Demian : “Ma seule limite, c’est moi-même”
Rencontre avec un jeune artiste, Luca Nuel aka Demian, un poète qui touche à tout. Il nous fait découvrir sa peinture et nous parle de ses inspirations.
Quelle est ton histoire avec la peinture ?
J’ai commencé à créer à 17 ans, quand j’ai commencé à écrire des poèmes. J’écrivais tous les jours pour me vider la tête. J’étais frustré. Je faisais des études de commerce, je me suis rendu compte pendant mes études que je n’avais pas l’impression de réaliser des choses dans ma vie. Je n’arrivais pas à m’exprimer. J’ai attrapé une pneumonie et pendant quatre mois, j’étais vraiment au fond du gouffre. Je n’arrivais pas à sortir de cette maladie qui me fatiguait beaucoup. Le seul moyen d’extérioriser c’était de dessiner à côté de mes poèmes. J’ai commencé sur des feuilles bristols avec des feutres à alcool. Je dessine encore beaucoup comme ça. Je suis sorti de la maladie. J’ai continué, je ne me suis pas arrêté.
Écris-tu toujours des poèmes ?
Oui mais c’est beaucoup plus rare, le dessin prend tout mon temps. Quand je fais un dessin qui m’inspire vraiment beaucoup, j’essaie d’écrire un poème qui va avec le dessin. Je n’ai pas encore publié les poèmes. Ils sont plus personnels, plus explicites. Pour le moment, je veux garder ça pour moi. C’est un vrai travail sur soi-même, une sorte de catharsis.
Pourquoi fais-tu presque uniquement des visages ?
Le visage est un support d’émotions. Ce qu’on regarde en premier chez une personne ce sont ses yeux, sa bouche, son visage dans son ensemble. À travers le visage, je veux souligner à quel point les émotions sont compliquées. J’ai envie de montrer qu’une émotion peut en cacher une autre, c’est beaucoup de réflexion autour des émotions. Aujourd’hui dans notre société on montre beaucoup, mais pas nos émotions. Je veux les faire ressortir.
As-tu besoin de technique pour réaliser tes dessins ?
Il n’y a pas technique particulière, j’ai appris sur le tas en aimant ce que je faisais. Avant que je dessine, je n’avais presque jamais dessiné. J’ai eu la chance d’avoir un style assez défini. Puis j’ai acquis de la technique à force de dessiner. Au-delà de ça, j’ai aussi suivi des cours de nus, pour les proportions, les corps et les visages. Dans le futur, je vais sûrement prendre des cours un peu plus poussés de technique, pour toucher à de nouvelles choses. Je pense que la technique est très importante mais qu’on peut s’en passer. L’art pour moi n’a aucune limite, quand j’ai commencé à dessiner je me disais que ma seule limite, c’était moi-même.
Quels artistes t’inspirent dans ton travail ?
Georges Condo m’inspire beaucoup. Je trouve très intéressantes toutes les branches de l’expressionniste, comme le mouvement du Cavalier bleu ou encore Die Brücke. Il y a aussi l’expressionniste abstrait comme l’action painting. J’aime beaucoup créer des tableaux avec une double lecture, avec des aplats de couleurs. Quand on s’en approche, on pourrait presque voir une peinture abstraite et quand on prend du recul, on voit un visage. Je trouve intéressant d’envoyer un message par des formes et des couleurs. En termes d’émotions pures, je dois citer les films Ghibli de Hayao Miyazaki. C’est une ambiance assez particulière avec des messages forts.
Qu’est-ce que tu as envie de faire pour développer ton travail, ta peinture ?
J’ai envie de continuer à aimer. Je n’ai pas envie d’avoir de pression. Je ne vais pas arrêter mon école, ce serait prendre beaucoup de risques. J’ai peur d’avoir uniquement ma peinture comme source de revenus ou comme activité, et que ça me pompe mon inspiration. Je travaille mieux quand je rentre des cours ou d’une sortie avec mes amis. Je fais ça pour me vider la tête. J’ai déjà été contacté par une galerie d’art, c’est positif. Si dans le futur je pouvais vivre de ma passion, ce serait incroyable.
As-tu envie d’être exposé en galerie ?
Encore aujourd’hui quand on me demande combien je vends mes dessins, ça me fait extrêmement plaisir mais ça me met mal à l’aise. J’ai beaucoup de mal à m’en séparer. Je fais ça par pur plaisir. Un artiste ne crée pas pour vendre. Mais s’il veut en vivre, il est obligé d’en vendre un peu. Quand je parle avec des amis, ils se disent que c’est un travail de paresseux. Mais non, c’est un travail de tous les jours, il faut s’améliorer, se réinventer.
Comment as-tu vécu le confinement ?
Pendant la période de confinement je ne me suis pas arrêté, j’ai vu ça comme une opportunité pour créer. C’est la première fois de ma vie que j’étais confronté à deux mois où il fallait que je trouve quelque chose à faire de mon temps. Je me suis dit que c’était le bon moment pour dessiner, moi qui me plaignais de ne jamais avoir le temps de le faire. C’était le moment idéal pour faire des toiles, j’ai pris beaucoup de plaisir. Mais ça pouvait être anxiogène, de ne pas avoir de l’inspiration à tout instant. En deux ou trois mois, j’ai dessiné plus de dix toiles et retapé des portes parce que je n’avais plus de toiles.
As-tu des envies artistiques, des projets pour le futur ?
Actuellement je suis un peu dans une période sans inspiration, j’ai tout ressorti pendant le confinement. Je vais me faire une petite pause. Je dessine un peu moins, je vais travailler et monter mon site internet pour commencer à vendre. Il sera prêt pour la rentrée, je ne me mets pas la pression, je veux quelque chose de simple. Chaque chose en son temps. Je sais que j’ai le temps, je suis encore jeune. Je sais aussi que pour réussir, c’est du travail. Il y a toujours des moments d’incertitude. Les réseaux sociaux poussent toujours à publier plus, en tant qu’artiste on ne peut pas publier tout le temps. J’essaie de m’en détacher aussi. Je prends un peu mes distances avec tout ça et essaie de me ressourcer, de revenir à l’essentiel.
Retrouvez le travail de Demian sur Instagram.
Propos recueillis par Pauline Chabert
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