Kogaone : “J’essaie de créer des compositions et des décalages qui interpellent le spectateur”
Sur mur, sur toile ou au bic, l’artiste peintre Kogaone, autodidacte et originaire de Metz, ne cesse de provoquer la surprise dans ses œuvres par des compositions complexes entre abstraction et réalisme.
Bonjour Kogaone, peux-tu nous parler de ta rencontre avec l’art mural ?
Ma première rencontre avec l’art mural s’est faite quand j’avais vingt ans. J’ai acheté des bombes et je me suis lancé. Au départ, j’ai commencé tout seul, alors évidemment c’était assez spécial mais je me suis assez vite pris au jeu. J’ai découvert l’existence de sites internet sur lesquels je pouvais m’exercer en faisant des battles de graffiti et de dessin. Ça a vraiment été une grande source de motivation et de perfectionnement pour moi. Le graffiti est aussi un monde favorisant énormément les échanges. J’ai donc rencontré pas mal de gens dont le collectif d’artistes Moulin Crew avec lequel j’ai beaucoup évolué. On se retrouvait notamment tous les week-ends pour peindre ensemble. Je pense qu’on s’est réellement portés entre nous.
Quand as-tu décidé que tu ferais de la peinture ton métier ?
Après le secondaire, j’ai suivi des études de graphisme puis je suis devenu graphiste pendant dix ans. Je fais de la peinture professionnellement depuis cinq ans. J’ai toujours aspiré à ça, à vivre de la peinture. Il y a quinze ans déjà c’était mon rêve mais c’était beaucoup moins ouvert qu’aujourd’hui et bien plus compliqué d’en faire son métier. Aujourd’hui, la peinture, murale notamment, s’est beaucoup plus démocratisée. Les mairies sont nombreuses à faire appel à des artistes pour peindre des façades. La période que l’on vit est en fait assez favorable pour le street art et les street artistes. La situation étant assez propice et mon travail assez évolué, j’ai décidé de me dédier totalement à la peinture. Je pense que je l’ai fait quand j’ai compris que je pouvais vraiment me lancer là-dedans et peindre ce que je voulais.
Comment définirais-tu ton univers artistique ?
J’aime bien parler de réalisme graphique ou d’abstraction réaliste pour définir mon travail. C’est toujours compliqué de poser des mots pour définir son propre univers artistique, mais si je devais trouver des termes, ce serait ceux-là. J’aime le travail sur les contrastes. J’aime faire contraster un élément réaliste avec des formes abstraites, créer des oppositions graphiques, poser des couleurs. Je travaille les aplats réalistes tels que les visages de la même façon que je travaille les aplats de couleurs pour créer une composition. L’humain n’est finalement pas vraiment au centre de mon travail. J’essaie de créer des compositions et des décalages qui interpellent le spectateur.
Quel est le processus de création qui te permet d’atteindre ce réalisme graphique ?
Je pars d’abord de photos d’amis et de proches, parfois de photos libres de droits sur internet. Je choisis les photos par rapport au regard des personnes photographiées, à la lumière qui s’en dégage ou encore à l’émotion qui s’y trouve. J’aime prendre des visages sans trop d’expression, sans sourire ou sans autre signe d’une émotion trop forte. Je fais attention à ce que le visage soit le plus neutre possible de manière à le traiter comme une forme. Une fois ces choix faits, je réalise des maquettes sur Photoshop que je reproduis sur mur ou sur toile. Je peins les visages choisis de manière très réaliste tout en effectuant ce travail de décalage et de composition évoqué plus tôt.
Pour le reste, je crois que je n’ai pas vraiment de clés de compréhension sur mon travail. À vrai dire, c’est plutôt une question de feeling. J’aime prendre cette citation du peintre américain Edward Hopper qui disait « Si vous pouviez le dire avec des mots, il n’y aurait aucune raison de le peindre ». Je fais une peinture qui me parle et qui parle à d’autres. J’ai de la chance pour ça.
As-tu des mouvements et des artistes en particulier qui t’influencent dans ton travail ?
Je me suis d’abord intéressé à l’art classique et aux grands maîtres dans leur approche du réalisme, puis au graphisme. J’aime aussi beaucoup l’abstraction minimaliste. Je ne peux pas citer de nom en particulier. Je n’aime pas vraiment me limiter, surtout avec Instagram aujourd’hui qui est un outil de recherche sur lequel on trouve énormément de choses.
Lorsque j’ai déterminé mon style artistique avec ce travail de composition, ces choix de couleurs et de formes particulières, ce style a très vite constitué une sorte de charte graphique. Cette charte graphique me permet d’effectuer un travail de recherche et d’expérimentation plus spécifique, davantage lié à mon travail. Je suis en recherche permanente, ne serait-ce que dans le traitement. Il y a des peintures que je traite sous l’angle de la photographie réaliste, d’autre plutôt sous l’angle du coup de pinceau marqué. Je peux chercher à l’infini tout en sachant qu’on reconnaît mon travail. C’est ça le but. Je pense que si un jour je trouve ce que je n’ai de cesse de chercher ce serait dommage.
Retrouvez le travail de Kogaone sur ses pages Facebook et Instagram
Propos recueillis par Pauline Bonnemaison
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