Jean-Baptiste Sibertin-Blanc : “Mes maîtres sacrés sont des architectes”
Rencontre avec Jean-Baptiste Sibertin-Blanc ; ce célèbre designer nous parle de son métier, de ses inspirations et de ses projets.
Tout d’abord quel est votre parcours ?
J’ai suivi une formation professionnelle en ébénisterie à l’école Boulle, à la suite de laquelle j’ai exercé ce métier pendant cinq ans. En 1982, l’école nationale supérieure de création industrielle a été créée et j’ai eu la chance d’y entrer un an plus tard. J’ai ensuite été embauché dans le cabinet d’architecte de Ricardo Bofill. J’y suis resté pendant trois ans en tant que designer pour dessiner tous les mobiliers des projets architecturaux de l’agence. En 1991, j’ai créé ma première agence de design.
Pourquoi avoir choisi cette voie ?
C’est cette voie qui m’a choisie. J’ai beaucoup hésité sur mon orientation professionnelle. À 17 ans, j’ai commencé à travailler comme éducateur technique dans un atelier de céramique. Je me suis dit “si jamais je veux continuer à être éducateur, j’aimerais faire autre chose que de la céramique”. J’ai eu la chance de trouver une formation d’ébéniste où je me suis réalisé. Puis un ami m’a dit “il y a une école de design qui ouvre, tu devrais essayer de la faire”. J’ai tenté ma chance, je suis devenu designer… mais j’ai toujours baigné dans le monde de l’art : mon grand-père était artiste peintre, mon père architecte, j’ai grandi entouré de belles choses.
Vous avez beaucoup voyagé, cela vous aide-t-il à trouver de l’inspiration pour vos projets ?
J’ai travaillé dans les années 90 avec mes étudiants sur l’idée que les objets sont des signes de culture. Les objets dans la culture espagnole, japonaise ou péruvienne ne sont pas les mêmes. Je me suis intéressé à ce regard sur les choses pendant une dizaine d’années. J’ai dessiné une collection lorsque je suis allé à Madagascar pendant cinq ans. Elle s’appelle “Paris Tananarive” et s’inspire des signes de mon environnement habituel, Paris. Il ne faut pas oublier que dans le mot designer, le dessin garde une part très importante pour moi. Alors quand on voyage, on enrichit son “musée imaginaire” tel que l’a nommé André Malraux. Les voyages ne sont pas ma source première d’inspiration mais ils enrichissent ma bibliothèque.
De quoi vous inspirez-vous ?
D’une manière un peu abstraite, je pourrais dire que je m’inspire du vide. Tous les artistes du début du 20ème siècle sont attirés par le vide, Yves Klein parmi d’autres. Plus concrètement, ce sont beaucoup plus les univers artistiques et l’architecture qui m’inspirent que le design à proprement parler. Ce qui m’inspire c’est la sculpture, Eduardo Chillida, Richard Serra, Henry Moore, Giacometti… Mes maîtres sacrés sont des architectes.
Vous êtes également professeur dans différents établissements, qu’est ce que cela vous apporte ?
Aujourd’hui je suis enseignant à l’école nationale supérieure d’art et de design de Nancy. J’enseigne depuis 1992, lorsque je suis allé en Indonésie animer un workshop sur l’identité culturelle des objets. Enseigner aide à organiser sa pensée, et lorsque les étudiants commencent à organiser la leur, on est obligé d’être clair dans ce qu’on leur raconte. Ce partage de connaissance a toujours été important pour moi.
Vous faites en 2020 une résidence d’artiste au Musverre à Sars-Poteries, pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est un des très beaux projets de 2020. J’ai commencé à réfléchir sur ce projet en 2018 dans lequel je souhaitais aborder la matière verre de manière beaucoup plus artistique. Petit à petit ce projet autour des lettres de verre est né. J’ai choisi quatre techniques pour y parvenir : le verre soufflé, la pâte de verre, le verre bombé et le verre à la flamme. Le Musverre a aimé le projet et m’a aidé à trouver les financements grâce au département du Nord. J’ai douze semaines de résidence avec les quatre verriers que j’ai choisi. Une première exposition verra le jour en 2021. Ces lettres et cet alphabet de verre ont toutes les contraintes d’un objet mais avec une liberté plastique immense.
Vous avez travaillé avec de grandes maisons comme LVMH ou encore Hermès, y a-t-il des contraintes particulières à respecter pour collaborer avec eux ?
Oui bien sûr mais j’aime bien les contraintes ! L’artiste est face à sa page blanche, la seule contrainte c’est lui-même. Le designer est dans un dialogue avec une marque. Quand on travaille pour une marque, il faut la comprendre, la découvrir, imaginer ce qui peut surprendra le client final. Il faut respecter les codes couleurs, les matériaux, la qualité du dessin. Il faut les transposer, les moderniser, les rattachés à l’ADN de la marque. C’est très intéressant.
Comment se déroule votre procédé artistique à partir du moment où vous avez l’idée d’un objet jusqu’à la finalisation de celui-ci ?
Le procédé artistique commence même avant l’idée, au moment où vous vous asseyez à votre table. Lorsque l’on arrive à l’idée, une grande partie du chemin est faite. Toute la phase des plans, des dessins, des images 3D, des maquettes, tout ça c’est de la cuisine. Le processus de création, c’est comme de l’écriture automatique. Cela se fait en amont. Il faut être le plus libre possible avec son crayon pour laisser émerger des choses, et à un moment on se dit “tiens, là je pense qu’il y a quelque chose” mais c’est de l’ordre de l’irrationnel, ce n’est pas maitrisé. On ne sait pas à quel moment on va avoir une bonne idée, ça peut prendre dix minutes… ou trois mois.
Avez-vous des conseils à donner à quelqu’un qui voudrait devenir designer ?
Aujourd’hui le mot design est partout : designer graphique, designer d’objet, designer numérique… Je me suis beaucoup posé la question de ce que j’avais envie de dire et de faire avec ce métier. Le plus important c’est de réfléchir à ce que l’on imagine derrière le mot de designer, à ce que ce métier représente, quelle place dans la société il peut avoir.
Propos recueillis par Lisa Behot
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