José-Manuel Gonçalvès. Le CENTQUATRE-PARIS, c’est lui !
Alors que la nouvelle saison 2019-2020 commence dès juillet, rencontre avec José-Manuel Gonçalvès, directeur du CENTQUATRE-PARIS.
On le sait. Le succès d’un lieu ou d’un projet n’est possible que si une personne l’incarne et le porte avec conviction. C’est le cas du CENTQUATRE-PARIS avec José-Manuel Gonçalvès, son directeur, qui lui a forgé une identité incontournable et inimitable. Portrait.
Le CENTQUATRE-PARIS, c’est lui ! José-Manuel Gonçalvès lui a donné son positionnement, son identité et sa richesse. Le pari n’était pas gagné d’avance car le duo de metteurs en scène (Frédéric Fischbach et Robert Cantarella) désigné pour mettre sur les rails le lieu ouvert en 2008 s’est tout simplement cassé la figure. Lui arrive en 2010, après un parcours qui le plonge très jeune dans l’aventure culturelle à Roanne, où il crée la Maison de la Péniche et gère la programmation du théâtre de la ville. Il a 23 ans. Ensuite, il enchaîne et construit la notoriété de la salle de danse de la cité des Ulis (Essonne), travaille pour l’AFAA (Association française d’action artistique), relève la Ferme du Buisson à Marne-la-Vallée. Et lorsqu’il est arrivé au CENTQUATRE, la première chose qu’il a faite a été de changer l’orientation de ce paquebot de 39 000 m2 : que l’appel d’air soit l’entrée de la rue Curial tournée vers la vie du quartier plutôt que celle de la rue d’Aubervilliers, ayant pour horizon le mur qui longe les voies ferrées. Il pense avant tout au public – lui qui a toujours voulu créer des lieux de vie – et pour chaque événement repose les mêmes questions : comment l’accueillir, le faire circuler dans l’espace et accéder à un spectacle ou à une exposition ? Cela fait partie de l’expérience de visite.
Un lieu tentaculaire où l’art est pluriel
« Aujourd’hui, le CENTQUATRE-PARIS c’est 600 000 spectateurs/visiteurs, plus de 350 équipes résidentes en travail de création, une vingtaine de start-ups qui développent des projets à la lisière de l’art et de la commercialisation de cet art, 2 restaurants, une librairie, des entreprises de création : un architecte et une entreprise de création visuelle, la galerie Continua qui a installé ici ses bureaux de recherche et développement » résume-t-il. Lieu d’incubation ? « Oui, on utilise ce terme dans le champ de l’entreprise, cela fait partie de la nouvelle sémantique contemporaine. Nous avons redéfini le CENTQUATRE comme ”un lieu infini d’art, de culture et d’innovation” en référence à la biennale d’architecture de Venise où, dans le catalogue, le pavillon français avait invité 10 collectifs (dont le CENTQUATRE-PARIS) à travailler sur les nouveaux lieux de la modernité et de la relation urbaine. » On ne construit plus uniquement des bâtiments, mais on cherche à faire des lieux. On peut lire sur le site internet du pavillon français : « Les Lieux infinis sont des lieux pionniers qui explorent et expérimentent des processus collectifs pour habiter le monde et construire des communs. » Une réponse possible avec le CENTQUATRE donc, dont l’action déborde des murs. « On cherche une forme de relation à l’art et par extension, à la cité. Les policiers me disent qu’ici, c’est l’image d’une ville apaisée et quasi idéale. »
Lieu hybride impertinent
Le CENTQUATRE-PARIS est un lieu culturel hybride, ouvert et impertinent. Pourquoi impertinent ? Parce qu’il n’est pas élitiste, ce qui va souvent de paire lorsqu’on parle de culture, que ce soit dans les pratiques ou dans les représentations que l’on s’en fait, avec des comportements d’autocensure induits et intégrés inconsciemment. L’art peut être insidieux dans sa façon de changer un regard, d’éveiller au monde ou à l’autre. Et parce que José-Manuel Gonçalvès observe les pratiques culturelles avant tout d’un point de vue de sociologue et qu’il a toujours abordé les lieux culturels qu’il a gérés comme des lieux de vie, avant tout. Il a renouvelé l’expérience artistique et la pratique culturelle. « Je pense qu’on s’est donné les moyens d’inventer une chose qui est d’abord propre à ce lieu et à la conception de l’espace.
Lorsque vous arrivez au CENTQUATRE-PARIS, vous n’arrivez pas à savoir si les personnes en train de répéter dans l’espace public sont des pros ou des amateurs. Il y a une grande liberté des créations et l’idée est de n’enfermer qui que ce soit dans un statut ; ce qui est intéressant est ce que chacun est en train de produire. » Cela crée une saine émulation horizontale, une démocratisation de l’art en cassant les codes du monde de l’art. « Nous nous servons du temps et de l’espace pour établir une relation différente avec l’artiste et nous créons les conditions de la pluralité des formes.
On y retrouve les plus grands artistes, différemment
« Au fond, je ne présente rien de différent par rapport aux autres lieux, on retrouve Anne Teresa De Keersmaeker, Mathieu Pernot, Raphaël Dallaporta, Lia Rodrigues…, consacrés dans les plus grandes maisons du monde, simplement ils sont là différemment. Nous essayons de combiner la compétence d’une direction artistique forte avec une capacité d’observation de ce que sont les figures de la modernité dans l’art aujourd’hui tout en ayant l’acuité d’un urbaniste ou d’un sociologue pour établir toutes les conditions sans se soucier de ce qu’est le champ référentiel de la présentation de ces artistes pour justement s’en échapper, et ainsi, être dans le champ référentiel de la ville. »
Et ce modèle « d’urbanisme culturel » séduit : le CENTQUATRE-PARIS a été missionné par la ville de Taïwan pour adapter ce modèle, a remporté le concours du Grand Paris Express, et récemment récupère le portage de la Biennales des arts numériques Némo (plus de 70 événements hors-les-murs pendant 5 mois mais dont l’exposition phare se tient au CENTQUATRE-PARIS).
Engagé ? Militant ?
Est-ce que José-Manuel Gonçalvès est militant ? « Je suis un pro à 200%. Je n’ai pas besoin d’être militant pour prendre en compte le public, je suis payé pour qu’il y ait du public dans les salles et pour choisir les artistes, c’est professionnel ! Je m’intéresse aux gens et à ce qui fait que l’art n’est pas essentiel à la vie, mais l’art avec la vie rend les choses beaucoup plus essentielles. S’il fallait simplement être militant pour que les choses marchent, ce serait simple. » Il est donc plutôt pragmatique. « Oui, d’un pragmatisme redoutable. » Et ce qu’il reconnaît et assume sans sourciller, c’est sa générosité : « je pense que c’est ce qui a fondé le service public et qui appartient à une morale chrétienne. J’ai ma récompense dans le fait de donner. »
Propos recueillis par Stéphanie Pioda
Programmation 2019-2020 commence dès juillet
En juillet débute la nouvelle saison artistique du CENTQUATRE-PARIS avec une adaptation du film culte, Festen, mis en scène par Cyril Teste.
16 > 19 juillet 2019
Une sélection :
L’absence du père, d’après Platonov de A. Tchekhov
Lorraine de Sagazan
26 > 28 juillet 2019
Stallone
Fabien Gorgeart avec Clotilde Hesme
08 > 19 octobre 2019
Artistes associés du CENTQUATRE-PARIS depuis 2019 avec le Festival d’Automne à Paris
Le Présent qui déborde – O Agora que demora – Notre Odyssée II
Christiane Jatahy
1er > 17 novembre 2019
Artiste associée du CENTQUATRE-PARIS depuis 2013 / Avec l’Odéon – Théâtre de l’Europe
Les vagues, les amours c’est pareil
Marie Vialle
23 > 25 janvier 2020
Artiste associée du CENTQUATRE-PARIS depuis 2018
L’heure bleue
David Clavel
25 janvier > 08 février 2020
Artiste associé du CENTQUATRE-PARIS depuis 2017 / Création CENTQUATRE-PARIS
Gus
Sébastien Barrier
21 > 27 décembre 2019
[ʒaklin] Jacqueline
Olivier Martin – Salvan
10 > 15 janvier 2020
Une création CENTQUATRE-PARIS / Artiste associé du CENTQUATRE-PARIS depuis 2018
Deal
Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde
17 > 19 mars 2020 / création au CENTQUATRE-PARIS dans le cadre de Séquence Danse Paris
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