Cyril Lancelin : “L’image devient avec les réseaux sociaux, un nouveau langage”
Rencontre avec Cyril Lancelin, architecte passionné qui reconstruit l’espace avec des couleurs chatoyantes et des formes généreuses. Il nous partage ici la vision de son travail.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai obtenu mon diplôme d’architecte en 1999 à l’ENSA Lyon. Je suis passionné d’images de synthèse depuis les années 1990. Cela m’a permis de développer et créer des équipes de visualisation et modélisation 3D dans des grandes agences d’architecture. J’ai pu aussi collaborer avec des artistes à Paris et à Los Angeles. Je passais beaucoup de temps dans les transports, alors j’ai commencé à développer des idées de maisons imaginaires et d’installations artistiques. Je les ai publiées sur Instagram, et assez rapidement j’ai eu un retour très positif, et des contacts de clients et de médias. Lors de ma première grande installation artistique, j’ai quitté mon emploi et je me suis lancé à fond dans cette nouvelle étape.
Pourquoi vouloir se réapproprier l’espace ?
En travaillant beaucoup sur le logement, je me suis rendu compte que les logements sont peu qualitatifs, et ce n’est pas seulement une question économique. J’aime bien le travail des architectes japonais sur le logement, ils fixent des règles et des objectifs très forts, en fonction des goûts de leurs clients, ils déterminent des priorités mais aussi des concessions. J’ai imaginé des maisons fictives, avec des contraintes et des priorités fortes. Ce travail spatial se retrouve dans mes installations artistiques.
Quelle expérience voulez-vous faire vivre au public ?
Je souhaite que le public vive une expérience immersive. J’aime pour cela l’idée du labyrinthe, car on peut s’y perdre mais aussi trouver son chemin. Il faut faire des choix dans le dédale. Le public fait partie intégrante de mes œuvres. Il y a le visiteur qui explore l’oeuvre mais aussi celui qui regarde le public en interaction avec l’installation. Une partie importante du travail et de la réflexion n’est pas dans l’œuvre physique elle-même, mais dans les images qui seront transmises par le visiteur. J’aime cette interprétation par le public, et la sculpture immersive est idéale pour cela. Je définis ces installations comme des paysages artificiels. Ils sont réels, ou parfois fictifs peu importe mais l’image elle, est réelle dans les deux cas et transmet des idées. L’image devient avec les réseaux sociaux, un nouveau langage. Cela a commencé avec les smileys et les petits gifs animés, mais maintenant les gens s’envoient des images sans texte, ce sont un partage et un dialogue qui se développent.
Vous aimez utiliser des formes géométriques, pourquoi ?
J’utilise des formes géométriques de base dans mes installations que je répartis avec des outils paramétriques. Cela me permet d’avoir des formes complexes, tout en étant faciles à décomposer. Je travaille avec des modules pour pouvoir m’adapter très rapidement à un budget, aux dimensions d’un site ou aux propriétés d’un matériau par exemple. L’outil paramétrique me permet d’ajuster à la fois la taille des formes géométriques de base, mais aussi en parallèle, de la taille globale. Au lieu de tout dessiner et de recommencer jusqu’à trouver la bonne échelle, je peux faire cent essais de variations en quelques secondes. J’utilise également un casque de réalité virtuelle pour aller dans les œuvres et les visiter.
De quelles matières sont faites vos installations ?
Pour les œuvres de très grande taille, j’utilise souvent le textile avec le gonflable comme technique. Par exemple Knot, exposée à Hangzhou en Chine en 2017, mesurait 30 mètres de long pour 8 mètres de haut, c’était une structure gonflable. Cela permet de faire voyager l’œuvre facilement et de pouvoir la présenter à un public plus nombreux. Je travaille également avec l’acier inoxydable pour les Half Pyramid et sur des œuvres permanentes. J’utilise l’impression 3D pour des sculptures de petit format en édition limitée. Comme je modélise directement toutes mes œuvres en 3D, je peux utiliser beaucoup de techniques et matières. Surtout, cela favorise les échanges avec différents fabricants, les ingénieurs et les clients.
Quelle est la place de la couleur dans votre travail ?
La couleur est essentielle dans mon travail, elle permet de souligner et détacher certains volumes. Elle ajoute du relief dans le “paysage artificiel”. Je réalise beaucoup d’essais de couleurs en amont. Certaines de mes pièces sont des véritables immersions dans la couleur, comme Knot ou Half Pyramid par exemple. Dans Half Pyramid, le sujet de la sculpture est vraiment de faire immersion dans la matière, quand le visiteur se rapproche du sommet de la pyramide, il est complètement englobé par les sphères. Pour revenir à la question de l’appropriation de l’espace, il s’agit de souligner l’entre-deux. Un mur peut être complètement opaque, mais il peut aussi être constitué de sphères empilées et juxtaposées où l’interstice même minime, joue un rôle primordial. Il laisse passer la vue, la lumière, et donc la couleur.
Faites-vous attention à l’histoire ou la signification du lieu dans lequel vous installez vos créations ?
Oui, chaque lieu a une histoire. Pour les gonflables, lors de l’installation, on peut tester encore quelques ajustements, avec l’orientation, l’emplacement exact. Flamingo Ring a été exposé dans deux lieux très différents, au milieu des gratte-ciel du quartier financier de Dubaï et sur une plage à Cancún, au Mexique. Le paysage artificiel permet de souligner le lieu d’exposition, il va induire l’écriture d’histoires alternatives et les connecter ensemble dans des visuels.
Avez-vous des envies particulières dans le futur ?
Je développe de nouvelles œuvres, sur plus de médias. Je m’intéresse à la réalité augmentée et à la réalité virtuelle, mais aussi à la possibilité d’utiliser l’animation dans la sculpture avec notamment les animations de particules pour des présentations digitales. J’expérimente aussi l’impression 3D pour des sculptures de plus petite taille, avec différentes couches et toujours un travail sur l’interstice. Je continue le développement de certaines œuvres, comme Knot qui sera présentée prochainement dans des nouvelles versions, et bien sûr de nouvelles œuvres immersives de très grande dimension.
Retrouvez le travail de Cyril Lancelin sur son site et son compte Instagram.
Propos recueillis pas Pauline Chabert
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