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Exposition « Portraits » à la Galerie de l’Art Singulier

Matthieu Péronnet 12 novembre 2018
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Sans titre (détail), crayon sur papier, Souleymane Tall © La Galerie de l'Art Singulier

Du 9 novembre au 22 décembre 2018, la Galerie de l’Art Singulier expose une sélection de portraits et d’autoportraits, autant de regards croisés réalisés par quatre artistes autistes sur les autres et sur eux-mêmes.

 

Sans titre (autoportrait), crayon sur papier, Raphaël Dana © La Galerie de l’Art Singulier


Des artistes autistes se dévoilent dans l’art du portrait

Le portrait se doit-il d’être une représentation fidèle à son modèle ? Voila une question que ne se posent apparemment pas les quatre artistes exposés : Aminata Dembele, Souleymane Tall, Raphaël Dana et Simon Fong. Leurs particularités : « être » artiste et autiste ; se côtoyer dans le centre d’accueil de jour pour adultes voisin de la galerie. Leur point commun, pour autant que cela en soit un, s’arrête là.

Comment peut-on représenter l’autre, quand on éprouve des difficultés à s’intéresser à lui, à se rendre compte de sa présence et en retour à soutenir son regard ? Tous les quatre apportent des réponses artistiques différentes et qui, à défaut de pouvoir toujours être expliquées, interpellent.

Aminata Dembele réalise des portraits de groupe des personnes qui l’accompagnent au quotidien, éducatrices et ergothérapeutes. Ses aquarelles ne présentent pas de volonté de différencier les visages et les corps, qui tous présentent l’élégance et la fluidité de mannequins de mode. C’est l’inscription de leur prénom à côté de leur représentation qui leur donne chair et semble révéler leur beauté intérieure.

Souleymane Tall dessine habituellement des animaux fantastiques et des scènes fantasmagoriques. Lorsqu’il s’essaie au portrait, il imagine des personnes possiblement existantes. Elles ont un prénom, un nom et une date de naissance… mais inventées. Si on l’interroge sur ces personnes, il répondra probablement, un peu énervé, que tout se trouve sur internet (ce qui ne se vérifie pas).

Raphaël Dana revendique son droit d’artiste à représenter ce qu’il veut. Ses portraits, tous des proches, sont en apparence enfantins et identiques, mais ils trouvent leur personnalité dans un subtil jeu de cloisonnement des formes et des couleurs réalisé au crayon.

Simon Fong réalise des portraits sur son Ipad, qu’il laisse le soin à d’autres d’imprimer. Sa galerie de portraits représente des co-pensionnaires du centre d’accueil de jour, parmi lesquels on peut reconnaître d’autres artistes exposés par la galerie. Malgré un apparent mimétisme, il possède une force de trait qui confère une personnalité à chacun.

Sans titre, aquarelle et gouache sur papier, Aminata Dembélé © La Galerie de l’Art Singulier

Une vision inédite et singulière

Les quatre artistes ont pour point commun de ne pas se mettre au service d’une représentation mimétique, copie conforme du modèle. Ils s’affranchissent des règles relatives aux proportions, à l’anatomie du visage, à la vraisemblance, pour exprimer une vision renversée : qu’ils soient fantasmés, idéalisés ou hommages, leurs portraits révèlent une bienveillance intérieure qui transcende l’apparence extérieure.
 Un détail quand même, qui n’en est pas un : tous ces portraits – ou autoportraits – regardent le spectateur que nous sommes dans les yeux… sans que jamais ne semble transparaître le voile d’un jugement.

Renforçant ce rapport à l’humain, les portraits sont par ailleurs généralement dépourvus de fond ou de décor d’arrière-plan.

 Les techniques utilisées sont également surprenantes : aquarelles dépourvues d’académisme d’Aminata Dembele, dessins sur Ipad de Simon Fong, touche séquencée de crayons de couleurs de Raphaël Dana ou pastels de Souleymane Tall.

Que dire enfin des autoportraits exposés ? Se peindre soi-même n’est jamais anodin, encore moins quand l’autisme modifie la perception à l’autre.
Trois des quatre artistes s’y sont pourtant essayés : Aminata Dembele se représente aux côtés de ses accompagnatrices, singulièrement plus petite (ce n’est pas le cas dans la réalité) et plus effacée (l’aquarelle sur son visage est diluée). Raphaël Dana s’imagine à l’image de ses proches, sans caractère distinctif particulier. Enfin, Simon Fong s’autoportraitise souvent et se mêle à la galerie de ses congénères.

Regard sur l’autre, regard sur soi, chacun des quatre artistes parvient au final à soutenir notre regard, à affirmer sa différence et à imposer sa perception de l’autre. La surprise de l’esthétique, des émotions ou encore de la force expressive témoigne également de la grande créativité de ces artistes.

Sans titre(s), dessins sur Ipad (impression sur papier Fine Art), Simon Fong © La Galerie de l’Art Singulier

À propos de la Galerie de l’Art Singulier et d’AFG Autisme

La Galerie de l’Art Singulier est née en juin 2018 de la volonté de mettre en avant la production artistique des personnes autistes de l’association AFG Autisme dans ses formes les plus diverses : peintures, dessins, sculpture, etc. La galerie entend présenter et défendre les créations de ces personnes tout en les confrontant à la création contemporaine et au regard porté par la société sur ces œuvres dites d’art « brut » ou « singulier ».
Avec « Portraits », elle présente aujourd’hui sa 3exposition.

Depuis la création des Colombages, centre d’accueil de jour pour personnes adultes autistes, AFG Autisme place la créativité et les activités artistiques au centre de leur démarche. Ces activités, à la fois artistiques et formatrices, basée sur la création libre, constituent un outil important de progression en communication pour les personnes autistes. L’ouverture de la galerie s’inscrit dans cette voie et permet de continuer à favoriser l’accès aux diverses activités artistiques et valoriser l’expression artistique des personnes autistes.

Matthieu Péronnet

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