Julien Rey : “Le talent, c’est de travailler beaucoup pour arriver à quelque chose”
Rencontre avec Julien Rey, un artiste peintre en constante recherche. Découverte d’un univers urbain et d’une technique.
Pourquoi peignez-vous uniquement du noir et blanc ?
Je ne vois pas les couleurs, je suis achromate. Je n’ai la possibilité de voir les couleurs d’aucune manière. Ce n’est pas du daltonisme, c’est en fait la dégradation de toutes les couleurs. J’ai toujours dessiné en noir et blanc. Ça a beaucoup guidé mon style et mon regard sur les choses.
Comment avez-vous débuté la peinture à la laque ?
Après mes études d’audiovisuel, j’ai eu la chance de travailler en Birmanie. J’y ai découvert la laque asiatique, qu’ils utilisent là-bas pour de l’artisanat d’art. J’ai voulu travailler cette laque avec la feuille d’or à mon retour en France. Je voulais développer la technique car je trouvait ça joli et esthétique mais là-bas, leur style est un peu kitsch. Je suis rentré avec des échantillons de matière et de la feuille d’or. J’ai commencé à peindre sur des panneaux de bois à la spatule. Après avoir maîtrisé la technique, j’ai commencé à faire des paysages urbains. La feuille d’or remplace la lumière de la ville. Mon style avance de cette manière avec le voyage, la découverte, et la technique.
Quand je suis rentré de Birmanie, je n’avais pas beaucoup de travail dans l’audiovisuel. Quitte à ne rien faire, j’ai présenté mes tableaux pour voir si ça plaisait, juste pour me faire quelques sous. J’ai fait des expositions extérieures, des petits marchés d’art. Une directrice de galerie et un collectionneur m’ont repéré. Grâce à ces rencontres, j’ai commencé à exposer mon travail. On a envoyé toutes mes premières toiles dans une galerie à Amsterdam et depuis, ça ne s’est jamais arrêté. Maintenant, je suis représenté dans plus de 44 galeries dans le monde entier.
Qu’est-ce qui a fait la différence à votre avis ?
J’ai une chance inouïe car j’ai beaucoup travaillé pour y arriver. Le talent, c’est de travailler beaucoup pour arriver à quelque chose. J’ai dépensé énormément d’énergie. Mon style a beaucoup plu car c’était du noir et blanc, j’arrivais au milieu de peintres qui faisaient beaucoup de pop art, très coloré. Peut-être que je suis passé pour un exotique.
Vous n’avez jamais eu envie de vous mettre à votre compte ?
Je suis à mon compte et je travaille avec des galeries. Je ne raisonne pas à en termes de pourcentage puisqu’aux États-Unis mon pourcentage représente très peu, 35% de la vente, mais c’est ma plus grosse rémunération de toutes les galeries confondues. Dans certains endroits, je récupère plus de 80% de la vente et je gagne moins. Donc je ne réfléchis pas en termes de pourcentage. Aux États-Unis, les galeries sont situées dans des quartiers très aisés, forcément ça se paye, donc la moitié du prix va aller dans les taxes ou dans le loyer. Puis, je peux travailler sans galerie. Instagram me permet de toucher de nouveaux clients, je vends directement les œuvres. Ils peuvent voir une vidéo de l’œuvre et en discuter avec moi. Aujourd’hui, les clients achètent plus volontiers une œuvre sans l’avoir vue en vrai.
Est-ce que vous avez envie de faire autre chose ?
Je fais aussi de la sculpture. Je suis passé de l’urbain à la nature, de la peinture à la sculpture, et des traits rectilignes aux courbes. Effectivement, mes sculptures sont des arbres en aluminium où il n’y a aucune ligne droite, aucune perspective. Ce sont des fils d’aluminium torsadés et tissés. En revanche, mon style est toujours présent. La sculpture est entièrement laquée en noir comme mes tableaux, et les extrémités des arbres sont dorées à la main. Aujourd’hui, je suis repassé en peinture, je peins de la montagne. Je recherche ce qui est minéral dans la montagne, je veux travailler de la haute montagne avec de la neige, de la roche, et éventuellement des paysages tournés de nuit. Pour 2021, je vais rebasculer sur la sculpture, ça va être différent. Mes œuvres représenteront une fiction basée sur une ancienne civilisation perdue. J’aimerais recréer tous les objets qui auraient appartenu à une civilisation. Je vais travailler comme si mes œuvres avaient été retrouvées de manière archéologique. Je vais travailler avec du matériel de récupération.
Ça ne vous fait pas peur de passer d’un style urbain à une série portée par une histoire ?
Cette collection sera plus intellectualisée que l’art urbain, qui est davantage basé sur l’esthétisme. C’est une évolution de mon travail. J’ai l’opportunité de le faire car je n’attends pas après l’argent. Si j’avais besoin d’argent, je ne prendrais pas le risque. Je ne considère pas que j’ai raison sur tout ce que je fais. Si je propose un travail qui ne plaît pas, que je ne vends pas, sur lequel je n’ai aucun retour constructif, je vais alors me poser des questions. J’écoute toujours les gens qui achètent mes tableaux. Je considère que je suis un artiste grâce à eux. Dépenser plusieurs milliers d’euros pour une œuvre d’art, ça veut dire quelque chose. J’écoute ces gens, ce sont eux qui qui me font progresser. Tous les gens qui pensent être artiste simplement parce qu’ils font quelque chose, ce n’est pas suffisant pour moi. Il faut quelqu’un qui regarde la peinture, qui ressente une émotion.
Retrouvez le travail de Julien Rey sur son compte Instagram.
Propos recueillis par Pauline Chabert
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