Cindy Olohou : “L’histoire de demain s’écrit aujourd’hui”
À vingt-neuf ans, Cindy Olohou s’engage pour la visibilité des artistes du monde entier avec son agence d’art contemporain, Wasanii Ya Leo. Rencontre avec une entrepreneuse d’aujourd’hui.
Pouvez-vous vous présenter, ainsi que votre parcours ?
Je suis Cindy Olohou, j’ai vingt-neuf ans. J’ai d’abord fait une classe préparatoire après le lycée, puis j’ai étudié la littérature et les lettres modernes à Paris IV. Ensuite, j’ai intégré l’École du Louvre, où j’ai suivi une formation équivalente au Master 2. J’ai pu y étudier l’Histoire de l’art, la muséologie, en allant de la Préhistoire jusqu’à l’art contemporain ; je me suis spécialisée en art du XIXe siècle.
À peine un an après avoir quitté l’École du Louvre, vous fondez Wasanii Ya Leo. Était-ce un projet que vous aviez déjà en tête ? Comment l’agence s’est-elle construite ?
C’est un projet qui est né durant ma deuxième année de Master, après avoir changé de spécialité pour passer de l’art du XIXe siècle à l’art contemporain d’Afrique. En faisant des recherches pour mon Master, j’ai rencontré beaucoup d’artistes. Je me suis alors rendu compte qu’il y avait un fort besoin de production de contenus et d’accompagnement pour les artistes d’Afrique et de ses diasporas, sur les questions artistiques. Ayant été sollicitée de nombreuses fois, je ne pouvais pas répondre à toutes ces demandes, étant toujours concentrée sur mes études ; c’est alors que, notre diplôme obtenu, les cofondateurs et moi avons répondu à un appel à projet spécialisé sur l’entrepreneuriat autour de l’Afrique. Nous sommes finalement arrivés premiers. Cela nous a permis d’apprendre sur les questions entrepreneuriales, axe d’apprentissage qu’on n’a pas à l’École du Louvre.
En quoi consiste votre agence ?
Nous étions, au début, beaucoup centrés sur l’Afrique. Nous travaillions à la valorisation et la diffusion de l’art contemporain d’Afrique et de ses diasporas, en accompagnant les artistes et en faisant des actions de médiation et de production de contenus auprès de différents publics. Petit à petit, on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de points communs et de liens qui se tissaient avec l’Amérique latine ; nous nous sommes alors beaucoup plus ouverts sur les questions associant Amérique latine, Afrique et Caraïbes. Aujourd’hui, nous menons aussi des actions d’exposition, avec des projets transversaux en collaboration avec d’autres agences.
En swahili, Wasanii Ya Leo signifie “Artistes d’aujourd’hui”. Pourquoi ce nom, et pourquoi avoir choisi ce dialecte ?
En créant l’agence, nous voulions faire quelque chose qui ait réellement du sens, et qui raconte une histoire. Moi, je suis métisse franco-togolaise et le père du cofondateur de l’agence vit à Kinshasa depuis 15 ans maintenant. Le swahili est parlé au Congo-Kinshasa, RDC. Nous voulions un nom qui ait du sens sans être cliché, et c’est là qu’on a trouvé “Artistes d’aujourd’hui” : pour nous, c’était à la fois porteur de sens et un rappel de nos racines.
Vous avez affirmé : “L’art contemporain d’aujourd’hui, c’est histoire de demain, et ça commence maintenant”. Que voulez-vous dire ?
Par cette phrase, je veux exprimer que l’histoire de demain, c’est une histoire qui s’écrit à partir d’aujourd’hui. Si on veut changer ces questions de préjugés, de clichés, de manque de visibilité, c’est aujourd’hui qu’on doit écrire ce changement. Et on commence à le faire en montrant le travail des artistes, premiers témoins de ce qu’il se passe dans nos sociétés. Par exemple, par rapport au mouvement Black Lives Matter et aux événements récents, nous avons pu présenter le travail d’un artiste mexicain sur les questions raciales qui agitent les États-Unis en ce moment.
Comment avez-vous fait durant le confinement, étant donné que vous proposez des activités se faisant en groupe et sur place ?
On a stoppé toutes les visites en galerie que nous proposons en temps normal. Récemment, nous avons créé un questionnaire à destination de nos visiteurs pour savoir dans quelles conditions ils seraient prêts à reprendre les visites. Mais durant le confinement, on a eu la chance que l’agence ait des activités variées : nous ne faisons pas uniquement des visites. En interne, on a des projets sur le long terme comme les commissariats d’exposition, l’accompagnement des artistes, qui nous permettent de maintenir une activité.
Avez-vous des projets pour le futur proche ?
Nous avons le projet Les Nouveaux Collectionneurs, qui est une initiative qu’on lance cette année, entièrement co-construite avec l’agence Noun Paris. L’objectif est d’en faire une initiative pérenne, qui se renouvelle chaque année. Avec ce projet, on essaie de sensibiliser les gens au monde de l’art et à l’achat d’œuvres d’art ; il arrive souvent qu’ils s’autocensurent et s’empêchent d’en acheter car ils ne se sentent pas légitimes. Ce projet s’accompagne d’une campagne en ligne, où les gens peuvent voir les œuvres et découvrir les artistes, les acheter s’ils ont un coup de cœur. Une exposition est également prévue du 19 au 28 juin, où il sera possible d’admirer les œuvres en physique. Enfin, nous accompagnons le travail de l’association partenaire À Nous la Nuit !, association choisie en cohérence avec le thème de cette année, la ville, puisqu’elle travaille à sensibiliser aux questions de discriminations dans l’espace public.
Infos pratiques:
Exposition “À l’Ombre des Urbanités”
Du 19 au 28 juin 2020
Visites gratuites
Réservation en ligne
Site : http://www.lesnouveauxcollectionneurs.com
Théâtre de Bright City, 4 rue Vigée-Lebrun, Paris 15
Plus d’informations sur le site internet de Wasanii Ya Leo.
Propos recueillis par Chloé Vallot
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Une conversation avec un robot pour tout savoir de l’actualité culturelle, de Marie Chancerel
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