Friedrich Von Kirchbach : “Notre vocation est de créer de l’espace pour développer le meilleur de chacun”
Nous avons le plaisir de rencontrer aujourd’hui Friedrich Von Kirchbach. Économiste, amateur d’art ou encore châtelain ; nous découvrons par-dessous tout un homme au profond dévouement pour l’être humain et ses cultures.
Vous avez un parcours plutôt atypique, parlez-nous de votre passé professionnel.
Je suis économiste de formation et j’ai travaillé durant trente ans dans le Centre du Commerce International lié à l’Organisation Mondiale du Commerce à Genève. J’ai beaucoup aimé ces années car elles m’ont permis de combiner mon engagement pour le développement et l’entrepreneuriat. J’ai développé des bases de données qui sont désormais utilisées par des millions de personnes dans le monde. Cette expérience a été très enrichissante car ce n’était pas une approche technocrate mais plutôt des rencontres humaines et des liens.
Comment vous est venu cet amour pour les diverses cultures du monde ?
J’ai eu l’occasion de travailler dans divers pays du monde, notamment pour mon doctorat où j’ai passé beaucoup de temps en Asie du sud-est. Je suis tombé amoureux de cette région et j’ai trouvé un prétexte pour y rester pendant dix ans. Mes trente ans au Centre du Commerce International m’ont permis de rencontrer des personnes issues de tous les continents et des dizaines de cultures. Je pense que l’on apprend beaucoup sur d’autres pays en voyageant mais nous en découvrons encore plus sur nous-même et c’est là où notre curiosité est éveillée. Ces rencontres sont tellement valorisantes et gratifiantes. Je suis donc convaincu que pour comprendre le monde il existe plusieurs façons : il y a la lecture analytique et la lecture culturelle. C’est avec cette vision analytique que j’ai pu gagner ma vie mais c’est l’approche culturelle qui nous enseigne le plus.
De l’Organisation Mondiale du Commerce à votre association culturelle “Les Amis de la Garde”, quel a été l’élément déclencheur de ce revirement ?
Ma femme Margareta et moi avions cette idée d’un centre culturel ; nous avons alors commencé nos recherches. J’ai toujours adoré ma profession mais j’ai voulu découvrir un autre domaine avec les compétences acquises au fil des années. Dans chaque métier nous acquerrons des compétences telles que la persévérance ou encore la capacité de communication et cela nous spécialise dans un domaine en particulier. Je pense au contraire que chaque qualification est transférable dans un autre domaine et ouvre une multitude de possibilités.
Vous êtes propriétaire du Domaine de La Garde à Bourg-en-Bresse depuis 2014. Quel lien entretenez-vous avec ce château ? Pourquoi avoir choisi précisément celui-ci ?
Nous avons cherché pendant trois ans et j’ai découvert par hasard ce domaine dont nous sommes tous les deux tombés amoureux. C’est un endroit qui donne de l’espace sans être ostentatoire. Nous ne cherchions pas quelque chose d’impressionnant mais surtout un lieu propice à la création artistique. Nous avons passé six ans à le rénover en transformant les écuries en salles de concerts ou en créant des sentiers de sculptures par exemple. Notre ambition est de ne laisser aucune parcelle abandonnée.
Par ailleurs, la réhabilitation de ce château est une façon de faire honneur à ma famille qui a été expropriée de son château en Allemagne de l’est pendant la libération d’après-guerre.
Pouvez-vous nous parler de votre centre culturel et de l’association ? Quelles sont leur vocation, leurs valeurs ?
Nous sommes heureux ; après six ans de dur labeur ; d’accueillir des artistes de différents secteurs de la culture. Nous adaptons nos activités à la programmation culturelle mondiale (journée internationale du yoga, journées européennes du patrimoine…). Nous proposons des activités qui nous touchent mais toujours à but non lucratif. Contre toute attente nous avons eu plus de 10 000 visiteurs présents à nos événements ces dernières années. Nous avons collaboré avec la ville, des associations, des artistes et chaque année de nouvelles perspectives et initiatives se mettent en marche. La valeur qui lie l’ensemble de nos activités est la culture engagée.
Par ailleurs, nous sommes un couple immigrant en France ce qui nous conforte dans l’idée de développer des activités sur les cultures du monde. Nous avons eu une exposition sur la culture turque, des projets avec des réfugiés et encore beaucoup d’autres. Le but est de valoriser le travail des personnes étrangères. Nous privilégions aussi des activités pour les enfants afin de rendre ludiques les visites du patrimoine français. La découverte est un élément très important pour l’ouverture des jeunes au monde.
L’association “Les Amis de La Garde” a été créée il y a cinq ans et compte aujourd’hui plus de 300 membres. Cette fidélisation nous permet d’organiser nos événements avec peu d’investissement financier. L’association et le centre culturel nous permettent d’organiser des rencontres ainsi que des moments culturels qui nous comblent de bonheur.
En ces périodes successives de confinement ainsi que les nombreuses mesures sanitaires, comment maintenez-vous la programmation artistique ?
Nous avons travaillé étroitement avec la mairie afin de continuer notre activité tout en respectant les mesures sanitaires. Le jour du déconfinement a d’ailleurs été célébré au domaine en toute sécurité ! Nous avons une volonté irrésistible de ne pas devenir négatifs. Nous avons adapté nos événements à cette crise. Notre marché de Noël aura lieu de manière virtuelle et nous avons aussi créé une série de musiques… Tout a été repensé car nous ne voulons pas tomber dans la résignation.
Avez-vous des projets en cours ou dans le futur ?
Nous avons un projet en cours qui se nomme Art et Arbre. L’idée est celle de la découverte de la nature en dialoguant avec les arbres du domaine. Pour chaque type d’arbre existe de la musique, des tableaux, des poèmes. Nous avons alors décidé de mettre des QR Codes dans nos arbres ce qui nous permettra d’écouter par exemple du Joubert dans les tilleuls. Ce projet regroupera des spécialistes internationaux dans divers arts. Cela permettra aux gens de découvrir l’art à travers la nature.
Nous allons aussi présenter une exposition sur les charmes d’Asie qui aura pour objectif de montrer la richesse culturelle et les traditions de ce continent.
Nous voulons continuer dans cette dynamique de co-création en organisant des événements de haute qualité, sans grand budget afin de réunir de nombreuses personnes dans ce partage. Notre vocation est de créer de l’espace pour développer le meilleur de chacun. Nous pouvons faire de très belles choses sans avoir une multitude de diplômes, l’important est d’avoir la bonne attitude.
Retrouvez le site du domaine de La Garde en cliquant sur ce lien
Interview réalisée par Eléonore Prunevieille
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