Claire Baudou : “Il faut qu’il y ait de l’humain dans mon travail”
Entretien avec Claire Baudou, photographe passionnée par son métier. Tombée dans le milieu de la photographie très jeune, Claire est aujourd’hui une artiste avec un univers qui lui est propre. Elle nous présente ici son approche de la photographie.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Claire Baudou et j’ai fait mes études à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux. En 2014, j’ai obtenu mon DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique). Depuis 2015, j’enseigne dans cette même école pour la section des cours publics. J’enseigne également au sein du Labo Photo de la Fabrique Pola. En parallèle, j’ai continué ma pratique de la photographie et mon travail s’oriente principalement autour du portrait. J’ai réalisé plusieurs expositions dont la dernière en date était une exposition collective composée de 10 artistes à l’Institut français de Singapour pour le Singapore Photographic Arts Award 2020, qui a eu lieu de janvier à mars 2020.
Comment décririez-vous votre travail ?
Tout d’abord, il faut qu’il y ait de l’humain dans mon travail, c’est très important pour moi. Le portrait est une rencontre entre le photographe et son modèle, c’est un échange. Il faut se faire confiance, s’apprivoiser. Je photographie des personnes de mon entourage mais aussi des inconnus, rencontrés souvent par le biais des réseaux sociaux. Je dirais que mon travail est découpé en trois pratiques différentes. Premièrement, je pratique en studio et en général les photographies qui en sortent sont très colorées car j’utilise des gélatines de couleur. Je fais aussi des séances en extérieur. Cette deuxième pratique est plus spontanée car ce que j’aime faire, c’est choisir un endroit que je ne connais pas, avec un modèle que je ne connais pas. Je choisis souvent comme lieu de rendez-vous un arrêt de tram où je ne suis jamais allée par exemple et on improvise, on fait avec ce qu’on a sous la main. Évidemment, je sais que je me trouverai dans un environnement urbain ou périurbain, mais l’idée est de faire connaissance avec le modèle en marchant dans ce nouvel espace et de créer au gré de nos trouvailles. J’aime beaucoup la pratique en extérieur, cela favorise le lien entre le modèle et le photographe. Le dernier pan de mon travail est la pratique de superposition d’images. Cette dernière me permet de mettre en avant la notion de double. Il y a une double temporalité dans mon travail, car même si je reprends une photo d’une précédente séance, je crée un nouveau cliché grâce à la superposition en post-production. Il y a donc deux temporalités, la première lors de la séance photo et la deuxième lors du travail en post-production. La notion de double qui entraîne le questionnement est également présente grâce à la superposition d’images qui laisse entrevoir plusieurs versions d’une même personne.
Les hommes et les femmes apparaissent de façon récurrente dans vos clichés et sont en quelque sorte vos muses. Pouvez-vous nous expliquer ce choix de les photographier ?
Je n’ai pas de réponse précise, mais je suis assez observatrice. Cette capacité d’observer les autres et d’être attentive à leurs expressions, je l’aie depuis que je suis petite. En effet, ma timidité me poussait à analyser le monde qui m’entourait. Je suis toujours dans cette quête de quelque chose chez les autres. Les expressions et le regard des humains m’intéressent. J’ai commencé à photographier des amis, puis des inconnus qui me contactaient sur les réseaux, et enfin des agences qui me proposaient de faire des books pour leurs modèles. Je pense qu’il y a quelque chose de très intime dans la photographie, en particulier dans les portraits. Les modèles se mettent en quelque sorte à nu face à l’objectif et laissent entrevoir qui ils sont. Il y a une vulnérabilité qui est assez touchante et c’est ce que je recherche. Lors de mes expositions, je place au même niveau des images avec des modèles qui font partie de mon entourage proche, que des modèles que je n’ai rencontrés qu’une fois. Il n’y a pas de hiérarchie et cela crée un mélange entre réalité et fiction. Des images avec des histoires fortes liées à ma vie privée côtoient des images où je n’ai aucun passif avec le modèle.
Vous travaillez également avec des agences, est-ce que l’univers de la mode vous inspire et influence votre manière d’aborder la photographie ?
Je travaille de moins en moins avec les agences. Je me suis sentie assez limitée au bout d’un moment et j’ai eu l’impression d’avoir fait le tour. Au début c’est formateur, on rencontre des modèles et des photographes, mais il y a aussi des inconvénients. Par exemple, certains modèles sont trop formatés mode donc on retombe souvent sur les mêmes propositions artistiques, enfermées dans la case mode. Cependant, on me dit régulièrement qu’on retrouve un univers mode dans mes photos. Effectivement, le monde de la mode m’intéresse, j’apprécie et regarde souvent le travail de certains photographes spécialisés dans ce domaine mais je ne me considère pas moi-même comme une photographe de mode. Mon travail est beaucoup plus minimal.
Vos clichés sont travaillés, accordez-vous beaucoup d’importance aux retouches ?
Ça dépend. Je préfère accorder plus de travail lors de la prise de vue et passer le moins de temps possible en post-production quand ce n’est pas nécessaire. Je peux passer des heures sur mon ordinateur à trouver de nouvelles superpositions, de nouvelles compositions qui fonctionnent. Pour réussir à avoir une superposition qui me plaît, il faut que je fasse beaucoup d’essais et ça prend du temps. A contrario, pour mes portraits en extérieur, je fais évidemment le travail des retouches indispensables telles que le recadrage, l’amélioration de la luminosité, l’ajustement des contrastes… mais pas beaucoup plus.
Question technique pour les amateurs de photographie : quels sont vos outils de prédilection ?
Je n’ai pas trop d’indispensables. Mais il y a un outil que j’utilise beaucoup lors de mes séances en studio, ce sont les gélatines de couleur. Elles me permettent de faire des clichés très colorés.
Quels sont vos futurs projets ?
La crise sanitaire m’a fait faire une pause photographique un peu forcée. Avec les différents confinements, le port du masque, c’était devenu compliqué de programmer des séances photo. Je travaille actuellement sur de nouvelles images, très colorées, en parallèle d’une série en noir et blanc. J’aime le contraste entre les deux. Je suis aussi en train de réfléchir à de nouveaux systèmes d’accrochage. En ce moment je travaille avec des morceaux de scotch colorés et confectionnés en fonction de mes clichés, qu’ils soient en noir et blanc ou en couleur. Je travaille également avec le Labo Photo de la Fabrique Pola pour donner des cours et initier un autre type de public à la photo. Je n’en dis pas plus pour le moment car c’est très nouveau, mais c’est un chouette projet. Enfin, Bordeaux est un petit désert culturel pour exposer, il y a très peu d’espaces d’expo comparé à d’autres villes comme Marseille, Nantes… C’est un vrai manque. Je suis donc à la recherche de nouveaux lieux pour pouvoir exposer et partager mon travail.
Retrouvez Claire Baudou sur son site internet.
Propos recueillis par Roxane Thomoux
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