Diane Reyraud : “Je me suis rendu compte qu’il était temps de faire quelque chose de bien”
Auparavant éloignée des milieux social et culturel, Diane Reyraud fonde Act by Art en juin 2019, avec pour conviction de promouvoir le travail des artistes réfugiés.
Pouvez-vous vous présenter et exposer votre parcours ?
Je suis Diane Reyraud, j’ai 44 ans. J’ai fait une carrière dans des entreprises privées en occupant des postes très variés et dans différents groupes structurés : Bouygues, SFR… J’avais une fonction aux achats qui était assez intéressante car j’étais en interaction avec l’ensemble des autres fonctions, et j’ai un besoin de découvrir constamment de nouvelles choses. Je suis ensuite partie un an à l’étranger, puis je suis revenue en ayant envie de faire autre chose. J’ai alors travaillé un an en start-up. Mais au bout d’un an, je suis partie et j’ai fondé Act by Art.
Qu’est-ce qui vous a motivée à prendre ce virage dans votre vie professionnelle ?
J’ai toujours eu une soif de découverte, j’avais envie de me lancer dans l’entrepreneuriat mais je voulais le faire dans une démarche sociale et solidaire. Je fais partie d’une génération qui a profité de la planète, et je me suis rendu compte qu’il était temps de faire quelque chose de bien. En donnant des cours de français à des réfugiés, j’ai réalisé que je ne connaissais que très peu leur monde, et j’ai voulu faire quelque chose avec eux sur un projet sociétal. Je suis allée chercher dans mes appétences profondes, et l’art m’a toujours attirée. Je me suis alors dit que je voulais aller chercher des artistes qui étaient connus dans leurs pays, mais qui une fois arrivés en France, du fait de la méconnaissance de la langue et du manque de moyens, n’accèdent pas à leur métier d’origine.
En quoi consiste Act by Art ?
La raison d’être du projet est le changement de perception sur les personnes réfugiées, et ceci en créant des rencontres. Pour ce faire, on a premièrement voulu aider financièrement les artistes. Il y a des associations, notamment L’atelier des artistes en exil, qui font un travail magnifique en les aidant dans la partie administrative, et qui les aide à reprendre pied… Mais il n’y a pas de structure pour les aider financièrement. Nous avons donc créé Act by Art, une entreprise à vocation sociale et solidaire. Ce que l’on veut, c’est que les artistes réfugiés gagnent de l’argent : avoir 350-400 € par mois ça n’est pas assez pour payer un atelier, d’autant plus qu’ils vivent en général dans de très petites surfaces. Certains peignent là où ils vivent. On les réinsère donc sur le marché de l’art en les mettant en relation avec des galeries ou des entreprises, pour les faire connaître. On a voulu leur apporter un soutien financier, mais aussi leur donner de la visibilité. Ainsi, nous associons les entreprises à notre démarche et leur proposons des services artistiques.
Pourquoi avoir fait la démarche de vous tourner vers des organismes privés ?
On a fait le constat qu’il n’y avait pas beaucoup d’argent dans le domaine public : ni dans les associations, ni via les subventions. C’est pourquoi on a fait de Act by Art une société sociale et solidaire : nous reversons entre 50 et 70 % du montant de la vente d’œuvres aux artistes, et une partie de nos bénéfices à des associations. Si nous avions créé une association, nous n’aurions pas eu les moyens de faire tout cela ; le seul moyen de trouver de l’argent, c’est aussi le privé. C’est pour cette raison qu’on s’est tourné vers les entreprises, d’autant plus que mes associés et moi-même avons tous la connaissance du monde de l’entreprise. Nous sommes souvent bien accueillis en entreprise, car nous leur donnons la possibilité de faire quelque chose de bien à leur échelle. Ça peut aussi être un investissement financier, ou encore une possibilité de bénéficier de mécanismes de défiscalisation sur l’achat d’art ; même si pour l’instant, nos entreprises clientes n’ont pas fait appel à nous pour ces raisons.
Que proposez-vous aux entreprises ?
Nous proposons de la vente sur catalogue ou de la vente d’œuvre créée sur mesure ; ainsi que la réalisation d’œuvres collectives dans une démarche de “team building”, où l’artiste est le directeur artistique, avec une aide dans l’animation, certains ne parlant pas bien français. Nous proposons aussi des conférences d’artistes car leurs vies sont très similaires à celles des employés : ils connaissent la résilience, la créativité, etc. Nous voulons également trouver des résidences pour les artistes : il suffit d’une salle de réunion dédiée à un artiste pour qu’il ait son espace, puisse rencontrer des collaborateurs… Pour la vente d’œuvre sur mesure par exemple, notre dernier client en date, Eleos Conseil (agence immobilière du 20e arrondissement de Paris), a fait appel à l’artiste vénézuélien Luis Acosta. On leur a proposé d’aller chercher quelque chose dans l’histoire du quartier ou dans leur histoire, qu’ils souhaitaient faire connaître à leurs clients. Nous avons alors découvert qu’il existait auparavant des regards qui alimentaient tout le nord de Paris en eau, qui ne sont malheureusement pas du tout connus. Luis a donc peint le 20e arrondissement avec des rues inondées.
Avez-vous des projets pour le futur proche ?
En septembre, nous voulons faire un événement avec Eleos Conseil, leurs clients et la mairie du 20e arrondissement, pour mettre en valeur Luis Acosta en tant qu’artiste, ainsi que ces regards qui tombent dans l’oubli. Nous considérons que la rencontre est essentielle. Nous avons également un projet avec Atrium Gestion à Asnières, qui a choisi une artiste qui n’est pas réfugiée mais dont l’œuvre est basée sur les réfugiés ; à la suite de ce projet, nous ferons également un événement.
Plus d’informations sur le site internet de Act by Art.
Propos recueillis par Chloé Vallot
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