Julien Lachaussée : « La photographie est la passion de ma vie »
Pour Julien Lachaussée, la photo est une question de rencontres, d’humanité et de surprises. Du 6 décembre au 28 février 2019, il présentera son travail à Négatif +, à l’occasion de son exposition « Alone Together ». Rencontre avec un artiste passionné.
Quel est votre parcours ?
Je n’avais pas forcément de talent ou de don pour devenir rock star ou pour faire de la peinture, mais j’avais vraiment envie de faire quelque chose qui laisse des traces. Je parle de « don », car si tout le monde peut faire de la photo, chacun est-il en mesure d’en faire tout le temps des belles ? Je pense que la sensibilité et le vécu font la différence. J’ai donc fait deux ans en école de photographie à l’EFET. D’abord comme assistant de Jan Welters pendant 5 ans, j’ai ensuite pas mal bossé dans le milieu de la mode.
Jan Welters a-t-il une influence directe dans votre travail ?
On s’est rencontré il y a une quinzaine d’années. Je sortais de l’école et un jour, il m’a engagé après m’avoir proposé de venir à un shoot. Jan a été très important pour moi, il m’a toujours encouragé dans mon travail. Il me disait « toi tu n’es pas un vrai assistant, t’es plus vrai photographe qu’assistant ».
Pourquoi avez vous choisi de travailler autour du tatouage ?
Le tattoo n’est pas une finalité en soi. Je le vois comme une opportunité de rencontres. Je ne suis pas à la recherche de beaux tatouages, mais de vies atypiques, du tatoueur aux gangsters en passant par des rock stars. Il m’arrive aussi de photographier des non tatoués, comme l’acteur Simon Abkarian, pour l’affiche de mon expo. Je suis un électron libre et refuse de m’enfermer dans un style.
Vous utilisez exclusivement la photographie argentique et la plupart de vos photos sont en noir et blanc. Est-ce un choix esthétique de votre part ?
Choisir entre la couleur et le noir et blanc est en effet un choix artistique. Par exemple, Paris n’est pas une ville que je trouve belle en couleur l’après midi. Donc, quand je photographie en extérieur, le noir et blanc apporte un côté intemporel. Il permet aussi d’accentuer les traits, ce qui est adapté aux gueules cassées que j’aime immortaliser.
C’est également la nature des projets qui dictent mes choix. Quand je photographie des gens avec des cheveux roses, je ne vais évidement pas utiliser le noir et blanc ! Michou, par exemple, aurait été triste sans son bleu…
La photo est devenue très accessible, comment se démarquer ?
Je pense qu’à partir du moment où on est vrai avec soi-même, on ne peut pas être dans l’erreur. Il ne faut pas essayer de ressembler à quelqu’un, ni plaire à tout prix. J’ai mes passions, j’essaye de partager mes photos avec des gens. S’ils aiment, je suis super content et s’ils n’aiment pas, tant pis. Je suis sans concession.
Vous considérez-vous comme un artiste ?
Se dire artiste, ça veut tout dire. Et rien dire. Je n’aurais pas la prétention de me dire artiste : je suis juste quelqu’un de passionné. Avant tout, la photographie est la passion de ma vie. En fait, c’est « l’art d’une vie » : plus on avance dans le temps, plus on peaufine les détails, car on apprend sans cesse de son métier et des autres.
Quel est votre meilleur souvenir de shooting ?
Quand je suis allé au Festival de Cannes, j’ai rencontré Pete Doherty. Je lui ai ramené mon bouquin pour lui montrer ce que je faisais, car je souhaitais le photographier. Je voulais le motiver pour qu’il joue le jeu : il a tout regardé. Je lui ai alors demandé s’il pouvait me montrer un peu ses tatouages. Il a enlevé ses chaussures, il a remonté son pantalon et il s’est jeté à l’eau. Quand je le shootais, il s’amusait à m’asperger : le rendu est vraiment super ! Il en ressort quelque chose de magique parce qu’il n’y a eu aucun mensonge. Et j’ai découvert quelqu’un de très humain.
Quelle personnalité rêveriez-vous de photographier ?
Il y en a tellement : Ozzy Osbourne, Marilyn Manson…
Quelle personnalité vous a marqué ?
Daniel Darc a été très important dans ma vie. J’ai cherché à le rencontrer pendant presque deux ans. J’ai appelé tous mes amis tatoueurs. Tout le monde le connaissait, mais personne ne savait vraiment où il était. Un jour, un ami m’a appelé et m’a dit que Daniel était dans sa boutique. J’ai foncé et on s’est rencontré. Je lui ai montré ce que je faisais, il a aimé mon travail et on a aussitôt fait une série de photos. Quelques jours après, on s’est revu par hasard et il m’a dit qu’il voulait que je fasse sa pochette d’album, ce que je n’avais encore jamais fait. Ça a tellement plu que Sony m’a ensuite proposé de faire une séance photo à l’Île de Ré.
Quelques temps après, il est décédé. Il y a quelques années, j’ai fait une expo : En Mémoire à Daniel. Il m’a laissé un bel héritage dont je prends soin. Faire des photos, c’est une responsabilité, je ne dois pas en faire n’importe quoi. Quand les gens t’accordent leur confiance, tu dois être honnête, honorer leur mémoire.
Vous avez publié dans des magazines et des livres, réalisé des pochettes d’album. Quels sont vos projets ?
Je travaille actuellement sur trois ouvrages : un sur le Polaroïd, un autre sur les rock stars et un autre plus personnel que je garde secret pour le moment. Comme je suis perfectionniste, je laisse mûrir l’idée, car pour moi, un livre prend du sens et de la profondeur au fil du temps.
Léa Pailler
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