Juliette Berny : “Mes créations mêlent onirisme et journal intime à travers l’acte photographique”
Passionnée de photographie depuis son enfance, c’est pourtant depuis peu que Juliette Berny s’est lancée professionnellement dans cet art. Elle nous présente ici son parcours et son univers.
Pouvez-vous vous présenter et exposer votre parcours ?
Je suis photographe-auteure, et plasticienne. J’ai démarré en autodidacte très jeune, vers dix ans. J’ai d’abord fait des études de géographie en environnement, ce qui a aiguisé mon sens de l’observation, en adéquation avec mon regard. À la fin de mes études, j’avais commencé à m’orienter vers la photographie à travers les observatoires photographiques du paysage, structures qui font état des changements des paysages dans le temps. Mon objectif était de travailler dans le domaine de la recherche, mais il n’y avait pas de débouchés. J’ai alors fait une année sabbatique avant de trouver une école de photographie (EFET) grâce à une bourse que j’ai pu décrocher par les conseils reçus à Pôle emploi. Ça m’a permis de consolider tout ce que j’avais appris par empirisme, et de développer un sens critique.
Choisir la photographie a-t-il été une évidence pour vous ?
À l’époque oui, car la conjoncture n’était alors pas trop mauvaise pour les photographes ; on était déjà dans l’ère numérique mais on n’était pas encore en concurrence avec les banques d’images actuelles, et d’autres problématiques n’avaient pas émergées. Aussi, je m’étais rapprochée de photographes locaux qui ont été en quelque sorte mes mentors, et qui m’ont beaucoup aidée à consolider quelques connaissances que je n’avais pas pu aborder en école, concernant la partie professionnelle. Pour la partie création, on est sur du développement purement créatif et personnel, sur une réflexion plastique que je sors au grand jour quelques années après leur réalisation.
Quelles sont vos inspirations ?
Quand j’étais enfant, je collectionnais les photos de nuages parce que j’étais passionnée par la météorologie ; c’est par ce biais que j’ai appris, en argentique, à faire de la photo. Ma principale source d’inspiration, c’est la Nature, du minéral au végétal, en passant par les phénomènes météorologique, sismiques… Tout ce qui m’entoure m’interpelle. À cela, on peut ajouter à la dimension plasticienne, des inspirations plus intimes. On a tous des histoires avec des hauts et des bas : dans certaines situations, on est amené à produire des images de manière impulsive comme un besoin vital. À cet instant, c’est l’instinct photographique qui s’exprime. Il est alors trop tôt pour mettre des mots et comprendre le fondement de l’acte photographique qui survient. Pour ma part, le temps et la mise à distance de la série me permettent un travail d’écriture. C’est d’ailleurs pour cela que je ne montre pas mes images directement après leur réalisation, car j’ai besoin de les analyser pour être sûre qu’elles fonctionnent entre elles, qu’elles racontent des histoires et suscitent des émotions. Pour d’autres séries, c’est l’inverse, c’est l’envie d’aborder une thématique qui me parle profondément. Dans ce cas, il y a une phase préparatoire : je réalise des recherches historiques et philosophiques sur le thème, j’écris des notes d’intention, puis des croquis, et après je passe à la prise de vue.
Vous avez travaillé sur plusieurs séries de fleurs fanées, les Botanica ; pourquoi avoir choisi ce sujet d’étude ?
C’est lié à ma formation de géographe, durant laquelle je faisais des herbiers, donc avec beaucoup de plantes séchées. Mon attrait pour la nature m’a rattrapée et je me suis servie de cette technique pour réaliser Botanica. Il s’est déroulé en plusieurs actes, avec d’abord la découverte de la fleur séchée avec une certaine distance sur fond noir, puis j’ai commencé à me rapprocher du sujet et à modifier les fonds pour me rendre compte que ces fleurs, même mortes, avaient bien des choses à dire et à montrer : “Ici, tout est fugace mais bien réel. Cette exploration du monde végétal reflète avec poésie et délicatesse le basculement de la vie vers la mort : un dernier souffle, une dernière image, avant de ne plus être. Tel un mouvement de danse, ces fleurs prises de frénésie, s’inscrivent dans l’acte photographique comme symbole de la vie.”
Essayez-vous de faire passer un message au spectateur à travers vos œuvres ?
Je ne dirais pas que j’ai des messages à faire passer mais plutôt des histoires à raconter. Certaines séries sont plus faciles à lire que d’autres. L’essentiel, c’est qu’elles interpellent les gens et fassent réagir. La série Mon oeil ! (qui a remporté le 1er Prix du festival L’Émoi Photographique à Angoulême en 2018), est typique de celles qui perturbent le spectateur. En détournant des objets d’un cabinet de curiosités, en s’inspirant de mon journal intime le tout saupoudré d’une pointe de dérision, le spectateur s’est retrouvé face à une introspection photographique à laquelle il n’avait pas l’habitude d’être confronté. C’est exactement ce type de réaction, d’interaction face à l’image, que je cherche à provoquer dans mon travail. C’est ainsi que le spectateur complète l’œuvre. Toutefois, pour les travaux de commande, l’engagement et le discours sont orientés par rapport au commanditaire.
Avez-vous des projets pour le futur proche ?
J’ai un projet sur la Grande Guerre, qui devrait voir le jour bientôt. Je travaille également sur une série qui va traiter d’un sujet un peu tabou dans le monde féminin, celui des fausses couches. Il y aura un travail de texte et de message à faire passer ; j’espère que ça aidera à libérer la parole de certaines femmes qui ont été traumatisées par ce genre d’expérience.
Plus d’informations sur le site internet de Juliette Berny.
Propos recueillis par Chloé Vallot
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