Chistian Boltanski – Monumenta 2010
Monumenta 2010 – Christian Boltanski Jusqu’au 21 février 2010 Tarifs : 4 € / 2 € Nef du Grand Palais |
Jusqu’au 21 février 2010 Nef du Grand Palais Après Anselm Kiefer et Richard Serra, c’est au tour de Christian Boltanski d’investir la Nef du Grand Palais pour le projet « Monumenta ». Personne est une création, une seule pièce donc chargée d’emplir cet immense espace dont l’architecture est si particulière. En arts plastiques, un bon artiste est celui qui trouve, à travers sa création, le moyen de planter sa main dans votre ventre, ou dans votre tête. Peu importe vraiment, mais c’est celui qui vous meut physiquement dans une pénétration émotionnelle. Peu importe, également, la nature de votre émotion. Notre esthétique vit encore à la lueur des pensées des Lumières et plus encore celles de l’Aufklärung (Kant en particulier) le double Allemand. Cette structure de pensée philosophique qui dirige toujours la conception de l’art dans notre pensée occidentale nous a appris, pour résumer, à distinguer le Beau, le Bon, le Bien et l’Agréable. Ajoutons à cela un tournant décisif de l’art en rappelant, comme l’avait souligné Paul Valéry, qu’en 1900, la beauté en art a fait place au concept de vie. C’est pourquoi, en art, peu importe la nature de nos émotions pourvu qu’il y en ait au moins une. Travail de mémoire Christian Boltanski travaille sur la mémoire, la mort et la force inéluctable du temps. Sa nouvelle création, Personne, est éphémère et disparaîtra à la fin de l’exposition dans la logique implacable de l’artiste et du thème qu’il aborde. Boltanski considère ce travail comme un Memento Mori, une Vanité contemporaine. L’artiste est né pendant la seconde Guerre Mondiale et tout son travail en est hanté. Personne ne fait pas exception et nous plonge dans l’angoisse d’une vision de la mort qui demeure la trouble spécificité du XXe siècle. Ainsi Boltanski pose au sol un grand nombre de vêtements (pour homme, femme ou enfant pêle-mêle) méticuleusement agencés afin de dessiner des allées, des blocs éclairés au néon. Il installe aussi un immense monticule de vêtements sans cesse agrippés puis relâchés par une grue, matériel de chantier. Les visiteurs sont donc confrontés à ces objets si familiers, devenus dérisoires puisque inusités, sous ce dôme de la Nef du Grand Palais qui ressemble tant à une gare, un lieu froid, non chauffé. Elle est bien là, la mort estampillée XXe siècle, la mort hitlérienne, celle des industriels et des scientifiques qui se regroupaient autour d’une table pour discuter des moyens de rendre leur industrie rentable : comment tuer, à moindre coût et sans trop salir, le plus de monde possible, prisonniers des camps amenés par trains entiers. Une première dans l’histoire de la guerre ; ici l’horreur n’est plus barbarie, mais annihile l’émotion pour laisser place à un esprit logique, au sens de l’organisation. Le son de la déshumanisation Toute l’exposition vibre au rythme d’un son aussi insupportable qu’envoûtant. Est-ce un cœur qui bat en écho ou le son d’une machine ? Les deux, nous l’avons compris, sont ici liés. Tout le projet de Christian Boltanski repose sur un paradoxe. Personne, tout en nous plongeant dans l’horreur d’une Histoire qui change la raison en arme de guerre, parvient à toucher notre sens du vivant, notre amour pour lui et un soudain besoin de le ressentir, le retrouver, pour fuir cette œuvre insupportable à laquelle nous devons pourtant ce regain de vie. Mais remarquons qu’il faut rester longtemps dans l’exposition pour atteindre le stade de cette sensation. Il faut l’accepter comme une expérience à vivre ; pénétrer l’œuvre pour lui donner une chance de nous pénétrer, marcher longtemps dans ces oppressantes allées et beaucoup penser pour les fuir, les apprivoiser et alors, les rencontrer. L’artiste explique que « l’art consiste à poser des questions sans avoir de réponse ». Son travail s’impose, en effet, comme un espace qui nous interroge, qui nous oblige à devenir acteur de l’œuvre, un spectateur capable de penser. Personne, l’exposition de Christian Boltanski pour le Monumenta 2010, est une œuvre laide, désagréable, insupportable… et toute sa puissance est là. Une exposition à ne surtout pas manquer pour se souvenir que l’art n’est pas un objet de décoration comme trop de galeries semblent le croire. Non, l’art est un lieu d’expérimentation, un espace d’interrogation où le spectateur ne peut pas se permettre d’être passif, un espace d’où il se doit de ressortir plus riche émotionnellement et intellectuellement. Merci donc à Boltanski pour la force et l’intelligence de sa cruauté. Lorraine Alexandre A lire sur Artistik Rezo |
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