Frans Krajcberg : un artiste engagé au service de la nature
À l’heure où l’Amazonie est en grand danger, son “Cri de révolte” aujourd’hui hélas, résonne plus fort que jamais. Frans Krajcberg alerte le monde sur la déforestation massive de l’Amazonie et ses conséquences dès les années 70. Pendant plus de 40 ans, il s’est battu sans relâche contre la destruction de la nature, dédiant son art au service de cette cause.
Né en Pologne en 1921, dans une famille juive, il perd tout pendant la guerre et émigre au Brésil où, fasciné par la richesse de la faune et de la flore, il crée sans relâche. La beauté de la nature qui l’entoure lui redonne le goût de vivre. Très tôt, il défend corps et âme cette nature menacée, dont les incendies volontaires ravivent sans cesse chez lui la blessure de la Shoah.
Ses liens avec Paris demeurent très puissants : c’est là qu’il trouve refuge parmi les artistes de Montparnasse. C’est de là qu’il part au Brésil, poussé par Marc Chagall et Fernand Léger. Il revient travailler à Paris dans les années 1960, pour exposer dans les galeries et musées prestigieux de l’époque (galerie XXe siècle, Musée d’art moderne…). Il y sera reconnu en tant qu’artiste brésilien au service de la nature, en étant le premier à exposer, en 1975, au Centre Georges Pompidou.
Dès les années 70, Krajcberg s’engage complètement dans la défense de la forêt amazonienne. D’abord grâce à la photographie, il se fait reporter et commence à photographier la destruction, les feux, les incendiaires… ce qui lui vaut évidemment des menaces de mort. En effet, en 1975, il était absolument impossible de se défendre contre les propriétaires terriens qui avaient tous les pouvoirs au Brésil. Krajcberg devient donc l’ennemi de tous ces gens-là et récupère les arbres brûlés de la forêt amazonienne pour leur donner une deuxième vie sous forme d’œuvre, qu’il appellera des révoltes. En les retravaillant, en intervenant avec des pigments rouges le plus souvent pour montrer le sang, et en érigeant sous forme de totem de plus de 5mètres de haut des lianes tordues. Des œuvres d’art qui ressemblent parfois même à des danseuses.
Entre totems et empreintes, l’art de Krajcberg est totalement original. Il utilise des éléments naturels, l’eau, la terre, les pigments, le bois, tout ce qui fait la beauté de la nature. Mais de par sa culture juive dont les fondements sont la mémoire et la transmission, il était fondamental que ses œuvres soient pérennes et montrer la beauté de la nature de génération en génération.
En 2003 est créée l’association “Les amis Frans Krajcberg” située au 21 rue du Maine dans le XVe arrondissement de Paris, là où il y avait l’atelier de Krajcberg et là où se trouve l’espace Frans Krajcberg. Leur mission étant à la fois de présenter les œuvres dont il a fait une donation à la ville de Paris et également de défendre et de promouvoir son discours sur l’environnement.
À la mort de Krajcberg en 2017, l’espace s’est agrandit en créant le centre d’art contemporain “art et nature”. Grâce à l’acquisition d’un espace supplémentaire de 90 m² il est possible d’accueillir des artistes qui travaillent sur des thèmes en harmonie de la défense de l’environnement, de la nature et en particulier de la forêt amazonienne. Sont exposés des artistes connus et d’autres moins connus, les plus connus étant Sébastien Salgado et Yann Arthus Bertrand. Sont également invités, par appel à projets, des jeunes artistes toujours sur le thème art et nature.
L’exposition actuelle « 1975-2000 le militant » montre des photos tragiquement merveilleuses qui n’ont jamais été montrées, réalisées par Krajcberg sur la destruction de la forêt amazonienne avec une scénographie tout à fait originale et particulière. Avec cette exposition, Krajcberg est donc inscrit dans une dynamique de militance avec des textes qui nous amènent à mieux comprendre cette période qui aboutit dès l’an 2000 à une reconnaissance internationale.
On parle beaucoup de Krajcberg comme l’art de voir, c’est un homme qui voyait la nature et la beauté de la nature. Il disait que tout était dans la nature, que l’homme n’avait rien inventé dans l’esthétique. Il ne fallait pas parler de lui comme un sculpteur ou un artiste, c’était un militant pour la défense de la nature et évidemment des indiens. Sa conscience des enjeux environnementaux fait de lui le précurseur d’un mouvement artistique contemporain au service de la planète.
S’il nous a quittés en 2017, son œuvre reste. Face au dérèglement climatique et à ses conséquences dramatiques, elle garde toute sa force. Ses sculptures faites de troncs et de lianes calcinés se dressent vers le ciel comme un cri à la dimension universelle et planétaire. Aujourd’hui, l’œuvre continue et perpétue le combat de l’artiste.
La nouvelle exposition de l’Espace Krajcberg Frans Krajcberg le militant est ouverte du 12 janvier au 22 avril 2023
Anna Darmon
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