David Ferreira : “Jouer avec les couleurs, c’est comme composer une musique”
Rencontre avec David Ferreira, qui réinvente la figure de Toto dans l’art contemporain. Entre couleurs et traits, Toto nous entraîne dans un univers naïf et coloré. David Ferreira nous parle ici de ses débuts et de ses créations.
Comment vous est venue l’envie de peindre ?
Je dessine depuis tout petit, mon père faisait de la sculpture en bois et ma mère de la peinture. Enfant, j’ai toujours fait des dessins et de la peinture. Je venais d’un milieu ouvrier, c’était compliqué de faire des études artistiques. Je suis donc parti en formation en dessin de bâtiment. À mes vingt ans, mes copains m’ont offert toute la panoplie du petit Picasso. C’est là que j’ai peint mes premières toiles. C’était juste une passion pour moi et pour mes amis. Grâce au bouche-à-oreille, un galeriste a mis l’une de mes toiles en vitrine. Il a vendu mon tableau en deux jours. J’étais géomètre en même temps, j’avais un boulot tout en pratiquant ma passion. J’ai commencé à faire des expositions, puis c’est allé assez vite, j’ai eu des propositions d’expositions à l’étranger. J’ai démissionné à 25 ans pour pouvoir faire de ma passion mon métier. Je me suis lancé dans l’aventure et depuis, ça ne s’est jamais arrêté.
Vous êtes un artiste autodidacte, comment vos proches ont-ils accepté votre choix ?
À mon travail, on me disait que ce n’était pas un métier. J’ai lâché mon job en sachant déjà que ça marchait bien. Quand j’étais encore géomètre, je peignais la nuit. Je faisais deux choses à la fois et je ne peux pas faire deux choses à la fois, je suis assez carré. Je suis un gros travailleur, autant dans la peinture que dans mon travail. C’était compliqué pour moi d’allier les deux. À partir du moment où j’ai eu tout mon temps libre pour faire ce que j’aimais, c’était super.
Quel est votre processus pour peindre une toile ?
Je fais beaucoup de croquis sur mon téléphone. J’ai deux univers, dont un univers avec des lignes, les codes-barres, qui est le fil conducteur de mes créations. C’est ce que je travaille dès le début. Pour ça je n’ai pas besoin de croquis car je sais déjà ce que je vais faire. Ensuite, il y a la figuration avec l’univers de Toto qui est le plus important et là, le croquis m’aide.
Pouvez-vous nous parler des codes-barres ?
Le code-barres me permet de garder les pieds sur terre, c’est ma valeur sûre. Je ne peux pas faire uniquement des codes-barres, même si une galerie me le demandait, je deviendrais dépressif. C’est le côté très naïf et coloré de Toto qui me fait délirer, c’est là que j’évolue.
Comment est venue l’idée de créer “Toto” ?
J’ai voulu faire un portrait de ma femme et moi, il y a dix ans, et Toto a été une évidence. J’ai fait des recherches, personne ne l’avait encore utilisé, un peu dans la BD ou dans le cinéma mais jamais avec le jeu “0+0 = la tête à Toto”. J’ai repris l’image de Toto, je lui ai donné un corps et une famille.
Comment vos tableaux sont-ils construits ?
Tout est en lien avec ma vie. Le trait, c’est en rapport avec mon métier de géomètre. Concernant les couleurs, je les adore dans ma vie, pas que dans les tableaux. Jouer avec les couleurs, c’est comme composer une musique. Comme je travaille avec les couleurs depuis un moment, je sais qu’il y en a certaines que je n’aime pas associer ensemble et d’autres que j’adore.
Est-ce que le côté enfantin de Toto ne vous a pas déjà pénalisé ?
C’est vrai que c’est très enfantin mais moi j’aime bien. Alors oui, à un moment donné, ça ne m’a pas aidé. Plus ça allait, plus je faisais enfantin. On m’a dit plusieurs fois : “C’est pour une chambre d’enfant”. Mais au final, ça va plus souvent dans le salon que dans la chambre d’enfant.
Est-ce compliqué de se faire une place dans le milieu de l’art contemporain ?
J’ai commencé par de petites expos, puis des moyennes et j’ai fini par en faire des grandes, mais ça ne vient pas tout seul.Ça demande beaucoup de travail. C’est comme dans une entreprise, on monte les échelons. On ne se lève pas un jour en se disant qu’on va être un artiste. Moi, j’ai l’impression que je ne l’ai pas choisi, c’est arrivé comme ça. Mes premières expos, c’était les petits marchés de créateurs. Je me rappelle qu’une dame d’un certain âge m’avait dit : « Ce n’est pas un artiste pour exposer là, ce n’est pas un artiste ! ». Pourquoi je ne suis pas un artiste, parce que je n’ai pas les moyens d’être à la Biennale de Venise ? Peut-être qu’un jour j’y serai mais pour le moment, ça me convient. J’ai trouvé ça dommage cette réflexion, sachant que l’art est partout.
Avez-vous des projets pour le futur ?
Je viens de finir une grande fresque de 10 mètres de long à Bordeaux, c’est un rêve que j’ai réalisé. Ça a débouché sur un tas de nouveaux projets. Dans mon atelier, je peins sur plein de supports différents, des coussins, des lampes et je fais également des sculptures. Je suis toujours en train de faire de nouvelles choses. J’adore les collaborations, mon rêve serait d’en faire une avec une marque de streetwear. J’aimerais bien aussi monter ma marque de vêtements façon Toto. J’aime voir Toto qui s’éparpille partout. Dans un sens, c’est un peu mal vu de faire des dérivés. Je souhaiterais faire quelque chose d’artisanal, je ne veux pas d’objets en série. J’aime également collaborer avec d’autres personnes, étant donné que je suis tout seul à l’atelier, c’est beaucoup plus créatif. Cela me permet de faire autre chose que des toiles.
Vous pouvez retrouver les œuvres de David Ferreira ici.
Propos recueillis par Pauline Chabert
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