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Interview de l’artiste INTOX

19 mars 2015
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Intox

Interview de l’artiste INTOX

Cette interview est un échange entre le galeriste est l’artiste à l’occasion de l’exposition INTOX à la Galerie Jed Voras de Paris. A travers ces quelques questions Aleksandra Smilek aborde une réflextion sur la relation entre le Street Art et la galerie d’art !

En donnant Carte Blanche à l’artiste, la galerie propose un format d’exposition qui permet de trouver un juste milieu entre l’exposition de toile et le graffiti sur les murs.

L’exposition présente une exposition ou l’artiste est venu peindre sur unwhite cube constitué des murs de la galerie ainsi que des toiles blanches préalablement accrochées. 

Aleksandra Smilek :

Penses-tu que les galeries d’art et les espaces d’expositions ont un rôle à jouer dans la manière d’intégrer l’art du graffiti dans l’acceptation de cet art par la société ? 

INTOX :

Je ne pense pas que cela puisse accéder à une forme d’acceptation particulière, la seule chose qui pourrait faire changer les mentalités c’est une certaine ouverture d’esprit que les gens dans le monde occidental n’ont pas. Quand on va dans certains pays d’Amérique du Sud ou d’Afrique ou bien des endroits à l’inverse de chez nous, les maisons et les rues sont peintes, il y a de la peinture partout. Nous ne mettons pas de peinture, on reste dans les tons gris. Les galeries aident à relayer et à ouvrir les mentalités, proposer des alternatives, mais cela ne changera absolument pas l’image du Graffit. On entendra toujours le public de galerie dire que c’est beau, mais taxer le graff dans la rue de dégradation. 

A.S : Fais-tu de la simple transposition entre ce que tu fais dans les espaces publics et sur l’espace de la toile ou bien ceci ne peut pas se rapporter à une simple « transposition » ? 

I : Mes travaux, en galerie et dans la rue, n’ont absolument rien à voir. Ce sont deux espaces d’expressions complètements opposés et ce sont deux publics distincts donc deux façons de voir différentes. Le graffiti c’est de la lettre, c’est du tampon, c’est poser son nom, c’est de l’égocentrisme cela tourne simplement autour de la personne qui peint et pas forcément autour de ce qu’elle fait, c’est secondaire. Par contre en galerie, il est davantage question de la qualité visuelle, graphique ainsi que d’un transport d’émotion. 

A.S : Olivier Rizzo, alias Speedy Graphito, peint lui aussi à la fois pour les rues et les galeries. Il dit « Quand je vends une toile, je ne vends pas mon âme, je me donne juste du carburant pour pouvoir continuer à produire.». Une réaction à cela ? 

I : Les Galeries et la rue sont deux endroits d’expositions complètement distincts. Un artiste en galerie vendra forcement autre chose que ce qu’il produit dans la rue. Peindre dans la rue, c’est l’offrir aux gens, on impose une certaine vision des choses, un code couleur, un graphisme, en galerie on se plie aux règles et on fait en sorte que cela plaise aux gens. Dehors c’est pour nous et à l’intérieur c’est pour vous. 

A.S : As-tu l’impression que les graffitis artistes ont réussi à hacker les galeries d’art en montrant leurs créations comme ils ont réussi à hacker les espaces public ? Ou bien penses-tu que ce sont plutôt les galeries qui ont réussi à détourner un art qui revendiquait une indépendance contre l’establishment ? Dans ce dernier cas, nous serions donc tristement dans la situation de l’arroseur arrosé ! 

I : Je pense que le graffeur et la galerie ont tous deux à gagner, les galeries dans le but de rajeunir leurs collections et de montrer un nouveau format d’exposition. Le graffiti apporte une grande diversité aux galeries et pour nous, les graffeurs, cela reste un moyen de

produire du visuel. Les galeries galèrent beaucoup plus à faire venir un graffeur chez eux que les graffeurs à faire venir une galerie à eux. Un graffeur qui travaille bien n’aura aucun mal à exposer, par contre une galerie aura beaucoup de difficultés à avoir quelqu’un qui ne veut pas s’exposer ailleurs que dans la rue. 

A.S : Venons-en à ton exposition, parlerais-tu plutôt d’une exposition de la galerie Jed Voras ou bien d’un investissement de la galerie ? 

I : Pour moi il est davantage question de l’occupation d’un volume, tout sera peint sur mesure. L’exposition est une œuvre composée d’une dizaine ou vingtaine de toiles qui constituent elle- même une grande œuvre. Il est question de jouer sur l’harmonie et sur un concept bien particulier qui n’a pas encore été vu à Paris, à savoir l’habillage complet d’une galerie, uniquement destiné à cet espace. En revanche, si quelqu’un veut acheter la collection complète, il ne pourra pas la reconstituer entièrement sauf si il décide de recréer l’espace en lui-même. C’est finalement un défi plus qu’autre chose. Je ne vois pas trop l’intérêt d’organiser des expositions dans le seul but de faire jolie. Notre objectif est de transporter le public dans mon univers et de montrer ce que j’ai dans la tête. 

A.S : Tu utilises des supports de créations très variées allant de l’espace public, des toiles, des produits de design ou bien encore de la peau des hommes pour tes tatouages. Quelles différences fais-tu entre tous ces supports ? Est-ce que cette variété t’amène à adopter des démarches de création différentes ? Véhiculent-t-ils des sens différents ? 

I : A chaque fois que je travaille sur un support, qu’il s’agisse d’une bouteille, d’un mur, d’une toile ou d’un corps quand je vais tatouer, il faut que je m’imprègne de la culture qui en découle ou tout simplement de ce que je vais pouvoir en faire après. Par conséquent, il est toujours question d’adaptation pour moi et mon art, cela me permet d’évoluer et de ne jamais tourner en rond. Ensuite c’est très enrichissant car cela me permet de toucher un public vraiment plus large et à travers cela d’avoir des retours différents. C’est une forme de défi permanent pour ne pas rester cantonner à un seul savoir-faire. L’avenir se constitue de formes, de supports, d’idées et de concepts différents. Je ne me cantonnerais jamais à faire un style ou un autre. 

A.S L’institutionnalisation du tag en France a commencé en 91 avec l’exposition Le Mouv’ au musée organisée à Meaux par Jack Lang alors ministre de la culture. Penses-tu que ce fut une nouvelle manière en France de canaliser la révolte ? Penses-tu qu’on embourgeoise cet art ? 

I : Le graffiti n’appartient à personne, ni à une classe pauvre ni à une classe riche. Sa définition est celle d’un milieu qui veut se retrouver autour d’une passion commune. On s’en fout de savoir d’où tu viens, on s’en fout de savoir ce que tu as dans les poches, tant que tu as les couilles de faire ce que l’on fait. J’ai graffé avec des gens de tous les univers possibles et imaginables, du clochard au PDG et ce sont tous les mêmes devant un mur. Donc la stigmatisation de toujours dire que c’est un art de pauvres ou autres, non. C’est un art de riche parce-que cela coûte très cher de peindre. Ne serait-ce qu’en amendes, il faut payer tes contraventions si tu ne veux pas aller en prison et ceci il ne faut pas l’oublier. Cela reste quelque chose d’éclectique et il ne faut surtout pas le contenir à une classe de la population. 

A.S L’opération de graffiti du métro Louvre-Rivoli de 1991 constitue selon moi l’une des premières opérations d’exposition de street art dans un espace d’exposition réussi. Quand penses-tu? 

I : L’ayant vécu étant jeune et étant déjà dans le prémisse de mon art, la station Louvre Rivoli quand elle a étés graffée n’était absolument pas une forme d’exposition de quoi que ce soit. C’était plutôt une revendication, il s’agissait de montrer au monde entier que nous étions là et nous n’avions pas forcément envie de nous faire montrer dans le bon sens. C’était surtout pour dire que tout ce que l’on veut on le prendra, un peu comme des pirates. L’idée était surtout de s’approprier ce que l’on veut quand on le veut même quelque chose d’institutionnel. Si demain j’ai envie d’aller peindre sur l’Elysée j’irais peindre sur l’Elysée, si j’ai envie de cartonner Matignon je trouverais un moyen de le faire. La station Louvre Rivoli c’était pour dire qu’on ne nous arrêtera pas facilement preuve en étant faite, c’était en 91 et nous sommes en 2015 et le nombre de graffeur a complètement explosé à Paris. 

Artistik Rezo en parle aussi ici

[Crédits photos : Exposition INTOX, Galerie Jed Voras, Paris, 2015, Photos Frédéric Dupont]

Propos recueillis par Aleksandra Smilek
 

 

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