Charlotte Richard : “Le scénographe est un médiateur”
Charlotte Richard et Christian Boltanski, Galerie Albarran Bourdais - Madrid, 2018. © Charlotte Richard
Charlotte Richard est scénographe, chargée de production pour l’agence Eva Albarran & Co et freelance pour le Palais de Tokyo. Ambitieuse, passionnée, elle transforme et magnifie des espaces d’expositions.
Pourquoi être devenue scénographe ?
Je baigne dans ce milieu depuis toujours, d’abord grâce à ma famille artiste. Je parcours des expositions depuis longtemps. J’ai réalisé que je n’étais pas seulement intéressée par les œuvres, mais aussi par ce qui les entourait. J’ai su très vite que je voulais en faire mon métier. La scénographie était le bon compromis entre l’architecture, que j’affectionne, et l’histoire de l’art qui me passionne.
Quelles études as-tu fait ?
J’ai commencé par trois ans d’architecture. Cela m’a permis d’être scénographe mais il me manquait le langage. J’ai donc complété ma formation deux années à l‘ICART. Il me semblait important d’avoir une base en histoire de l’art, de la photographie ou de l’art contemporain, les trois domaines dans lesquels j’exerce. Enfin, j’ai fait un master 2 aux Beaux-Arts de Lyon en scénographie.
Comment es-tu entrée au Palais de Tokyo ?
Le Palais de Tokyo cherchait une stagiaire en production. Rien à voir avec ce que je faisais, mais j’ai saisi l’opportunité ! Ainsi, j’ai pu montrer que je savais faire de la scénographie. Cela a été efficace car j’ai été la première scénographe à exercer au Palais de Tokyo, depuis sa réouverture en 2011. Ce stage a été une vraie propulsion. À seulement 22 ans, je signais mes premiers plans !
Quelle est ton exposition la plus marquante dans ce lieu prestigieux ?
Je me suis entraînée sur plusieurs petites expositions avant d’en réaliser une marquante intitulée Inside, celle qui me lancera et me fera connaitre. La scénographie, très importante, posait la question de la relation intérieur / extérieur.

Scénographie de l’exposition Inside au Palais de Tokyo, 2014-2015, Paris. Œuvres de Ryan Gander © André Morin
Aujourd’hui, tu travailles toujours pour le Palais de Tokyo, mais en freelance. Tu œuvres aussi au sein de l’agence Eva Albarran & Co. En quoi consistent tes missions ?
L’agence Eva Albarran & Co produit des événements d’art contemporain et s’occupe également d’artistes en tant que studio. C’est-à-dire, qu’en plus de la scénographie, je m’occupe de certains artistes de A à Z. Je ne suis pas leur agent, même si cela peut s’y apparenter, car je peux m’occuper de la production, d’organisation de voyages… Mon principal artiste est Christian Boltanski, avec qui j’ai noué une vraie relation. Je le suis partout ; on se suit partout ; on parcourt le monde entier ensemble !
Qu’est-ce que cela t’a apporté ?
Travailler dans un lieu comme le Palais de Tokyo est enrichissant, mais un scénographe doit pouvoir se confronter à différents lieux, afin de continuer à relever de nouveaux défis. Grâce aux artistes de l’agence Eva Albarran & Co, je réalise des scénographies dans le monde entier, dans des musées plus variés les uns que les autres, mais aussi dans l’espace public.
C’est important d’avoir plusieurs casquettes ?
Je suis tout le temps à la recherche de nouveautés. Et dans le secteur culturel, on se doit de cumuler plusieurs rôles. La polyvalence est source de richesses. C’est important de faire plein de choses, de ne pas se cantonner à un savoir-faire.
Si tu devais donner une définition de la scénographie aujourd’hui ?
C’est traduire, par l’espace, un langage artistique, un discours issu d’un commissaire d’exposition. Le but : être le plus limpide possible pour ne pas perdre les visiteurs. On a plusieurs outils – et donc clés – à notre disposition : agencement et circulation dans l’espace, éclairage, son, distances entre les objets… Le scénographe est un médiateur entre tous les acteurs (artiste, commissaire, monde culturel, grand public).
Quelle est ton étape préférée dans la conception d’une scénographie ?
J’adore le montage. C’est très excitant car tout prend vie. En même temps, beaucoup de problèmes surgissent souvent et il faut trouver 15 000 solutions à la minute. C’est intense. Après avoir été seule pendant six mois, tu dois gérer toute une équipe : commissaires et artistes, monteurs et chargés de production. Une vraie énergie se dégage.
Pour finir, peux-tu nous parler d’une exposition dont tu es particulièrement fière ?
Je cite toujours Inside pour les souvenirs intenses qui m’en restent, mais la plus réussie, je pense, est celle réalisée pour Christian Boltanski au Musée National d’art contemporain de Tokyo au Japon, un bâtiment incroyable. Ce fût éprouvant mais tellement enrichissant, les Japonais ne travaillent pas du tout comme nous ; ils ont le souci du détail puissance mille. Cette exposition a largement inspirée celle qui sera la rétrospective tant voulue à Beaubourg l’année dernière.
Propos recueillis par Élise Arnaud
Découvrir son travail et ses scénographies sur son site Internet.
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