhaité. Il peint souvent sur du bois de couleur ou sur du carton ondulé, séduit par sa texture irrégulière.
Le public le connaît comme portraitiste. Il a signé des portraits du président John F. Kennedy, Andy Warhol, Rudolf Noureev qui figurent tous dans l’exposition. Ceux-ci reflètent une connaissance approfondie du modèle, acquise en réalisant une multitude de croquis pour en saisir la personnalité et le tempérament. Le remarquable portrait posthume du président John F. Kennedy, est devenu l’une des images les plus célèbres de celui qui dirigea les États-Unis pendant une crise d’une extrême gravité et dont on sait la fin tragique !
Les animaux intéressent Jamie presque autant que les personnes et ses représentations en sont des portraits à part entière. Jamie capture l’essence de chaque animal de la même manière qu’il saisit le caractère de ses modèles humains.
La vache qui figure dans Number 86 (1980) braque ses yeux dans les vôtres ! Vous aimerez la galerie de ses chiens, porcs, corbeaux, moutons, vaches, mouettes et vautours.. : L’Arche de Jamie !
L’artiste partage son temps entre sa ferme de Pennsylvanie et un phare sur une île de la côte du Maine. L’isolation et la beauté du paysage de Monhegan et de Southern Island lui permettent de réaliser des paysages qui dépassent le pittoresque. Comme son père et son grand-père, il cherche à saisir l’esprit et le mystère d’un environnement de choix. Ce sont deux salles qui lui sont consacrées ici.
Réunir de façon originale trois grands artistes aux talents remarqués
Ruth L. A. Stiff, commissaire de l’exposition aura été certainement inspirée par les paysages « wyethiens » qu’elle a reconnus en rendant visite à Betsy Wyeth. Est-ce de là que mûrissait la manière créative de réunir de façon originale trois grands artistes aux talents remarqués ? En soumettant au public le fil conducteur qu’elle a tressé, la Mona Bismarck Foundation nous promène dans une histoire de famille créatrice dont chacune des œuvres conserve jalousement une évidente personnalité.
Patrick DuCome
La familleWyeth : Trois générations d’artistes américains
Du mercredi au dimanche, de 10h30 à 18h30
Les jeudis de 12h00 à 20h00
Fermeture les jours fériés
Tarifs Adultes (de 18 à 60 ans) : 7 €
Tarif réduit : de 12 à 17 ans, demandeurs d’emploi, seniors 60+, étudiants : 5 € (pièces justificatives exigées)
Moins de 12 ans : entrée gratuite
Catalogue en version française ou anglaise – 216 pages, 101 illustrations : 35 €
Mona Bismarck Foundation – American Cultural Center
34, avenue de New-York
75016 Paris
M°Alma Marceau ou Iéna
www.monabismarck.org
[Visuels : Andrew Wyeth, Nogeeshik, 1972, tempera sur bois. 74,3 x 66,7 cm © Andrew Wyeth. Private Collection // Jamie Wyeth, Number 86, 1980, aquarelle et huile sur papier, 39,3 x 49,5 cm © Jamie Wyeth, collection Bank of America Merrill Lynch]
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...