0 Shares 2594 Views

Gilles Dreydemy : “l’APP’ART est un lieu de rencontre et de métissage artistique”

© Jack Varlet

C’est au coeur de Besançon que Gilles Dreydemy vit de sa passion : l’art. D’abord amateur, il a finalement décidé de franchir un cap en créant une galerie conviviale, de rencontres et de partages entre artistes et public : l’APP’ART.

Qui êtes-vous ? quel est votre parcours ?

Farouche défenseur de l’attractivité touristique et inconditionnel de l’art contemporain. J’ai eu ne carrière professionnelle entièrement consacrée au développement touristique dans les collectivités locales et auprès du Ministère du Tourisme. J’ai fait mes études à l’Institut Supérieur du Tourisme de Paris, complétée par un Certificat d’Études Politiques à Sciences Po. Ma première affectation a été à Metz en Lorraine, puis départ pour la direction du tourisme de l’Île de La Réunion. Je suis ensuite revenu en métropole pour prendre la direction de celle du Var avant de m’établir en Franche-Comté, à Besançon.

Quelles relations entretenez-vous avec l’art ?

Passionné d’art contemporain, j’ai durant des années surtout été « regardeur ». Les nombreux salons, foires, festivals sur lesquels j’ai eu l’occasion de me rendre, de Miami à Berlin, de Bâle à New York en passant par Madrid, Istanbul, Pékin, Kassel, Melbourne, Philadelphie… ont conforté ma sensibilité de la recherche formelle du beau et de recherches esthétiques nouvelles avec une préférence minimaliste. On ne devient pas galeriste par hasard, cela nécessite une implication individuelle, un engagement personnel, c’est un « choix de vie » ! Celui-ci demande aussi une bonne connaissance de l’art, quelques relations dans le milieu des artistes… un carnet d’adresses…

Œuvre de Stephane Gimbert © Francois Bodlet

Quel a été l’élément déclencheur pour vous lancer dans la conception d’une galerie ? D’où vient l’idée assez originale d’ailleurs de faire une galerie-appartement ?

Cette idée est née d’un désir très puissant de créer une relation forte entre les artistes et le public grâce à des échanges, dans un lieu qui inspire et facilite le rapprochement. S’inscrivant dans la nouveauté, ce concept de l’appartement à la fois lieu privé et lieu privilégié rompt avec la solennité des galeries traditionnelles. L’appartement que j’occupe date du 18ème, avec des boiseries d’époque. Ouvrir cet appartement aux amis, aux amis d’amis, aux amateurs d’art permet d’instaurer de nouvelles relations entre les artistes, les Bisontins (habitants de Besançon), les visiteurs… Les échanges sont riches intellectuellement même s’il existe nécessairement une contingence économique destinée également à aider les artistes. L’APP’ART se veut lieu de création, d’évènements, de conférences, de discussions où la flexibilité et la liberté permettent le rapprochement des collectionneurs, la recherche d’artistes émergents, la diffusion du talent !

 Quelle est la ligne artistique de votre galerie ?

Je souhaite très vite pouvoir soutenir la création émergente, mais pour cela il faut que l’APP’ART soit une galerie connue et reconnue. S’agissant de la ligne artistique ou plutôt ‘esthétique’, bien que les formes classiques comme la peinture et la sculpture soient toujours plébiscitées, je pense qu’il y a aussi la place pour des œuvres plus conceptuelles ainsi que pour la photographie. Le positionnement de l’APP’ART est clair, sans restriction de styles ou de techniques dans le choix des artistes. À mon sens, quelles que soient les formes d’art, il est nécessaire d’avoir de la rigueur. On peut proposer une programmation plus radicale et une autre plus « accessible ». Finalement, le plus important est de toujours proposer des expositions de grande qualité et d’avoir une envie très forte de présenter un art qu’on a à cœur de défendre.

© Jack Varlet

 Quel est votre processus de programmation et de choix d’artistes ? 

Pas de lourdeur administrative, ni régularité d’une programmation obligée, l’APP’ART est un lieu de rencontre et de métissage artistique. Le choix des artistes se fait en fonction de mes connaissances, de ma sensibilité. S’agissant des œuvres, j’ai mes propres critères… Je cherche une présence, une densité, un rapport à l’espace. Je pense qu’une certaine “proximité” avec l’artiste est importante afin d’essayer de comprendre l’essentiel de son travail et de percevoir son inspiration créatrice.

 Partagez-vous avec les artistes un droit de regard sur l’emplacement des œuvres dans la galerie et sur la fixation des prix ?

L’idée est ici de valoriser les œuvres en leur donnant un sens, en provoquant une émotion en jouant sur les perceptions à travers leurs accrochages et leurs placements. Ce travail, dans la mesure du possible, doit être conduit par le binôme artiste – galeriste. L’artiste connaît parfaitement ses œuvres, je connais très bien l’APP’ART, la complémentarité s’impose à mon sens. En général, les prix sont fixés par l’artiste, je prends un pourcentage sur les ventes, pourcentage qui est lié à la promotion des œuvres de l’artiste, au développement de sa notoriété, à l’invitation d’acheteurs, de collectionneurs, d’accueil, de conseils et de renseignements du public durant l’exposition.

Œuvres de Stephane Gimbert © Francois Bodlet

Travaillez-vous en contact et ou peut-être en collaboration avec d’autres galeries ? Quels sont les rapports entretenus ? 

Besançon est une ville moyenne dont les galeries d’art contemporain ont progressivement disparu. Il en reste une en dehors de L’APP’ART. Il n’existe pas de collaboration directe, mais un respect mutuel est de mise. Nous réfléchissons ensemble à la façon de pérenniser nos projets et plus globalement aux possibilités de pouvoir travailler avec les acteurs culturels locaux. L’art contemporain est devenu un vrai vecteur de communication, un sujet d’intérêt général, de plus en plus accepté. C’est aussi un vecteur culturel, touristique et même de qualité de vie !

Il y a une augmentation de nouveaux procédés numériques, comme l’image numérique par exemple, qui donnent une nouvelle perspective à la perception de l’art. Pensez-vous que ce soit une menace pour les galeries ?

Je pense qu’avec un ordinateur, tout le monde peut faire de l’art (numérique). Mais avec un pinceau et une toile, tout le monde peut en faire aussi. Ce ne sont donc que des outils. En réalité, il faut une inspiration, un don. Certes, il est sans doute plus facile de maitriser Photoshop ou Illustrator que d’essayer d’acquérir des techniques de gravure ou de sculpture. Il est exact que l’image se fabrique aujourd’hui essentiellement sur les bases de procédés numériques qui viennent en quelques années d’envahir toutes les formes d’expression… sans doute de façon durable. Il se trouve que le marché de l’art fonctionne encore sur les bases de la peinture, c’est à dire avec une œuvre concrète et unique, Mais tout cela peut être remis en question très vite.

Œuvre de Stephane Gimbert © François Bodlet

Durant cette période particulière du confinement, avez-vous modifié votre façon de concevoir le métier de galeriste ? Avez-vous prévu des changements à l’avenir ?

Le Covid-19 va probablement transformer durablement le monde de l’art. Il ne s’agit pas d’une trêve et nous ne pouvons pas faire comme si la crise n’était que passagère. Il s’agit d’une épidémie dont nous ne connaissons pas l’issue. Bref, « plus rien ne sera comme avant ». Il y aura peut-être moins de déplacements et finalement les grands rassemblements, foires, salons seront moins fréquentés au profit de galeries, ou d’autres lieux plus adaptés pour attirer des collectionneurs afin de pouvoir échanger sereinement…

Quels sont vos prochains projets ?

Confinement oblige, « SURBRILLANCE », la très belle exposition du Centre International d’Art Verrier de Meisenthal et de l’artiste canadien, Stéphane Gimbert qui vit et travaille à Montréal, a été prolongée. La crise sanitaire a ensuite chamboulé la programmation printanière. La reprise se fera à l’automne avec de belles surprises. D’ici là, il est essentiel de rester dans une dynamique, de garder le contact avec les artistes qui pour certains expérimentent des choses nouvelles.

Découvrez le site internet de l’APP’ART et son compte Facebook.

Propos recueillis par Charlie Egraz

Articles liés

L’écologie dans la culture d’après Maxime Noly : le Woodstower Festival, un nouveau modèle de réussite
Agenda
211 vues

L’écologie dans la culture d’après Maxime Noly : le Woodstower Festival, un nouveau modèle de réussite

Le Festival Woodstower célèbre cette année son 25e anniversaire. Né en 1998 dans les bois enchanteurs de la Tour de Salvagny, ce festival puise son essence sur les mêmes valeurs du symbole emblématique de la contre-culture des années 60,...

“Fario” de Lucie Prost en salle le 23 octobre
Agenda
93 vues

“Fario” de Lucie Prost en salle le 23 octobre

Léo, jeune ingénieur brillant et fêtard qui vit à Berlin, doit rentrer dans son village du Doubs pour vendre les terrains agricoles de son père à une entreprise de forage de métaux rares. Il retrouve sa mère, sa petite...

Rencontre avec Kaori, duo de musiciens néo-calédonien, pour la sortie de leur 3e album !
Agenda
151 vues

Rencontre avec Kaori, duo de musiciens néo-calédonien, pour la sortie de leur 3e album !

Kaori, le duo de musiciens néo-calédonien, qui s’identifie à l’arbre tutélaire des Mers du Sud, revient avec son 3e album intitulé “Dans l’attente d’un signe” conçu sous les Tropiques, réalisé à Colombes. 11 plages ensoleillées où miroitent, portés par...