Carrie Mae Weems (1953-) : une œuvre synonyme d’engagement et de dénonciation
Carrie Mae Weems est une photographe afro-féministe née à Portland dont l’influence aux États-Unis est incontestable. Sa force réside dans la composition de son travail ainsi que dans sa maîtrise parfaite du noir & blanc.
Elle est une artiste particulièrement engagée dont le travail est un vecteur de questionnement et de dénonciation. Elle y aborde les questions du racisme, des rapports de domination, de l’identité et du genre du point de vue militant.
Elle s’intéresse initialement au théâtre de rue et à la danse, ce qui la mène à l’Université de Californie à San Diego où elle étudie la danse moderne. Pendant cette période, elle se voit offrir un appareil photo avec lequel elle explorera toutes les possibilités que lui offre la photographie. C’est avec ce même appareil qu’elle débute sa célèbre série Kitchen Table.
Dans cette dernière, elle conserve le même lieu – sa cuisine -, la même lumière – une lampe au plafond, et le même angle – les clichés sont pris du bout de la table. En choisissant ce décor, elle dénonce le fait que les espaces soient initialement conçus pour les hommes, ce qui a pour conséquence d’assigner les femmes à des lieux restreints, tels que la cuisine. Ce phénomène se renforçant en temps de crise. Une tension émane de toutes les photographies de cette série, les personnages sont puissants et la composition impeccable.
Entre 1981 et 1982, Carrie Mae Weems se plonge dans sa première série : Family Pictures and Stories. Cette série est d’une part le fruit de l’intérêt de l’artiste pour la culture noire ; et d’autre part une réponse au rapport Moynihan, publié par le gouvernement américain en 1965, selon lequel les problèmes rencontrés par la communauté noire seraient dus à la nature matriarcale de ses foyers ainsi qu’à leur instabilité.
À propos de ces deux dernières séries, l’artiste écrit : “I use my own constructed image as a vehicle for questioning ideas about the role of tradition, the nature of family, monogamy, polygamy, relationships between men and women, between women and their children, and between women and other women—underscoring the critical problems and the possible resolves.”
Son œuvre complexe s’articule autour d’installations mêlant photographies, textes, légendes, vidéos et enregistrements audio. Dans From Here I Saw What Happened and I Cried (1995-1996), elle associe images et textes. À travers cette série puissante, elle démontre à quel point la photographie joue un rôle essentiel dans le modelage du racisme et des stéréotypes. En somme, elle met en lumière le pouvoir de l’image. Carrie Mae Weems a rassemblé des photographies d’esclaves datant du XIXe et du début du XXe siècle afin de leur donner une voix, à ces personnes qui n’en ont pas eu de leur vivant. En associant des mots à ces images réimprimées dans les tons de rouge, elle tente de rendre leur humanité aux sujets et de remettre en question la façon dont l’image des afro-américains à été construite aux États-Unis.
Sa notoriété lui a valu des expositions dans les plus grands musées tels que le Metropolitan Museum of Art, le Frist Center for the Visual Arts ou encore le Solomon Guggenheim Museum à New York. Elle fut également lauréate du Prix MacArthur en 2013. Holland Cotter, critique d’art et lauréat du prix Pullitzer en 2009, écrivit la chose suivante dans le New York Times : “Ms. Weems is what she has always been, a superb image maker and a moral force, focused and irrepressible.”
Agathe Pinet
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