FIAC 2012
Se rendre à la FIAC c’est rechercher des propositions. C’est l’envie d’aller voir ce qui se passe au cœur de la création artistique afin d’y trouver des innovations plastiques et culturels.
Au milieu de toutes ces propositions, je cherche évidemment un conglomérat de tendances. Je cherche les surprises. 182 galeries, c’est forcément la possibilité d’être surprise.
Somme toute, après quelques déambulations, une même impression se détache et me frappe : l’humeur ambiante n’est pas au rire, l’humeur ambiante n’est pas à la légèreté, l’humeur ambiante n’est pas au discours fort.
Est-ce la crise ??? Encore et toujours cette maudite crise ??? Oui. Non. Peut être. Je crois qu’il s’agit surtout de regarder aujourd’hui vers ce manque flagrant d’envie, de prise de risque. Comme un manque de souffle intérieur. Comme si le but n’était plus de dire… Le mot d’ordre annoncé et assumé était bien celui-ci : le désenchantement du monde.
Non, l’humeur ambiante n’est pas au rire, non, l’humeur n’est pas à la légèreté. Et pourtant, le discours lui est neutre.
J’ai comme l’impression qu’il va manquer de ce supplément d’âme qui attise les cœurs et fait vibrer les foules.
Entre minimalisme ou abondance, retour au passé ou éléments de réflexion plus poussé, il y a une forme de déshumanisation de la figure humaine, une volonté de déconstruire, de décomposer, encore et toujours, voire même plus que jamais cette volonté désarmante de vouloir encore désacraliser la notion d’œuvre d’art. Rien de neuf donc.
Des collages aux tissus arrachés en lambeaux en passant par les toiles déchirées, les supports scarifiés, au retour grandiloquent de la sculpture, il y a une sorte d’épuration du matériau, une forme de neutralité de la couleur au cœur d’un discours qui ne heurte pas, témoin de cette création contemporaine faisant dans la nuance et dans la dentelle.
Il y a cette question chez Gavin Browse’s Entreprise « Demain est la question », il y a la notion de transformation de l’être chez Fabien Merelle, présenté par Praz Delavallade Gallery, qui reprend les codes des Métamorphoses d’Ovide. Pour la galerie Lelong, Hans Peter Feldmann raille gentiment le passé en faisant un nez rouge à un portrait de primitif flamand. Chez Dvir Gallery, il n’y a que de la déconstruction avec ses artistes israëliens réfléchissant à la figure de l’Homme dans une création toute post-moderniste.
Mais partout, cette représentation du monde à la fois humaine et inanimée, comme sans âme.
Soudain je tombe sur un Viallat. Ferait-il encore recette ??? Parce que oui, au travers des stands, les valeurs sûres de l’art moderne sont toujours érigés au rang d’incontournables avec les Picasso, Léger et autres Spoeri. Tout comme les grands noms du marché contemporain : Thaddaeus Ropac, Daniel Templon ou encore Gagosian présentent Kapoor, Garouste ou Murakami.
Bien sûr il y a les exceptions, aussi, comme chez Contemporary Fine Art qui proposait les travaux de Gert & Uwe Tobias, sorte de Jérôme Bosh à la sauce XXIème siècle, dans une vision toute eschatologique de fin des temps, très parlante, électrisante.
Mais, personnellement, je retiendrai l’intéressante production asiatique, comme toujours finalement. Avec cette manière discrète de se faire l’écho de revendications sous-jacentes d’un peuple muselé, d’une société au prise entre ouverture et repli. Dans ces pays où la contestations n’est pas libre, l’art y est tout en finesse, moins frontal et brutal qu’ailleurs avec des artistes qui avancent vite. Mon coup de cœur va aux artistes coréens Ki-bong Rhee et Kimsooja pour la galerie Kukje de Séoul. J’y vois un dépassement des codes, des influences, une volonté de dire, de faire, d’aller plus loin. Eux sont les témoins de la vitalité du changement dans leurs pays, non dénué de dommages collatéraux, et le font savoir, avec vivacité, douceur, dans un langage poétique tout évanescent. On y retrouve quelque chose de plus humain, de plus humble. J’y ai retrouvé ce supplément d’âme perdu au travers des autres allées.
Mais j’ai tout de même fini par rire avec un certain Ernst T., qui présentait une acrylique sur toile intitulée Paroles d’experts sur laquelle on peut lire, en grands caractères : « Achetez très cher aujourd’hui ce qui ne vaudra plus un rond dans vingt ans ». Voici un excellent investissement !!!
Et pourtant, ce fût un très bon cru et en matière de visiteurs et en matière de recette. Les galeristes s’affichent très satisfait et c’est tant mieux.
Alors que pourrait-on dire finalement. Raisonnable, sure, sage, un peu fermé et renfermé, sans surprises ni revendications, parce que attention à ne surtout pas choquer en ces temps difficiles où il est préférable de séduire avec des gants de velours, parce qu’il est préférable de faire profil bas, mais qui colle avec son temps, le visage de la FIAC version 2012 se trouve peut être là : à l’heure de l’incertitude ambiante, faut-il investir dans des artistes tout juste sorti du nid dont l’historique remonte à quelques années seulement ?, comme si, au bout du compte, c’était Viallat qui se vendait le mieux.
Anne-Lise Charache
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A découvrir sur Artistik Rezo :
– La Semaine de l’Art contemporain 2012
– Bilan de la FIAC 2012
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