« Art is Tra$h » : entretien avec le street artiste espagnol Francisco de Pájaro
« Art is Tra$h » : entretien avec le street artiste espagnol Francisco de Pájaro |
Francisco de Pájaro est un artiste espagnol, travaillant depuis 2009 sur un projet de street art intitulé « Art is Tra$h ». Ayant déjà travaillé à Barcelone, Berlin et Londres, entre autres lieux, il a créé des œuvres d’art pour l’espace public à partir de matériaux qu’il trouvait dans la rue, qui seraient autrement considérés comme des « déchets » ou des « rebuts ». AMA a rencontré Francisco pour évoquer avec lui ce qui l’inspire, la nature de son travail et ses projets.
Dites-nous en un peu plus sur votre parcours et des motivations qui se trouvent derrière la création de « Art is Tra$h ». Je me suis adonné à la peinture et à créer des œuvres appartenant au street art afin de me libérer, mais aussi libérer les autres personnes, des pressions de la vie quotidienne. Selon moi, la peinture est une forme d’expression. L’idée de créer à partir des déchets, « Art is Tra$h », est née par accident. Je n’ai jamais pensé peindre moi-même dans la rue. En fait, j’ai essayé pendant un long moment de présenter mon travail en galerie. Mais, toutes les galeries de Barcelone ont gardé leurs portes closes. Ces institutions ne rendent pas forcément les choses faciles pour les nouveaux artistes. Alors, j’ai pris les rues pour trouver une nouvelle forme d’expression. Utiliser les déchets comme un moyen de création m’a donné la liberté que je recherchais jusqu’ici. D’où vient votre inspiration ? Est-ce que certains street artistes vous inspirent en particulier ? Je ne peux pas dire qu’ils représentent une inspiration particulière. Par contre, je suis très inspiré par des artistes du passé, comme Picasso ou Francis Bacon. Le surréalisme aussi… Mais, ce qui a émergé sous le nom de « Art is Tra$h » est vraiment une réponse spontanée au fait de n’avoir aucun succès en tant qu’artiste « classique ». J’ai reçu une formation dans les beaux-arts, mais travailler dans la rue était un acte de rébellion contre ces institutions qui me rejetaient. D’une certaine façon, je disais : « Bien, si je ne suis pas capable de gagner ma vie avec la peinture, alors que peux tout aussi bien réaliser exactement ce que je veux et expérimenter en le faisant. » Petit à petit, j’ai laissé derrière moi ces influences classiques et j’ai créé ma propre personnalité « street ». Avez-vous le sentiment que vous avez acquis la reconnaissance que vous recherchiez à travers « Art is Tra$h » ? Bien entendu. La rue est la plus grande des toiles. Chacun, d’une personne âgée à un enfant peut tomber sur une œuvre d’art, même si ils ne les recherchent pas. Avec une galerie, c’est différent. Il faut chercher les travaux et donc certaines personnes en ratent. Je ne recherche pas la reconnaissance pourtant. Pour être honnête, tout est improvisé. Je n’ai jamais été intéressé de manière excessive par les aspects techniques, même avant de commencer le projet « Art is Tra$h ». Maintenant, l’important c’est vraiment la spontanéité. Je déambule dans les rues pour trouver des déchets qui enclenchent une idée et à partir de là, je crée à partir de cette base. Je fais de mon mieux pour que le rebut reste intact. Ces idées trouvent leurs origines dans les restrictions que je me fixe. Je m’imagine comme l’un de ces artistes tribaux remplissant un mur blanc. De la même manière qu’ils observaient leur environnement et le peignaient à partir de ce qu’ils trouvaient immédiatement près d’eux, je procède avec les déchets. Je laisse juste mon imagination me porte. Avez-vous suscité des controverses en utilisant cette méthode ? Généralement, dans les villes où je travaille, je trouve que gens acceptent et sont intéressés par mon travail. Ils aiment voir des choses différentes et nouvelles. L’art est devenu de plus en plus ouvert et innovant, je pense que cela aide. Je cherche à créer un dialogue avec les spectateurs. Je veux créer un art intelligent. Mes œuvres sont là pour être regardées, mais elles regardent aussi elles-mêmes de façon active leur public. Lorsque j’ai rencontré, plus de problèmes avec les autorités, en particulier à Barcelone. Non pas que cela m’a découragé… Avez–vous l’intention de continuer avec votre projet « Art is Tra$h » ou avez-vous d’autres projets en tête ? Pour le moment, je suis ravi d’explorer des voies nouvelles et d’utiliser les déchets afin de créer de l’art. Je sens que j’ai découvert une certaine liberté que je n’avais jamais rencontrée avec rien d’autre. J’ai recommencé à peindre sur des toiles. J’avais arrêté depuis un moment. Peut-être que j’explorerai d’autres voies dans le futur, mais, pour être honnête, je prends chaque jour comme il vient. Je vis dans le présent. Je ne suis pas un artiste qui prémédite ce qu’il fera par la suite. Je ne peux pas dire que je suis particulièrement ambitieux dans ce sens. Le vrai bonheur vient de la capacité à m’exprimer. Étant donné la nature de votre travail, seriez-vous opposé à la possibilité d’exposer dans une galerie ? Pas du tout je suis même en train de collaborer avec deux galeries : London West Bank Gallery et Base Elements Urban Art Gallery à Barcelone. Au cours des quatre dernières années où j’ai travaillé sur le projet, mon point de vue a vraiment évolué. J’étais arrivé à un point où les galeries ne m’intéressaient plus en aucune façon. Je les voyais comme mes ennemis, j’avais créé un film dans mon esprit où elles étaient les « méchants ». Cela m’a motivé. Je percevais la peinture comme un moyen de me venger contre elles et contre l’élitisme du monde de l’art. « Art is Tra$h » est né de cet état d’esprit. Maintenant, pourtant, je travaille avec les galeries. Cela me permet tout simplement de gagner ma vie. Mon travail peut très bien être adulé par les spectateurs, mais je n’en vis pas. Le chemin est long et difficile si vous voulez vivre de votre art. Vous avez travaillé à Barcelone, Berlin, Londres.. Quelle sera la prochaine étape ? Le 1er mai, je quitte l’Espagne pour rejoindre une autre ville, destination que je ne veux pas divulguer publiquement. Les gens le découvriront. J’aime arriver dans une ville sans que ma présence ne soit connue. Comment définissez-vous l’art ? Je parle d’art « trash », mais, évidemment, c’est juste un déguisement, une sorte de masque. L’art est une émotion qui est évoquée par l’artiste. Il s’agit de quelque chose que seuls les hommes peuvent créer. Ce qui appartient à la catégorie des déchets pour, c’est une société qui dicte les comportements et entraîne des problèmes et un certain inconfort. J’utilise l’art pour exprimer ce que je ressens, mais, en vérité, je n’ai aucun indice sur ce que l’art est. Je ne sais pas si quelqu’un en a. Art Media Agency [Visuels : © Francisco de Pájaro] |
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