Codex Urbanus : « Je n’habite qu’à temps partiel dans le réel ! »
Vandal Vision Codex Urbanus Jusqu’au 26 mars 2016 Galerie Ligne 13 |
Avec son bestiaire au long court, le parisien Codex Urbanus sème le merveilleux dans la ville. Rencontre avec l’artiste, qui expose actuellement à la galerie Ligne 13.
J’ai toujours dessiné, depuis l’enfance (à l’époque, j’aimais les villes, et les monstres, déjà). Mais je suis autodidacte en la matière. Longtemps, j’ai travaillé dans des bureaux, et je dessinais tout le temps, par exemple en réunion. Jusqu’au jour où j’ai travaillé en extérieur, et je n’ai plus pu le faire. Il y a eu un vrai manque. J’ai vu que d’autres dessinaient sur les murs, et j’ai eu l’idée de me lancer. J’ai commencé par coller de la céramique, mais on me les volait tout de suite, et c’était lourd à transporter, je devais prévoir à l’avance mes interventions… J’ai fini par dessiner au marqueur. Et la greffe a pris : le premier jour où je l’ai fait, ca a été magique. Quelques années après, j’y suis toujours. Je voulais offrir une cohérence, mais éviter le côté répétitif de certains artistes qui se sont trouvés une marque de fabrique et font la même chose depuis des années. J’ai eu l’idée de ce bestiaire à base de chimères. Au début, codex urbanus, c’était le nom du bestiaire, mais tout le monde s’est mis à m’appeler comme ça… Travailles-tu d’après croquis, avec une forme déjà établie en tête ? Non, cela se fait au dernier moment. Ca dépend du mur, de mes envies. L’animal me vient sur place, et le nom ensuite. Je ne refais jamais le même. J’en suis à plus de 200 ! C’est un vrai bestiaire manuscrit qui a défilé sur les murs. Avec sans doute autant de créatures qui attendent de naître… Même moi, je me surprends. Je ne fais pas de croquis, parce qu’à partir du moment où j’en ferais un, ce sera plus réussi, plus proche de la réalité. Et ce n’est pas le but. Je veux une image assez primitive, comme dans un dessin d’enfant. Comme je n’ai pas de formation artistique, je tente des choses. Parfois ça marche, parfois non. J’aime ce côté apprenti sorcier.
On pense aux bestiaires médiévaux… Bien sûr. Ce parallèle se fait naturellement. Mon travail est naïf, je travaille de tête, sans me documenter. Et je me rends compte que je me trouve dans la même situation qu’un moine copiste du treizième siècle, qui veut faire un lion, n’en a jamais vu, et doit se fonder sur des récits plus ou moins clairs, plus ou moins précis… Je joue aussi avec les livres scientifiques de l’ancien régime, avec leur côté scientifique et rationnel et brut d’une part, brut et sensible de l’autre. C’est la jonction des deux qui est intéressante.
D’où le choix des monstres ?
Te sens-tu proche du monde de la bande dessinée ? On fait souvent le parallèle avec Sfar, ou Blain. Ce sont des gens qui font des monstres, et un peu comme moi, un peu à l’arrache.
Il y a aussi un côté cabinet de curiosité dans ton travail… Complètement, à cause de cette dimension de collection. J’imagine que dans mon château intérieur, il y a une pièce de marbre blanc, des vitrines, et à l’intérieur, des tonnes de créatures étranges dans des bocaux… J’utilise aussi beaucoup la symbolique alchimique. Je considère qu’un dessin c’est une porte vers une autre dimension. Peut-être que tout ça a un sens que je ne peux pas donner, ou qui se révèlera plus tard… Je préfère d’ailleurs garder le mystère sur le pourquoi des numéros, la façon dont je les choisis !
Comment choisis-tu tes lieux d’intervention ?
La quête de magie, c’est ce qui t’anime ?
C’est un peu comme ça que je conçois l’art d’une manière générale. Dans le street art, on trouve beaucoup d’artistes qui sont engagés politiquement, mais la plus belle cause, c’est celle de l’humain : le droit au rêve. Aujourd’hui, il faudrait forcément que l’art soit engagé. Je milite un peu pour le contraire. Pour que l’art n’ait d’autre but que de faire rêver, d’offrir une alternative au réel.
Quels sont tes projets ? En ce moment je suis à l’affiche de la Galerie Ligne 13 avec un solo show intitulé Vandal Vision, et qui transforme la galerie en lobby d’un cinéma d’une autre dimension, où affiches de film vintage et photos d’exploitation sont impactées par l’apparition inopinée de créatures étranges, laissant le spectateur se raconter une nouvelle histoire sur un film pré-existant… Je serai prochainement au Musée Moreau, à l’occasion de la nuit des musées, puis pour une exposition ! C’est lieu magnifique, où l’on ne peut rien toucher ni bouger. Je devrai trouver des interstices où glisser mes œuvres en créant la surprise. Pour moi, Gustave Moreau était l’un des derniers à créer un monde onirique comme je les aime, et je suis très heureux de cette aventure, que j’ai provoquée en allant les voir. Sophie Pujas |
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