Jason Botkin : « J’adore quand le bizarre fait rire et interroge »
Jason Botkin : « J’adore quand le bizarre fait rire et interroge » |
Nous avons rencontré l’rtiste américain installé à Montréal, Jason Botkin. L’occasion de découvrir son univers étrange, psychédélique et coloré. Spécialiste de la peinture grand format, Jason Botkin réalise des dessins, fresques et autres installations mettant en scène des personnages ou des paysages fantasmagoriques, tout en lignes et nuances de couleurs. Tu es diplômé en dessin de l’université d’Alberta. Comment es-tu passé à la création grand format et dans la rue ? A l’université, on pouvait travailler sur tous les formats : peinture, sculpture, dessin… A cette époque, je travaillais sur des matériaux de récup’, je réalisais des peintures sur des morceaux de carton ou des papiers de mauvaise qualité, qui ne duraient pas très longtemps… Des travaux éphémères mais qui m’ont permis de trouver cette approche spontanée de la création artistique que j’applique dans mon travail grand format aujourd’hui. L’art a longtemps été une passion à laquelle je me livrais entre deux jobs, quand j’en avais le temps. J’étais plutôt initié au travail de galerie, mais mon style ne correspondait pas forcément à ce qu’elles recherchaient. C’est en 2009 avec la création du projet « En Masse » [collectif d’artistes qui réalisent des dessins et installations collaboratives, ndlr] que j’ai commencé à trouver mon indépendance, financière et créative, en tant qu’artiste. Grâce à des commandes d’entreprises qui ont compris notre univers, nous avons pu petit à petit participer à des foires et des festivals, et par la suite exposer dans les musées et les galeries. Tu vis et travailles à Montréal, mais ce n’est pas la première fois que tu viens exposer en France. Que penses-tu des scènes urbaines françaises et canadiennes ? Il y a une grosse communauté de street art à Montréal, et de graffiti aussi. Le niveau de vie est relativement bas, donc c’est plus facile pour les artistes. En plus, Montréal est un gros pôle culturel qui attire pas mal de touristes et de gens de tout le pays, ce qui permet une bonne visibilité. Au niveau des styles, je dirais que c’est un beau mélange d’identités et de cultures, à l’image de notre pays. Pour ce que je connaîs de la scène urbaine française, elle est superbe et surtout en plein émulation ! Beaucoup de force se dégage du street art français. Je trouve que la plupart des artistes ont un rapport plus engagé, plus social à l’art. C’est du street art qui s’adresse à son entourage urbain et humain, et qui parle des problèmes de la société d’aujourd’hui. À Paris par exemple, il y en a partout, malgré l’aspect historique de la ville et c’est un beau contraste. C’est vrai que le street art est en pleine évolution. Selon toi, qu’est que l’art urbain dit sur notre monde ? Le street art évolue tellement vite… Les murs sont devenus un moyen d’expression privilégié. L’art peut faire la différence, influencer notre mode de pensée. C’est pour ça que je pense que nous devons prendre nos responsabilités en tant qu’artistes sur le type de message que nous communiquons et sur notre manière d’opérer. Et du coup je trouve dommage d’utiliser un outil de communication aussi puissant que le street art pour faire du marketing, même si ça en fait immanquablement partie. Personnellement, j’adore peindre des murs, c’est un gros investissement mais je m’éclate. J’adore la démarche d’arriver devant un bâtiment et demander l’autorisation de peindre un mur ou une façade. Les gens te demandent toujours « Why ? » et les conversations qui suivent sont toujours super fun. Comment décrirais-tu ton style, ta technique ? Quelles sont tes influences ? C’est un mélange de styles et d’influences. Je travaille plus sur des installations que sur des toiles. Je préfère le rapport à la matière. Après, je peins de manière très intuitive. J’adore quand mon travail me fait rire. Je pousse le bizarre à l’extrême parce que j’aime quand il suscite des réflexions, des interrogations. L’étrangeté, c’est aussi ma façon d’aborder les problèmes de notre époque, mais avec humour. En ce sens, les dadaïstes sont une grande influence pour moi. On retrouve aussi l’inspiration des muralistes mexicains, très colorés et symboliques. Je travaille beaucoup les lignes, le mouvement. J’aime l’idée que ces gestes finissent par donner une image. Un peu comme le pointillisme de Van Gogh, un de mes peintres préférés. Quant à ma technique, j’utilise essentiellement avec de la peinture acrylique, le truc le plus facile à trouver ! Aussi parce que je suis soucieux de l’environnement, et qu’avec l’expérience je me suis rendu compte que c’était le moins polluant et le moins mauvais pour la santé. Quand je peins un grand mur, je n’ai qu’un petit dessin comme modèle, la plupart du temps je laisse l’inspiration et les couleurs m’emporter ! Mes personnages sont étranges et inquiétants, alors ils n’ont pas à être réalistes. Et j’adore les endroits biscornus ou un peu cachés pour aller réaliser mes bizarreries. Ta dernière exposition à la galerie NUNC s’intitulait « Broken Strings » [Cordes Brisées]. Tu libères tes marionnettes pour qu’elles rencontrent le public, c’est ça ? Oui c’est exactement ça ! Je vais réaliser mes dessins habituels sur des fines couches de bois, qui formeront différentes pièces à assembler entre elles par les visiteurs. Je vais essayer de créer une sorte de théâtre de marionnettes à l’intérieur d’une galerie. Je suis très honoré d’être invité pour un solo show dans une galerie parisienne, alors j’ai envie de faire participer le public. Ce sera une façon de les amener à la rencontre de mon univers. J’adore la façon dont les gens interagissent avec les œuvres. Mais c’est aussi très conceptuel, ça pose des questions de forme, de normalité, d’identité. J’envisage cette expo comme un voyage initiatique dans mon monde de l’étrange. Qu’est-ce que ça te fait d’avoir été l’invité du M.U.R. d’Oberkampf, un pôle du street art parisien ? Je suis super content d’y avoir participé ! L’avantage de voyager, c’est qu’on fait de belles rencontres. J’ai conscience que je fais des choses assez barrées, et c’est vraiment une belle expérience pour moi d’être venu peindre à Paris ! Anna Maréchal |
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