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Kara Walker, The Subtetly – Domino Sugar Factory, Brooklyn, New York, Usa

22 août 2014
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kara-walkers-sugar-sculpture-a-subtlety-2014-photography-by-jason-wyche

CAM003321Brooklyn est depuis 1894, l’un des cinq burroughs (quartiers) de New York. C’est également le plus peuplé. On y croise toutes sortes d’habitants, et dans les rues à taille pour une fois humaines, en descendant vers Brighton Beach et Little Odessa, traînent encore les fantômes de Walt Whitman  et d’Hubert Selby Junior. Métisse, européenne, africaine, hassidim, hispanique, Brooklyn est devenu le creuset trendy de la capitale culturelle américaine.

Et au nord de Boroklyn, Williamsburgh, un quartier l’hallucinant de branchitude. Ici tout est fait pour ébaubir : les looks, les lieux, la nourriture. A droite un marché aux puces, là une bande de potes qui tapent le carton dans un accent à couper au couteau, plus loin une cycliste rétro-fluo qui dévale à toute vitesse devant le . Des piles de livres à disposition dans la rue ornent les entrées des restos aux odeurs envoûtantes, fruits de mer et root beer. On est fier d’être d’ici, avec une fierté détachée mais un lourd accent.

La Domino Sugar factory, ancienne usine à sucre construite en 1856 par la famille Havemeyer, et devenue à la fin de la Guerre de Sécession la plus grosse usine de raffinement au monde constitue un paradoxe de ce quartier. Pour se rendre compte de la taille du mastodonte, il faut comprendre qu’à l’époque, l’usine employait 4 000 personnes et produisait cent mille tonnes de sucre par jour. A la fois construction industrielle improbable, fierté locale, témoin historique d’un passé trouble…

En tout cas, énorme masse de béton fermé et laissée à l’abandon depuis 2004. jusqu’à ce que Kara Walker l’envahisse par ces sculpture de sucre et son sphinx hallucinant, composé de quatrante tonnes de sucre lui-même (don total de domino foods : 80 tonnes de sucre). La queue pour accéder à l’entrepôt est faramineuse, mais avance extrêmement vite, tant le lieu est immense.

CAM003351La rouille couvre les murs métalliques, ça et là des antiques machines à raffiner, étranges et sombres, traînent. Au plafond on peut encore apercevoir les systèmes de transports des marchandises, poulie, cordages.

Le titre exact de l’exposition est «A Subtlety or the Marvelous Sugar Baby an Homage to the unpaid and overworked Artisans who have refined our Sweet tastes from the cane fields to the Kitchens of the New World on the Occasion of the demolition of the Domino Sugar Refining Plant » ce qui signifie « Une nuance (de goût, NDR) ou la merveilleuse sugar baby (jeune femme pauvre se prostituant à des hommes âgés riches NDR), un hommage aux artisans non payés et surexploités qui ont façonné notre goût pour la douceur, des champs de canne aux cuisines du nouveau monde, à l’occasion de la démolition du Domino Sugar Refining Plant ».

Connue jusqu’ici pour ses découpages en ombre chinoise, illustrant les sombres épisodes des relations entre Blancs et Afro-américains, l’artiste Kara Walker se lance dans sa première exposition de grande envergure.

Spectacle visuel et odorant très violent, accueilli plus ou moins bien par la population noire américaine. En effet, si on ressent lourdement la douleur de la masse de travail que subissaient les ouvriers de l’époque (partout des sculptures de négrillons dotés de hottes, souriant, s’offrent au regard, caramélisés, tombant en morceaux sous nos yeux, rappelant que les esclaves d’autrefois perdaient leurs membres en plaçant le sucre de cannes dans des moulins à broyer), on peut plus s’interroger sur l’énorme négresse-sphinx, dotée d’un fichu, agenouillée à quatre pattes et offrant côté verso une vulve géante à nos yeux ébahis.

L’effet est saisissant, mystérieux, et ce n’est pas la horde de spectateurs se prenant en photo goguenards à ses côtés, qui vont débrouiller le mystère.

Kara-Walker-exhibit-2Les petites sculptures semblant pleurer des larmes auraient été modelées d’après des figurines trouvées sur Amazon, le sphinx, trônant sur des vagues de sucre blanc serait un autoportrait de l’artiste.

Le voisinage des un et de l’autre aboutit à une problématique raciale, au sein de ce leit motiv culinaire que constitue le sucre aux USA : Comment se débarrasser de cette obsession du raffinement, du blanchiment, de l’éradication du « hard candy » (sucre bouilli et sombre), pour arriver au sucre pur, cristallisé, apte à  être servi ?

En ce sens, le sphinx, coiffé du fichu caractéristique des « mammies » blacks, récupéré par Tupac, devient signe d’insoumission, de fierté. Mais le sphinx, protecteur ou persécuteur, ne donnera pas toutes ses réponses, et continue à poser des question.

Depuis l’exposition a fermé, désertant le vaste entrepôt. L’avenir de la Sugar Domino Factory est bien sombre, et pour contrer sa destruction prochaine et imminente, au profit d’appartements de luxe, des initiatives de riverains, tels le « Save Domino » ont vu le jour. Reste encore, flottant dans l’air, une tenace odeur de sucre qui prend à la gorge
.

Mathilde de Beaune

Exposition Kara Walker «A Subtlety or the Marvelous Sugar Baby an Homage to the unpaid and overworked Artisans who have refined our Sweet tastes from the cane fields to the Kitchens of the New World on the Occasion of the demolition of the Domino Sugar Refining Plant » // Du 10 mai au 6 juillet 2014

Domino Sugar factory
south 1st strett @ Kent Avenue
Williamsburgh, Brooklyn,
New York Usa

creativetime.org/projects/karawalker/

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