C’est la Vie ! Vanités – musée Maillol
La Mort s’invite au musée Maillol et avec elle son plus beau contre champ, la Vie ! Patrizia Nitti nouvelle directrice artistique de l’institution nous propose un parcours à la chronologie inversée sur deux mille ans d’histoire de l’art et 160 œuvres. Peintures, sculptures, photographies, vidéo, installation pour esthétiser sur une réalité intrinsèque à toute vie, la mort
Si l’exposition nous fait voyager dans le temps et apprécier des œuvres rarement montrées, dont les exceptionnels bijoux de la collection Codognato – maîtres joailliers vénitiens –, c’est bien sur la création contemporaine que nos regards se portent avec le plus d’intérêt. Sans doute parce qu’avec les œuvres plus anciennes, nous pénétrons un système de représentation codifié faisant appel au répertoire classique de la vanité.
Revisitant l’Ecclésiaste, « Vanité des vanités, tout est vanité », les artistes ont puisé dans l’iconographie païenne et judéo-chrétienne cherchant à justifier ou démystifier des discours moralisateurs sur la nécessaire tempérance des passions humaines. L’homme doit être conscient de sa finitude nous dit Bossuet dans son Sermon sur la Mort*.
Relativité de la connaissance symbolisée par le livre. Fugacité des plaisirs soulignée par l’argent, le vin, la pipe. Vanité du genre humain soumis à la fuite du temps que stigmatisent le squelette, le crâne, le sablier… Bref, autant de clés cryptées que revisite l’art contemporain avec déférence, ironie, poésie, esprit critique, visionnaire ou contestataire. Mort banalisée, mort domptée, mort dédramatisée ou plutôt Vie dans son laps de temps incertain : tragi-comédie…
L’art agit dans sa fonction réflexive et méditative. Chacun est face à sa philosophie de vie, de mort dans l’appréhension d’une réalité contemporaine où l’artiste fait comme nous le choix d’être optimiste, cynique, insensible ou visionnaire.
Le beau côtoie le laid sans qu’il soit honnêtement possible d’en définir l’essence car ici, l’art sublime l’émouvant, l’étonnant, le dérangeant, l’écœurant : force visionnaire du photomontage d’Erwin Blumenfeld, daté de 1934, où se superpose en transparence le visage d’Hitler et une tête de mort ; beauté acidulée et froide des années 70 et désacralisation de la mort chez Andy Warhol ; 1980 et le drame du Sida avec le Self Portrait de Robert Mappelthorpe.
Puis viennent les années 2000, avec l’égotisme et l’exacerbation des sentiments : Damien Hirst bien sûr, caricature de nos dérives mercantiles et mégalomaniaques avec The Love for God, Laugh – puisqu’on ne sait plus très bien au fond si le fameux crâne en diamants existe toujours ou s’il n’a pas plutôt été démonté ! Plus dramatique, la puissance des œuvres de l’artiste indien Subodh Gupta, dont on se rappelle le « Very Hungry God » placé à l’entrée du Palazzo Grassi de Venise et ici représenté par l’œuvre « C.B.1 ». Enfin, puisqu’on ne peut toutes les citer, la vidéo de Paolo Canevari, filmant un enfant jouant au football dans les décombres d’une ville en pleine guerre de Bosnie : L’horreur, mais la vie avant tout. L’espoir encore et toujours !
Au final, un discours sur la mort et ses modes de représentation plutôt qu’une réflexion plastique et symbolique sur la vanité proprement dite.
Karine Marquet
* Si je jette la vue devant moi, quel espace infini où je ne suis pas ! si je la retourne en arrière, quelle suite effroyable où je ne suis plus ! et que j’occupe peu de place dans cet abîme immense du temps ! Je ne suis rien ; un si petit intervalle n’est pas capable de me distinguer du néant ; on ne m’a envoyé que pour faire nombre ; encore n’avait-on que faire de moi, et la pièce n’en aurait pas été moins jouée, quand je serais demeuré derrière le théâtre.
Vanités, De Caravage à Damien Hirst
Jusqu’au 28 Juin 2010
Tous les jours sauf le mardi, de 10h30 à 19h
Tarifs: 11 euros / 9 euros
Musée Maillol
61, rue de Grenelle
75007 Paris
[Visuel : photographie de fredpanassac – Frédérique Panassac, 6 décembre 2007.
http://www.flickr.com/photos/10699036@N08/2101242850/ Licence Creative Commons]
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