Jude Stéfan – 80 bougies pour une vie d’ombre(s) !
Jude Stéfan, est de ces hommes de lettres « auteur inclassable », sculpté à « l’extrême contemporain » parmi les Jacques Roubaud, ou les Philippe Sollers. Des rencontres majeures, comme celle de Maurice Blanchot et Georges Lambrichs, lui ouvriront le chemin en l’introduisant dans les cahiers du même nom « cahiers du chemin », autant qu’en le rapprochant du gotha littéraire dans de nombreux échanges épistolaires qui l’associeront à la Nouvelle Revue Française ou à d’autres revues plus singulières. Jude Stéfan alterne ses publications ; une cinquantaine au total de 1967 à aujourd’hui, réparties pour la poésie chez Gallimard et aux éditions Champ Vallon pour les nouvelles.
Récipiendaire du prix Max Jacob en 1985 et du grand Prix de la ville de Paris en 1999, Jude Stéfan continue de nous émerveiller et les prix ne sauraient suffire à la lecture de son dernier recueil « Que ne suis-je Catulle ? » qui vient de paraître chez Gallimard. Poursuivant ainsi son dialogue avec l’Antiquité, ne laissant pas morte l’épode, l’épitomé, les silles, et les scholies, allant jusqu’à créer des genres oubliés que nous n’oublierons pas tels Prosopées et Pandectes. Ancien professeur de Lettres Classiques au lycée d’état de Bernay, amoureux des mots, de la langue et des langues, de l’art et des rencontres, la ville d’Orbec-en-auge a choisi de célébrer son poète en constituant en la salle Debussy un musée imaginaire, marqué au sol des prémices de la naissance jusqu’au dernier souffle du Thanatos (Θάνατος), nourri d’œuvres d’art gracieusement prêtées par le musée municipal de la ville de Bernay – id est – vingt-trois pièces en totalité, aux cimaises choisies par le poète en écho à ses émotions. Ici, un buste de jeune femme par Donatello (plâtre teinté), là un vase étrusque n°41 en terre cuite peinte, en haut un Louis Valtat peintre, figurant La lecture. En bas, le buste d’Albert Glatigny, un poète local de la ville de Bernay dont Jude Stéfan s’amuse avec force humour à souligner le devenir parfois injuste du talent : « Poète local Bernayen méconnu, ayant donné son nom à rue et arrêt d’Autobus telle est la postérité… Avis aux supposés Poètes. » Le chemin onirique se ponctue par le Thanatos , la mort en grec, dont la thématique chère au poète quel qu’il soit, l’est aussi, inexorable, vécue ou admirable chez Jude Stéfan. Sa complicité avec le graveur en taille-douce Marc-Antoine Orellana, ponctue cette exposition d’une belle œuvre bibliophile, symbiose graphique et textuelle Les stèles de Campo(s) Santo(s) faite d’eaux-fortes en triptyques : Les obituaires (registre des noms et dates à la mémoire des défunts), Les stèles (Litanie des noms, des lieux, des matricules) et les sépultures. S’y marie le texte de Jude Stéfan intitulé Muséoman qui s’inspire des Litanies du Scribe. La ville d’Orbec-en-Auge a donc choisi de faire marcher le visiteur dans l’intériorité du poète.
On déambule ainsi à travers son œuvre, on la sillonne, des balbutiements à la consécration, on l’imagine avec ces bustes et ces photographies d’un passé thaumaturgique bien que toutefois humain où l’amour des femmes est très présent, avec ces ratures sur papiers tapuscrits rouges qui donnent vie encore, hémoglobine du vers, comme le besoin d’y retoucher, de s’assurer du miracle de leur résurrection. Au long de cet hommage on notera les 2 et 3 juillet, jours d’inauguration où les rencontres, tables rondes, dédicaces, rassembleront bon nombre d’amis écrivains parmi lesquels Nicole Albouker, Michel Deguy, Philippe Di Meo, Christian Prigent, Jacques Roubaud, Jacques Reda, venus honorer de leurs mots, de leur musique ou de la musique des mots de Jude Stéphan, le poète majeur de notre temps. Ces journées se nourriront d’instants musicaux interprétés par Dominique Preschez, poète, compositeur et titulaire du Grand Orgue de Saint Augustin à Deauville et par Emmanuel Lascoux, spécialiste des langues et littératures anciennes et pianiste. Le programme éclectique comportera des œuvres d’Alban Berg, d’Erik Satie, de Shumann et de Dominique Preschez qui a composé pour cette occasion une de ses créations, comme une dédicace musicale étreignant et tissant sur la partition l’alphabet patronymique de Jude Stéfan.
Jacques Dufour de son vrai nom, est un de ces hommes de lettres que la Normandie et le Pays d’Auge avant que de le porter en leur panthéon comme des Malot ou des Delarue-Mardrus, ont désiré, d’un geste testimonial vêtir d’un habit d’immortalité dans ces vies d’ombre(s) sous nos yeux éclairées.
Yves-Alexandre Julien
Jude Stéfan – Une vie d’ombre(s)
Al’occasion du 80ème anniversaire de Jude Stéfan
Du 15 juin au 31 Juillet 2010
Centre culturel des Augustines
Orbec en Auge et Mairie de La Vespière (14)
Cet événement est coproduit par les mairies d’Orbec en Auge( 14) et de la Vespière (14), avec le concours de la ville de Bernay (27), de son musée et de sa médiathèque. Avec la participation de l’Artothèque de Caen, de l’IMEC, de la DRAC, de la Région de Basse Normandie, du Centre Régional du livre et du Conseil Général du Calvados.) Commissariat : Marianne Alphant (écrivain ); Marie-Françoise Lemonnier-Delpy (maître de conférences, Université de Rouen) Scénographie : Marc-Antoine Orellana, graveur, Collaboration artistique : Delphine Campagnolle (Directrice du Musée de Bernay),Création et interprétation musicales : Dominique Preschez, Emmanuel Lascoux, Communication : Supplément de la revue Le Pays d’Auge, réalisé par Françoise Dutour (rédactrice en chef), photographies d’Allain Morineau.Mairie d’Orbec : André GROULT, Adjoint au Maire chargé de la culture Coordination générale et informations auprès de Véronique Robert ( Médiatrice culturelle) Mairie d’Orbec Place Foch 14290 Orbec-en-Auge tel: 02.31.32.58.89 E-mail: v_robert.musee@orange.fr
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