Gilbert Petit : “Quand on se souvient des rêves, on se souvient d’un morceau de futur”
Le travail de Gilbert Petit est imprégné de ses racines multiculturelles : Europe, Afrique et Asie se mélangent avec cohérence et sensibilité. La bande dessinée, le Pop-art et la culture ancestral nourrissent également ses œuvres colorées et originales. Son exposition personnelle “JE ME SOUVIENS DES TEMPS FUTURS… ” à la Teodora Galerie, débute le 10 septembre jusqu’au 10 octobre 2020, en partenariat avec l’agence H.ART. Nous l’avons rencontré à cette occasion.
Hanna Ouaziz, directrice de la Teodora Galerie, vous a proposé de travailler le thème de la mémoire : qu’est-ce que cela évoque pour vous ?
Ce thème me tient à cœur comme j’ai une mémoire multiple, grâce à mes origines, à la vie que je mène. La mémoire pour moi est une sorte de voyage dans plusieurs temporalités, dans mes origines, dans l’actualité et donc dans ce qui me lie à l’art et à l’histoire de l’art. Au final, je me rends compte que beaucoup de choses viennent de ma culture artistique, de mon expérience, mais aussi de mon atavisme, des éléments qui remontent, qui se télescopent, qui se marient ou qui se mettent en opposition avec ce que j’ai vu ou que j’ai appris de la culture dans laquelle je baigne. Je vis en France depuis mon enfance : je suis né au Togo, mais j’ai souvent rêvé en français avec des rêves qui venait d’ailleurs. C’est pour cette raison que la mémoire fait partie de ce vivier. En même temps, je considère la mémoire très présente, constamment renouvelée, agrémentée, perpétuellement revisitée : au même titre de l’histoire, on n’a jamais une mémoire fixe, il y a toujours de choses qui vont changer au prisme du vécu.
C’est ça qui me fascine : essayer de comprendre comment donner à la mémoire une matière plastique. Dans mon travail, il y a aussi cette idée d’évanescence, de couleurs passées, des surcouches, des matières qui remontent, des transparences ou de contenu-contenant. Effectivement, je vois la mémoire comme un collage : de matières, de styles ; tout d’un coup on obtient quelque chose qui interpelle, qui rappelle, qui fait resurgir des choses et qui excite cette zone qui est notre mémoire collective. C’est pour ça que ce thème m’intéresse particulièrement. Je fais un travail sur la frontière aussi, sur le fait de passer de l’abstraction, à la figuration, à toutes les formes d’art possibles qui m’excitent ou qui me tentent. J’essaie de comprendre d’où cela peut venir et quelles sont les conséquences artistiques et philosophiques que cela peut amener.
Quelle est la raison du titre de votre exposition “JE ME SOUVIENS DES TEMPS FUTURS…” ?
Je reviens à cette notion de rêve : dans les rêves on voyage dans le futur et quand on se souvient de ses rêves, on se souvient d’un morceau du futur. Il y a aussi le fait que je suis très fan de cinéma et des Temps modernes de Chaplin. J’adore ce film, car pour moi on retrouve une vision d’un futur passé et d’un futur présent. C’est pour cela aussi que j’ai choisi l’association “temps futurs”.
Quelle est votre démarche artistique ? Vous essayez de véhiculer un message avec votre art ?
Aujourd’hui, on nous demande constamment de transmettre des messages : moi, je pense qu’on en a déjà trop. Le vrai message est celui que les gens doivent prouver. Ce sont les émotions qui doivent prendre les devants ; pas que les émotions instinctives ou sentimentales, il y a une émotion de l’intelligence, voir quelque chose, le penser, l’analyser, essayer de le comprendre, de trouver les pistes en soi. Dans mon travail, il y a toujours ce principe-là.C’est pour cela que j’aime le collage, car il y a une juste-apposition, une accumulation que l’on retrouve dans mes tableaux également.
Je reste un passeur. Si je voulais diffuser un message, je ferais de la peinture militante, alors que dans mes tableaux on retrouve la notion d’intériorité, d’espace, de nature.
Quels sont vos sources d’inspirations ?
Dans mes inspirations on va retrouver effectivement tout ce qui peut raconter une histoire. J’aime bien les allégories, car chacun peut créer sa propre histoire. La bande dessinée, l’image et la figuration narrative qui n’a pas de sens, les séquences. Certaines œuvres abstraites et constructivistes, font parties de mes inspirations aussi, parce que la forme géométrique reste une forme de narration : ça raconte les étoiles, la nature, c’est une transposition de la vie.
Moi, au final, j’ouvre des portes.
D’où vient votre choix de représenter pour la plupart des portraits, pour l’exposition “JE ME SOUVIENS DES TEMPS FUTURS… ” ?
La tête qui porte, l’extension, la mémoire. J’aimais bien que ça se retrouve d’une manière figurative : des petits éléments posés sur les têtes. Ça m’intéressait beaucoup de rentrer à l’intérieur de la forme, de me dire que la mémoire est un contenu, et que cette mémoire n’existe qu’à travers les corps, donc les têtes sont primordiales là-dessus. Les masques africains m’inspirent aussi énormément. Les vrais masques sont pour moi ceux qui ont été pensés autrement, pour avoir une pérennité ou même interpeller le futur. Les arts premiers ont nourri la modernité. Toutes les cultures liées à la nature, ont amené un type d’art synthétique, syncrétique, très direct qui perdure : elles ont vraiment une force qui traverse le temps. Pour moi, il s’agît d’œuvres de science-fiction. Les masques africains ou des masques traditionnels qu’on peut trouver dans certaines cultures européennes, ont une force qui m’émeut. Ils sont encore puissants, ils viennent d’un passé lointain mais ils ont une réelle portée contemporaine.
Le 16 septembre, à l’occasion de la Nocturne Rive Droite, vous intervenez lors d’une performance nommée “Rencontre avec le docteur Gilbert Petit et Mister Mazout” inspirée des arts divinatoires d’Afrique noire. En attendant, rendez-vous jeudi 10 pour le vernissage de l’exposition.
Plus d’informations sur Gilbert Petit sur son site internet
Propos recueillis par Violagemma Migliorini
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