Jean-Luc Valembois : “Chaque année, je parcours plus de 200 000 km à travers l’Europe pour acheter des œuvres”
Chaque année, Jean-Luc Valembois parcours l’Europe à la recherche de pièces uniques sur le thème de l’art cynégétique du 19ème siècle. Rencontre avec un chercheur d’art qui a fait de sa passion, son métier.
Pouvez-vous vous présenter ?
Jean-Luc Valembois, antiquaire, chercheur d’art, spécialisé dans l’art cynégétique du 19ème siècle. L’art cynégétique c’est tout ce qui touche à la chasse avec pour prédilection, la sculpture du 17ème au 20ème siècle ainsi que les tableaux. Qui dit chasse dit armes, je ne vends pas d’armes, ni de mobilier, essentiellement des sculptures et des tableaux depuis maintenant 12 ans à titre professionnel ; avant j’étais dans la finance.
Pourquoi avez-vous décidé de vous spécialiser dans le milieu de l’art et plus particulièrement de l’art cynégétique ?
C’est une passion qui remonte depuis l’âge de 20 ans. Je me suis intéressé à plein de choses en dehors de l’art cynégétique, puis avec le temps et ma passion pour la chasse, je me suis intéressé de près à tout ce qui concerne cet art. Durant 25 ans, j’ai collectionné et acheté pour moi, à titre personnel. Quand on est collectionneur, on accumule énormément, et de temps en temps on revend, pour acheter plus beau. Je me suis aperçu, au fil du temps, à l’époque ou je n’étais pas dans la profession que l’on pouvait faire des plus-values.
Comment êtes-vous passé du monde de la finance au monde de l’art ?
J’ai appris sur le tas, la connaissance, je l’ai acquise seul, en lisant, en allant sur tous les salons de France et d’Europe. L’essentiel de mon temps était consacré à l’achat et à ma collection. En revendant certaines œuvres, je me suis aperçu que je n’étais pas si mauvais que ça. C’est à dire que quand je voulais me séparer d’un objet, je le mettais en salle des ventes et j’en tirais le double ! J’ai fait ça à titre privé pendant quelques années. Il y a une quinzaine d’années, mon travail dans le domaine de la finance ne m’intéressait plus, j’allais travailler à reculons, je n’étais plus passionné par ce que je faisais même si l’argent était là, je n’avais plus envie. J’ai saisi l’opportunité il y a 12 ou 13 ans de quitter mon métier pour me lancer dans le monde de l’art et de créer ma société, All Arts.
En quoi consiste votre métier d’antiquaire ?
Il y a deux créneaux dans ce que je fais. Tout d’abord, je travaille pour une clientèle privée, des gens relativement aisés, et des grandes familles de collectionneurs. J’achète pour eux, je connais mes clients et leurs goûts. Chaque année, je parcours plus de 200 000 km à travers l’Europe pour acheter des œuvres, via les salles des ventes, les successions et d’autres antiquaires. C’est une première façon de travailler, ensuite le bouche-à-oreille fonctionne bien. Quand on réussit à acquérir la confiance des gens, obligatoirement, ils nous recommandent à d’autres.
En parallèle de ça, je participe à 5 salons d’antiquaires par an, 3 en Belgique et 2 en France. Ça me permet de trouver moi-même une autre clientèle qui va se rendre sur un salon et découvrir mon stand. Les salons représentent 30 % de mon activité et la clientèle privée 70%. J’ai des clients qui sont de véritables amateurs, que je peux déranger à n’importe quelle heure de la journée pour leur dire que je viens d’acheter une belle pièce.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées quand vous vous êtes lancé ?
La principale difficulté, je l’ai rencontrée quand j’ai commencé. Lorsqu’on se lance dans un métier de l’art, on a beau avoir la connaissance, l’argent pour pouvoir acheter les œuvres, on n’a pas encore la clientèle. C’était un véritable challenge ! Au départ mon seul recours était d’acheter des œuvres et de les mettre dans des ventes spécialisées. Il en existe 8 par an sur le thème de la cynégétique, où l’on regroupe à chaque fois environs 400 œuvres, 8 jours dans l’année. J’accumulais et je mettais en vente par le biais de l’Hôtel Drouot, à Paris. Durant 3 ans, ça se vendait bien, je gagnais ma vie, mais aucun contact. Après, les ventes c’est aléatoire. Si je mettais 10 pièces en vente et qu’il y en avait que 7 qui se vendaient, il fallait les repasser dans une autre vente.
Ensuite m’est venue l’envie de faire un grand salon, le seul souci, c’est que les places sont chères et les files d’attente sont longues. J’ai eu cette chance de pouvoir rentrer au salon des antiquaires de Namur, en Belgique, il y a 10 ans. Je présentais un type d’activité qui sortait du commun et une spécialité que l’on ne connaissait pas. Je n’oublierai jamais m’y être exposé avec 53 pièces pour 8 jours et au bout de 48 h j’en avais vendu 47 ! J’ai eu de la chance de pouvoir rencontrer de grands collectionneurs et c’est là que tout a commencé.
Trouvez-vous régulièrement des pièces rares ?
Quand on parcourt 200 000 km par an et que chaque jour de la semaine vous êtes sur les routes d’Europe pour acheter, on trouve obligatoirement des choses rares, mais il faut se bouger. Je vais au devant de la marchandise, je la cherche, je me déplace, je vais voir, je réponds à des offres. Il m’arrive de faire 1 000 km sur une journée pour aller voir une œuvre dans le Midi. Pour les pièces rares, j’en ai eu 2 dont une, il y a 3 ans qui était une pièce tirée à 3 exemplaires et que j’ai tout de suite vendue. Je l’ai achetée en 5 min et en 10 min elle était vendue !
Quand j’achète une œuvre, je ne me pose pas la question de combien je vais la revendre, si elle me plait, je la veux. Quand je suis en direct avec le vendeur, je négocie au mieux, quand ça passe en salle des ventes, je me bats contre x collectionneurs. Ça peut paraître bizarre, mais je ne regarde pas à dépenser 10 000 € pour seulement en gagner 1000. C’est mon côté collectionneur qui est en avant, si je la veux, je l’achète et tant pis si je gagne peu.
Souvenez-vous d’une demande particulière ?
Oui, dernièrement. J’ai la grande chance de travailler pour les Émirats du Koweït depuis maintenant 2 ans. Parmi les demandes, une était quasi impossible à trouver. C’était une œuvre d’Alfred Barye, qui on pense à l’époque avait été tirée en 4 ou 5 exemplaires. On en connait 3 dans des musées nationaux et 2 chez des collectionneurs. Un dimanche matin, je suis parti avec mon associée, Sandra, à Paris. En nous promenant aux puces de Clignancourt, je suis rentré dans une galerie et un monsieur venait tout juste d’amener cette pièce. Le lendemain, elle était vendue.
Comment faites-vous pour différencier une copie d’un original ?
Si on prend l’exemple des sculptures en bronze, il y a différents critères qui interviennent et il y a une chose sur laquelle on ne peut pas tricher, c’est la patine. La patine vieillit avec le temps et on ne peut pas, sur une copie, appliquer une patine avec l’aspect ancien. Ensuite il y a d’autres critères : la signature, les cachets de fonderies etc. Après quand on aime, on le ressent, on voit quand l’objet n’est pas bon.
Quand on connait le sculpteur et son travail, ça se sent, c’est compliqué à expliquer, c’est une intuition. Maintenant ça n’empêche pas que beaucoup de gens soit trompés, moi je me suis beaucoup trompé dans le temps et je me suis fait beaucoup avoir aussi en tant que collectionneur. J’ai déjà acheté des faux à une certaine époque en pensant que c’était des vrais. Dans notre métier on dit toujours que pour apprendre il faut payer.
Avez-vous un conseil pour les personnes qui souhaitent se lancer ?
J’en aurais plusieurs ! Pour moi le primordial dans ce métier c’est d’aimer ce que l’on vend, l’argent vient après. Trouver l’objet rare à vil prix sur une brocante un samedi matin à 6 h c’est devenu très très rare. Aujourd’hui, avec internet, les gens tapent un nom sur un tableau ou une sculpture dans Google et savent ce qu’ils ont.
Ensuite, c’est la connaissance, on vit dans un monde où la copie est très présente, que ce soit pour les tableaux, les bronzes ou même dans les meubles ! Il faut énormément de connaissance pour identifier un vrai d’un faux. Aujourd’hui il y a beaucoup de copies qui sont faites dans des pays étrangers et comme la technologie a évolué, on sait de mieux en mieux copier.
Propos recueillis par Agathe Bourdeauducq
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