Comment l’art se met-il au service de l’environnement ?
La question climatique est au cœur de tous les colloques et le monde de l’art contemporain n’en est pas exempt. Si les acteurs de l’art contemporain intègrent aujourd’hui les enjeux climatiques au cœur de leur démarche, certaines institutions prennent le sujet à bras le corps et se servent de leur rôle de diffusion pour échanger avec le public. Deux expositions à ne pas manquer à Paris abordent ce thème selon des approches bien distinctes.
Avant l’orage, à la Bourse de Commerce – Pinault Collection, interroge le spectateur sur son rapport à l’environnement à travers les regards très variés d’une vingtaine d’artistes.
Couper les Fluides, à la Maison des Arts de Malakoff, une exposition entièrement éco-conçue, propose une expérience collaborative en mettant à disposition du publique un espace d’échange, de ressources littéraires, de collecte de données pour œuvrer à une évolution des habitudes.
Avant l’orage – Bourse de commerce | Pinault Collection
L’exposition confronte le spectateur à la question de l’empreinte humaine sur la planète. A travers des mediums et formats variés (installations, peintures, vidéos), l’exposition semble répondre au « panorama du commerce », peinte sur les toiles marouflées de coupole de la Rotonde, en explorant le lien entre l’Homme et la Nature. Parfois dénonciateurs, parfois optimistes, les regards des artistes se croisent dans un parcours pensé en dialogue avec l’architecture d’un lieu historique.
L’artiste Danh Vo invite le public à arpenter une forêt de bois mort foudroyé, au cœur de la Rotonde, à travers son œuvre TROPEAOLUM. Ces restes d’arbres victimes des intempéries dans les forêts françaises témoignent de la fragilité du vivant, mais la main de l’artiste redonne vie à la nature. Par ses échafaudages qui viennent soutenir les troncs, ses fleurs grimpantes et photos de plantes, Danh Vo semble nous dire que la nature arrive toujours à se frayer un chemin et à se renouveler.
Tout autour de cette installation, Edith Denyndt investit les vitrines de la Bourse de Commerce, apparues lors de la tenue des premières expositions universelles. Elle met en scène des objets rappelant des procédés de fabrication parfois oubliés, posés là dans l’attente d’une utilisation particulière. Ces compositions inachevées restent en suspens comme des accessoires de théâtre que les visiteurs peuvent utiliser par la force de leur imagination.
Hicham Berrada, lui, nous plonge dans un aquarium de métaux, placés dans une solution qui réagit à un activateur chimique. Présage, une installation vidéo en panorama captive et trompe l’œil qui laisse penser au spectateur qu’il se trouve devant un récif corallien. L’artiste ne contrôle pas la matière, la vidéo en temps réel laisse agir librement les propriétés du métal pour que l’œuvre se réalise d’elle-même. Ce présage, esthétique mais toxique, nous rappelle l’importance d’agir pour protéger notre environnement.
Avec Waterfall, Robert Gobert inverse la place de l’Homme et de son environnement et replace la nature et sa force vitale à l’intérieur même de l’être humain, dans une œuvre qui questionne la place de l’homme dans la société.
Daniel Steegmann Mangrane, avec Breating Lines, nous rappelle la fragilité d’une planète endommagée par l’activité humaine, et la délicatesse avec laquelle nous devons agir.
Anicka Yi fait état de la porosité entre le vivant et l’artificiel à travers un parcours végétal mécanique, qui semble s’être développé naturellement à l’étage de la Bourse de Commerce, sans recours de l’être humain.
Thu Van Tran peint avec évocation les dégradations latentes provoquées par les conflits internationaux, notamment lors de la guerre du Vietnam. Les Couleurs du gris reproduit les couleurs des toxines utilisées par l’armée américaine, toujours présentes dans l’environnement Vietnamien. Comme une empreinte indélébile, elle exploite l’éventail des couleurs présentes dans le gris pour dévoiler une variété d’états d’âmes et révéler un monde équivoque.
L’emplacement même de cette exposition, fort d’une Histoire centrée sur le commerce colonial, vient renforcer et justifier les propos portés par les artistes.
Coupez les fluides – Maison des Arts de Malakoff
Durant 5 mois, la Maison des Arts de Malakoff coupera tous ses fluides énergétiques (eau, gaz, électricité) tout en accueillant du public. Horaires adaptés à la lumière du jour, récolte de l’eau de pluie pour alimenter les chasses d’eau, tout est pensé pour permettre au public d’investir les lieux dans les meilleures conditions possibles et lui permettre d’imaginer de nouvelles habitudes.
Ce projet propose au visiteur et professionnels de se réunir dans une démarche réflexive autour des enjeux climatiques. Le visiteur est invité à participer au projet à travers quatre axes.
L’agora, un espace dédié au débat et à la discussion entre citoyens et auteurs, réunit le public autour de différents thèmes.
La librairie consultative met à disposition des ouvrages sur des questions environnementales et de l’écologie dans l’art, consultables sur place jusque dans les jardins.
Le lieu en lui-même est un espace de recherche. Les visiteurs sont incités à fournir des informations concernant leur mode de déplacement vers le centre d’art. Les données seront collectées pour mesurer l’impact écologique de l’exposition en y intégrant le déplacement des publics, le plus gros poste du bilan carbone des intuitions culturelles.
Les œuvres ayant investi les murs pour cette exposition ont été également conçues sans l’usage de fluides. Les artistes impliqués sur le projet s’interrogent sur l’impact écologique de la production même de l’œuvre. Ils travaillent sur l’usage des mains et sur le réemploi. La question du vivant et de son rôle dans le processus d’une réparation de la terre est au centre de leur travail. Ils invitent les visiteurs à la réflexion : comment réintégrer des notions et savoir-faire parfois disparus dans nos pratiques quotidiennes ?
L’artiste n’est pas qu’artiste : il cumule plusieurs statuts qui nourrissent sa démarche. Ici, le statut de citoyen est au cœur de son processus créatif.
Ainsi, Charlotte Charbonnel invite le spectateur à ressentir la Terre à travers plusieurs œuvres : Magma permet de ressentir le sol et le mouvement de la Terre en se positionnant debout sur deux carrés de bois en équilibre. A travers son installation Inland I et II, elle intègre des amplificateurs sonores qui permettent au visiteur d’écouter son environnement.
Anouck Durand-Gasselin, avec Myci-culture, une installation de ballots de polyéthylène recyclables suspendus, remplis de journaux et cartons recyclés, fait pousser du mycélium grâce au contact de la lumière et de l’humidité, dans une réflexion sur les solutions alternatives de production en milieu urbain.
Aëla Maï Cabel poursuit cette réflexion avec ses pots en grès émaillé au lait, iel travaille la fermentation des aliments.
Laurent Tixador a fabriqué, dans le parc du site, deux fours à pain et à céramique avec la terre argileuse du stade Marcel Cerdan de la ville de Malakoff. Il utilise des ressources de proximité et évite ainsi les déplacements. Les fours serviront ensuite pour réaliser des ateliers.
De retour dans les murs du centre d’art, sur des étagères métalliques haut perchées, sont installées des sculptures en terre crue. Moulages de contenants d’eau en plastique (bouteilles, bidons, arrosoirs …), Où le désert rencontrera la pluie de Julia Gault présente des objets cassés, affaissés, tombés au sol. Remplis d’eau par la main de l’artiste, l’infiltration a détruit ces objets, dénonçant l’irréparable destruction causée par la main de l’Homme et le caractère cyclique de la vie sur Terre : attiré par la gravité, tout élément sur Terre est voué à finir au sol.
Cécile Lucenay
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