Jeanne Beaudon : “Je recherchais un personnage qui soit assez universel pour qu’il soit indescriptible”
Styliste et peintre, Jeanne Beaudon explore le monde artistique à la recherche d’une individualité universelle. Elle partage avec nous ses expériences et son projet Indiviualuum.
Quel est ton parcours artistique ?
J’ai toujours aimé dessiner et peindre. Quand j’étais en école primaire, j’avais déjà des cours d’arts plastiques après l’école. J’ai ensuite créé une sorte de club de dessin, au collège. C’est vraiment une passion qui me suit depuis longtemps. Toujours au collège, j’ai participé au prix ado des arts plastiques. D’ailleurs j’avais présenté une robe en papier. Donc la mode est arrivée assez vite aussi dans ma vie. Je pense que le tournant s’est vraiment fait au collège.
Naturellement, le bac art appliqué a été presque une évidence. C’est vraiment pendant le lycée que j’ai commencé à être sérieuse et à comprendre qu’il y avait beaucoup de choses à apprendre dans le dessin et dans l’art de manière générale. J’ai enchainé sur une licence en designer de mode à l’atelier Chardon Savard, terminé l’année dernière. Ensuite j’ai fait un stage chez Christian Dior, au sein de l’équipe textile. Maintenant je suis styliste et artiste, à Paris.
Qu’est-ce que ça représente pour toi d’être stagiaire chez Dior ?
C’est un rêve qui devient réalité. Quand j’ai postulé j’avais une lueur d’espoir, mais je n’y croyais pas vraiment. Au final ça s’est fait, et c’était une expérience incroyable. Loin des clichés qu’on peut se faire de ce genre de studio de maison de couture à Paris. J’étais assistante recherche et développement textile. Donc ça consiste à choisir les nouveaux tissus qui vont être utilisés pour les collections, les coloris, chercher de nouvelles techniques, rencontrer des fournisseurs… C’était vraiment intéressant.
Il y a de plus en plus d’initiative vers un basculement plus responsable, de plus en plus éthique. Qu’en penses-tu ?
Personnellement, je trouve ça indispensable. Je ne pense pas qu’on puisse continuer à l’ignorer. Malheureusement, il y a des initiatives qui sont prises, mais elles ne sont peut-être pas assez concrètes. Je ne parle que pour les expériences que j’ai eues. Il y a beaucoup de nouvelles marques, de jeunes créateurs, qui ont vraiment cette valeur comme base de leur activité. Mais concernant l’expérience que j’ai eue, dans une marque plus établie, il y a encore beaucoup à faire. Pourtant c’est quelque chose dont on ne peut vraiment pas se passer, il faut commencer à aller dans ce sens-là. Malheureusement il y a des réalités autres qui font que ce n’est pas forcément adopté à la majorité. J’ai hâte que ce soit le cas pour toutes les marques, pour toute l’industrie de la mode en général.
Qu’est-ce que tu veux faire à la suite de cette expérience ?
Mon objectif serait de retourner un peu vers le stylisme, parce que c’était le cœur de mes études de mode. Je voudrais retourner vers un truc plus créatif, la conception de collection par exemple. J’aimerais vraiment acquérir une expérience professionnelle dans ce secteur-là, un stage en stylisme femme. Sûrement par habitude, c’est sûrement cliché de le dire. Le stylisme femme c’est quelque chose que j’ai plus exploré, dans lequel je me sens plus à l’aise.
En parallèle je développe “Individualuum”. C’est un projet que j’ai eu le temps de vraiment développer pendant ce confinement. Pour le moment ce n’est pas mon activité principale. Je m’éclate et j’aimerais bien avoir plus de temps à consacrer à ce projet-là.
Peux-tu nous parler de ce projet “Individualuum” ?
C’est compliqué pour moi de le décrire ou de le définir. Je le développe comme il vient. J’ai commencé pendant mes études à l’atelier. Je voulais trouver un ou des personnages qui ne représentaient aucun âge, aucun genre, aucune ethnie, aucune religion. Je recherchais un personnage qui soit assez universel pour qu’il soit indescriptible, pour ne pas pouvoir le ranger dans une case. Mais en même temps, aucun de ces personnages n’est identique. Aucun n’est dessiné de la même façon. C’est pour moi une manière de représenter cette idée d’individualité originale : chaque individu est différent par des petits changements. C’est ça qui m’intéressait.
Au début, c’était juste des personnages pour illustrer des collections, des vêtements etc. Et petit à petit, j’ai commencé à les peindre, à les dessiner, à les dissocier de la mode. Maintenant, j’explore toutes les possibilités avec eux. Pour le moment c’est plus sous forme de peinture et de croquis mais je ne veux pas me restreindre à ces supports-là. Je cherche d’autres manières de représenter ce que j’ai envie de dire.
Estimes-tu que ton projet ait un caractère social ?
Ce n’est pas quelque chose qui est moteur dans ce que je fais, mais ça en fait partie. Je ne me restreins pas juste à un message social. Mais quand il y a des choses qui me tiennent à cœur, ça prend un impact là-dessus. Par exemple, j’ai participé à la marche contre les féminicides en novembre dernier. Ça m’en a inspiré 2 toiles. Je peux retranscrire des expériences et des évènements qui se passent dans ma vie, dans mes illustrations.
On peut retrouver des fleurs dans ta dernière série, qu’est-ce qu’elles représentent ?
C’est une série que j’ai faite pendant le confinement, que j’ai nommée “Blühen” (= fleurir en allemand). J’ai toujours aimé les fleurs, j’ai toujours dessiné des plantes depuis toute petite. Je me rappelle que je dessinais des plantes dans le jardin de mes grands-parents. C’est venu naturellement avec cette envie de liberté. Je pense très sincèrement que c’est une nostalgie de post confinement. C’est une inspiration et un mood du moment.
Quelles sont tes inspirations ?
Alors dans mes inspirations, il y a les personnalités des gens qui me sont proches, qui m’entourent ou que je croise, des gens que je rencontre spontanément. Il y a aussi des éléments et des évènements de ma vie qui peuvent m’inspirer. Sinon parmi les artistes, je pourrais citer Franz West, Eva Taulois et Chad Wyz. De manière générale c’est surtout l’art contemporain.
Quels sont tes objectifs maintenant ?
Ce que je voudrais vraiment, c’est développer une activité professionnelle. J’aimerais faire se rencontrer ma passion pour la mode et mon projet individualuum. J’aimerais beaucoup pouvoir développer quelque chose les liant. Pour le moment, j’ai des idées qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Je n’ai pas vraiment de projet ou d’idées concrètes qui tiennent la route. C’est en cours. Mais ce serait incroyable que je puisse associer les deux. Pour le moment, j’ai une boutique en ligne, au sein du site internet society6. J’y vends des prints, des posters, et ça me rapporte un peu d’argent, mais ce n’est pas vraiment à une échelle professionnelle.
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Propos recueillis par Célia Taunay
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