Ferdinando Scianna – La Géométrie et la Passion – MEP
Dans le temple parisien de la photographie, Ferdinando Scianna ouvre le bal de son exposition avec le thème qui l’a révélé : les fêtes religieuses siciliennes (publication de Feste religiose in Sicilia, à 21 ans). L’Italien s’attarde sur la beauté transcendante des mises en scène cérémonielles et leur ferveur populaire, baignée par un admirable travail de lumière. Lors de la fête de San’Alfio (Sicile), en 1963, l’artiste réalise le cliché quasi-liturgique d’un enfant nu, en culotte blanche, une croix en pendentif sur le torse. Porté par plusieurs femmes, étendu, la tête en arrière, les côtes saillantes, il offre sa main droite ouverte vers le ciel, alors qu’un ecclésiastique agrippe son bras droit.
Un temps reporter de presse, Ferdinando Scianna parcourt le globe (Mali, Argentine, Inde, Liban…), en rapportant des images en guise de témoins. Il explique ainsi dans une vidéo sa vision – proche de Henri Cartier-Bresson – de la photographie, qui « montre mais ne démontre pas ». Ses œuvres s’appréhendent au premier degré, sans message existentiel sous-jacent. Puis vient le glissement vers la mode. Une commande pour Dolce & Gabbana, suivie de la rencontre décisive avec « Marpessa ». La Mep accueille un magnifique portrait de la muse : le jeune mannequin pose légèrement, nonchalamment, les doigts de la main droite affleurant sa nuque, les sourcils légèrement froncés sur un regard clair et magnétique, telle une Joconde argentique.
Pleine de grâce
D’autres clichés poursuivent l’évolution au cœur du monde de la haute-couture. Avec les défilés de Christian Lacroix ou encore de Jean-Paul Gaultier. Un tirage montre l’ambiance particulière des coulisses : de jeunes filles drapées de voiles et parées de bijoux s’ébattent dans une farandole insouciante. Instant d’allégresse, presque musical, d’une jouissance intemporelle ; autre style, plutôt dolce vita : deux modèles, masculin et féminin, posés sur des chaises, en pleine rue de Cefalu (Sicile). Mais, déjà, l’égérie du photographe attire à nouveau le regard.
Deux clichés siciliens de 1987 se rejoignent. Dans le premier, à Palerme, un boucher en blouse blanche, le visage bourru, courbé sous le poids du fardeau de chair sur ses épaules, côtoie Marpessa en tunique claire très près du corps, le menton relevé d’un air hautain et le visage placide, comme sculpté de marbre. Dans le second, à Caltagirone, la même Marpessa, vêtue d’une robe sombre, prend la pose grossièrement, mais avec une moue empruntée, pleine de grâce, pour un petit garçon qui la photographie avec emphase, à l’aide d’un appareil imaginaire. Alors que derrière elle, son ombre semble la singer sur le mur décrépi.
Il y a, dans l’œuvre de Ferdinando Scianna, beaucoup de tendresse, d’abandon et de grandeur. Les multiples inspirations du photographe assurent de surcroît la diversité de l’exposition.
Cyril Masurel
Ferdinando Scianna – La Géométrie et la Passion
Jusqu’au 11 octobre 2009
Du mercredi au dimanche, de 11h à 19h45
Tarifs : 6,50 €, tarif réduit 3,50 €
Maison Européenne de la Photographie
5/7, rue de Fourcy – 75004 Paris
M° Saint-Paul ou Pont Marie
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