Ethan Levitas – Galerie Polka
Deux ans après sa très remarquée série de photographies « Untitled/ This is just to say » aux Rencontres d’Arles, sur le métro aérien new-yorkais, le nouveau projet d’Ethan Levitas, « In Advance of a Broken Arm », témoigne à travers des portraits d’agents de la NYPD – la police new-yorkaise – d’une Amérique traumatisée, encline à la méfiance et à la peur, où le photographe est désormais assimilé à un « public enemy ».
La NYPD et les « incidents »
Incident report n°41 – « Photograph of the officier who will not say a word, because of this photograph » ou « photographie de l’officier qui ne dira pas un mot, à cause de cette photographie » : pour Ethan Levitas, chaque cliché est un incident, dont il tient lui-même à donner un titre. Un incident car il arrive qu’une prise de vue donne lieu à une contravention, voire àune invitation à se justifier dans un commissariat de police. Non seulement depuis le Patriot Act, l’espace public américain est circonscrit dans un périmètre de surveillance constante, mais tout acte de photographie des agents chargés d’en assurer la sécurité devient un geste suspect, susceptible de porter atteinte à la sûreté du territoire américain.
Ethan Levitas décide malgré tout de passer outre ce climat, et même d’en jouer. De la police de la légende de chaque photo, si particulière (le photographe a tenu à reproduire la police utilisée dans les rapports écrits dans les commissariats) jusqu’à l’intitulé de celle-ci, tout doit en retracer le plus fidèlement possible l’histoire.
Inoffensifs objets souvenirs
Par exemple, en dessous de ce cliché montrant une femme policier sur le qui-vive face à l’objectif, immobile, silencieuse, mais dans une pose qui ne cache rien de son hostilité au geste du photographe, on peut lire une conclusion : « A cause de cette photographie ». C’est l’expression qu’utilise à chaque fois Ethan Levitas pour expliquer pourquoi un agent de la NYPD refuse de lui adresser la parole, l’arrête pour le questionner, ou bien lui interdit tout simplement de prendre un autre cliché.
Résultat, derrière chaque photographie qui dénonce une police new-yorkaise omniprésente, aux réactions d’auto-défense et de méfiance disproportionnées, se profile une analyse plus profonde sur l’essence même du photographe (met-il en danger la sécurité de la nation en utilisant son objectif?) et de son travail (en définitive qu’est-ce que la photographie? Pourquoi suscite-t-elle malaise et réactions hostiles?).
Au final, l’attitude des policiers new-yorkais tourne très vite à la farce. Car de façon paradoxale et ironique, ces mêmes policiers réfractaires à l’acte de photo-reportage, n’hésitent pas à poser fièrement à la demande et à côté des touristes, devenant comme par magie d’inoffensifs objets souvenirs épinglés dans un album-photos.
Avec cette neuvième exposition correspondant à sa neuvième édition, riche en regards et points de vue, la galerie Polka emmène à la découverte d’un monde riche de ses contrastes et contradictions : de l’univers new-yorkais hanté par la psychose des attentats, du glamour des « rocks-stars » créateurs de mode, au kaléidoscope des coutumes et des populations, illustrées par les images de corrida ou les portraits des femmes himbas de Namibie.
Roxane Ghislaine Pierre
In Advance of a Broken Arm – Ethan Levitas
Du 11 juin au 31 juillet 2010
Du mardi au samedi de 11h30 à 19h30
Entrée libre, sans réservation
Galerie Polka
12, rue Saint-Gilles
75003 Paris
Métro Chemin Vert
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