Cécile Hoodie : “Je dépeins un constat de la société actuelle”
Rencontre avec Cécile, plus connue sous le nom de “Cécile Hoodie” sur les réseaux sociaux et notamment sur Instagram. Elle réalise des photos avec des messages forts et parfois même politiques.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Cécile, Hoodie est un pseudo lié au surnom de “capuche” que certains de mes amis m’avaient donné. J’ai 36 ans et à côté de la photo je suis infirmière dans un bloc opératoire pédiatrique.
Quand est-ce que tu t’es mise à la photographie ? Pourquoi ?
J’ai toujours été branchée arts plastiques, j’ai un bac littéraire/arts plastiques, et j’ai toujours créé des choses (dessins, peintures, écriture, collages…). La photo, j’ai commencé quand il est devenu facile d’avoir accès à des appareils photo via les téléphones (ce qui n’était pas le cas quand j’étais ado). Au début j’avais un compte Instagram avec des photos perso, et petit à petit les photos ont commencé à être plus artistiques, le rose revenait plus souvent. Un jour on m’a volé mon iPhone et je me suis retrouvée avec un téléphone plus ancien et j’ai décidé d’investir dans un vrai appareil (Canon EOS 750D).
Comment te viennent tes idées ?
Mes idées viennent de tout ce que je peux voir autour de moi. La société actuelle, tout ce qui nous rend accro, la nourriture, le sexe, l’amour, internet, la drogue, la beauté à tout prix… Il y a des marques qui sont revenues plusieurs fois dans mon travail comme McDo ou Coca Cola car elles sont forcément des symboles de notre société actuelle. Je ne juge pas parce que je suis moi-même accro (à un certain niveau) à des choses dont je parle dans mes photos. C’est plutôt que je dépeins un certain constat de la société actuelle, capable du meilleur comme du pire. J’utilise également mes expériences passées ou ce que je peux voir autour de moi pour parler de sujets qui sont importants pour moi, comme les abus sexuels ou la misogynie, l’homophobie, le racisme… Et parfois, c’est plus léger juste pour faire sourire. Sinon il n’y a pas de processus de création particulier, les idées viennent comme ça, sans prévenir. J’ai parfois d’ailleurs des périodes sans aucune inspiration.
Quel est le projet dont tu es la plus fière ?
Peut-être le post où j’ai mis côte à côte deux photos de mon visage, une à 16 ans juste après une agression et une de moi souriant 20 ans après, en racontant mon histoire dans la légende sous la photo. C’est le post le plus personnel que j’ai fait et qui m’a demandé le plus de courage. Je l’avais fait en brouillon avant de le publier et j’ai dû le relire peut-être 20 fois avant de me décider à le publier. Quand j’ai fini par le partager j’ai cru que mon cœur allait exploser tellement j’étais stressée de faire ce coming out et que tout le monde soit au courant (ce qui comprend ma famille, mes amis, et une bonne partie de mes collègues). C’est quelque chose que j’ai refoulé pendant très longtemps, mais quand j’ai vu tous les retours positifs que j’ai eu, les messages bienveillants, les gens qui me disaient se retrouver dedans en ressentant du positif à voir qu’ils n’étaient pas seuls, ça m’a vraiment fait un sentiment dur à expliquer, mais un bon sentiment. En fait j’ai toujours eu l’impression que les différentes réactions que certaines personnes avaient eu au moment de mon agression m’avaient empêchée de pouvoir assumer cet épisode de ma vie. Comme si on m’avait privée d’être la victime de ma propre agression. Et là, 20 ans après j’avais la chance de pouvoir rectifier ça et avec ma notoriété virtuelle de le dire enfin tout haut. Ça m’a vraiment fait du bien et c’est à ce jour mon post qui a suscité le plus de réactions.
Quelle ambition as-tu en terme de photographie ? Comptes-tu t’y mettre à plein temps ?
À une époque je pensais m’y consacrer de plus en plus et j’avais même réduit mes horaires à l’hôpital pour ça. J’ai vendu des objets dérivés de mes photos, j’ai été approchée par une jeune chanteuse pour réaliser ses clips (projet qui est malheureusement tombé à l’eau de son côté avec sa boîte de prod et qui a fait qu’on a du arrêter). Mais les différentes expériences que j’ai eu m’ont plutôt confortée sur le fait que je préférais garder la photo pour ce qui me motivait à le faire de base et pas pour le business. J’ai eu des contrats avec des grosses marques, mais faire des photos sur demande en un temps vraiment restreint est quelque chose que j’ai vécu comme une grosse source de stress. Je n’ai jamais mes idées sur commande et c’est un exercice vraiment compliqué d’en avoir à la demande pour des contrats. Ça enlève tout le plaisir même si j’ai toujours honoré mes contrats. Je suis toujours ouverte à des contrats ponctuels avec des marques, mais seulement si le sujet me parle et si les conditions ne sont pas trop strictes. Mais je suis revenue à temps plein à l’hôpital et pour le moment niveau photo je continue de partager ce qui me tient à cœur quand j’en ai l’envie et l’inspiration.
Quel message cherches-tu à faire passer avec tes photos ?
De manière générale, je veux envoyer un message de tolérance, et aussi une bonne dose d’humour dans ce monde pas toujours bienveillant ni fun. Je veux que mes photos fassent ressentir des choses aux gens. Peu importe que ce soit de la nostalgie, de la joie, de la tristesse. Je pense que l’essentiel n’est pas ce que nous ressentons, mais de le ressentir. Si nous ne ressentions rien, nous serions des robots et nous nous ennuierions profondément. La tristesse n’est pas une mauvaise chose si elle peut nous aider à passer à autre chose. Je veux que les gens aient un déclencheur devant certaines de mes photos, et que cela puisse les aider à prendre conscience des causes que je défends ou à se reconnaître dans mes images et à se sentir moins seuls et mieux. Et comme beaucoup de sujets sont inspirés de choses personnelles ou de peurs que j’ai, ça m’aide aussi sur le plan personnel, c’est un peu comme une thérapie.
J’ai vu que tu avais fait une collaboration avec Erika Lust une productrice de films pour adultes centrée sur le plaisir de la femme, ce sujet semble te tenir à cœur, pourquoi ?
Je pense que le sexe a et aura toujours une place très importante dans la vie (et tant mieux). Mais les clichés sexistes encore vraiment trop nombreux font que le sexe peut rapidement être considéré comme quelque chose de sale ou honteux et parfois très difficile à assumer pour une femme. Un homme qui aime le sexe et qui multiplie les conquêtes peut être vu comme un héros par ses amis, une femme qui fera la même chose sera souvent plus jugée (par des hommes mais aussi par d’autres femmes). C’est un peu la même chose pour ce qui est d’assumer qu’il est tout à fait normal et sain de se masturber. Et c’est dommage parce que le plaisir qu’on va avoir avec nos partenaires dépend aussi beaucoup de la connaissance de notre propre corps. Et je pense que connaître son plaisir via la masturbation ne peut qu’enrichir notre vie sexuelle avec des partenaires.
Je souhaite que les femmes puissent vivre leur sexualité de façon épanouie sans avoir honte de ce qu’on pourra dire ou penser d’elles. Le sexe est si bon et exaltant quand il est fait de la façon dont nous l’avons choisi…
J’essaie de “dédramatiser” le sexe avec des images amusantes, ou de parler de sujets plus sérieux qui ne devraient pas être tabous. Je suis suivie par 80% des filles, et je pense qu’elles se reconnaissent beaucoup dans mes photos.
Vous pouvez suivre son actualité sur son Instagram.
Propos recueillis par Romane Sorus
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