Chambres à part VI – La Réserve
Un métier et des rencontres. Des œuvres et des coups de coeur. Laurence Dreyfus, commissaire d’exposition indépendante et conseillère en acquisitions d’oeuvres d’art, sait mieux que quiconque qu’avant de posséder, il faut avoir envie. Avant de posséder, il faut comprendre l’oeuvre.
Son concept : rendre l’œuvre intime en le plaçant « in-situ »
Chasseuse d’art, œil de lynx, dotée d’une vision aiguisée de ce que doit véhiculer une oeuvre, sa démarche est simple : proposer les oeuvres des artistes découverts au cours de ses pérégrinations à travers le monde durant les 12 derniers mois.
Son credo : réenchanter le monde
« Trajectoire politiques/Trajectoires poétiques », voilà un parcours tout en promesse. Ici, le discours n’est pas frontale mais tout en finesse. Les artistes expriment leurs sentiments face au monde contemporain. Ils nous parlent. La représentation qui en découle ne se veut pas provocatrice mais bien poétique voire même quelque peu mélancolique.
Parce qu’il faut bien un peu de douceur dans ce monde de brut et parce que la poésie peut nous éveiller, nous réveiller, ici, discours politique et langage poétique vont de pair. Les artistes parlent de leur monde, de leur environnement, de ce qui les touche, avec poésie.
Le langage se fait douceur, la violence se fait velours. Si les œuvres pouvaient parler, elles déclameraient surement des vers.
Là, une oeuvre de Eva Jospin, artiste inspirée qui utilise le carton comme support et joue ici subtilement avec la notion de bas-relief, en reprenant les codes de la nature, faisant échos aux thématiques environnementales pour créer une forêt imaginaire dans laquelle on aimerait se perdre.
Féérie
Ici, l’artiste chinois Zhang Huan, dont le tableau gris, réalisé avec des cendres d’encens propre à la culture bouddhique et inspiré par la tradition graphique de la Chine Impériale donne une impression d’évanescence tout en dégageant une spiritualité qui nous enlève presque.
Envoûtant
Plus loin, humour et ironie. Andrei Molodkin nous fait sourire en détournant un célèbre slogan politique en « Yes We Can Fuck You ». Rien d’autre à dire. Tout est là.
Magique
Là-bas, les photos de Tomas Saraceno posée sur un lit. De la poésie à l’état pur, notre regard s’égare avec volupté au confin de cette oeuvre subtile et paisible. L’imagination s’éveille et le rêve commence.
Eblouissement
Puis un coup de coeur. Monique Frydman dont le bleu impactant de sa toile nous enveloppe d’une douceur inattendue, là, dans cet appartement, lové dans un canapé de cuir, l’on se croirait seule, à la maison, dans une relation intime avec l’œuvre.
Emerveillement
Nous y sommes.
Placer des œuvres en situation tel que le propose Laurence Dreyfus induit forcément cette forme d’intimité que l’on ressent. On se sent proche des oeuvres, elles nous pénètrent. Une vraie relation s’est créée. D’abord poétique, leur sens est évidemment plus profond. Bien plus que de nous parler d’elle, elle nous parlent de l’artiste lui-même, de son engagement.
Le parcours est aérien, propice au laisser aller de notre imaginaire le plus fertile. Les propositions sont novatrices, entre surprises et interrogations, elles nous impliquent.
Trajectoire politiques/Trajectoires poétiques ou un vrai bol d’air artistique. L’on aimerait rester là, et vivre au milieu de ces oeuvres pour jouer au jeu du collectionneur averti. Au travers de cette promenade ensorcelante, Laurence Dreyfus a réenchanté notre monde. Pari gagné !!!
Anne-Lise Charache
Chambres à part VI : Trajectoires poétiques/Trajectoires politiques
Commissaire d’exposition : Laurence Dreyfus
Du 15 au 21 octobre 2012
Exclusivement sur rendez-vous et par réservation à :
chambresapart@laurencedreyfus.com
La Réserve
10, place du Trocadéro et du 11 Novembre
75016 Paris
www.lareserve-paris.com
[Visuel : La Réserve, Paris – crédit photo : Philippe Chancel]
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