Btoy rejoint le parcours “Street art 13”
Btoy rejoint le parcours “Street art 13” |
Épicentre du street art monumental, le XIIIe arrondissement poursuit sur sa lancée en accueillant une nouvelle fresque signée Btoy, pochoiriste barcelonnaise et sacré bout de femme.
C’est dans les années 2000 que le blaze de Btoy apparaît sur les murs de Barcelone, aux côtés de Kenor, Pez ou Kode, autres ténors du graffiti espagnol. Son style haut en couleur et son approche sensible de l’image, cultivée à l’Institut photographique de Catalogne, ont fait d’Andrea Michaelsson aka Btoy une pionnière du pochoir et, encore aujourd’hui, l’une des rares femmes à s’être taillé une réputation dans le milieu. Figures anonymes ou célèbres, ses portraits portent aux nues la femme forte plus que la féminité. La pasionaria du street art rend hommage aux nanas au caractère bien trempé depuis ses débuts et jusqu’à récemment avec Identity, son exposition qui se tient jusqu’au 15 novembre à la galerie Itinerrance. Elle en a profité pour poser sa griffe sur la façade d’un immeuble donnant sur la place Pinel, dans le XIIIe arrondissement : une ancienne photographie monochrome d’Evelyn Nesbit, actrice des années folles, revue et corrigée par Btoy en camaïeux de cyan et de magenta. Au sommet de la nacelle, Andrea s’affaire à la préparation des teintes en évitant de trop regarder en bas. Yeux plissés et rieurs, peau mate et franc-parler, elle se livre dans un anglais aux accents catalans. Dans une interview, tu as confié que le street art se rapproche de plus en plus du muralisme où les œuvres s’inscrivent dans la durée et sont subventionnées. On est loin de la création éphémère et illégale des débuts. Évolution ou transgression ? Il est vrai qu’on travaille de moins en moins dans l’illégalité. Les choses évoluent et sont facilitées, notamment sur le plan technique et matériel. Avant, on n’avait ni les moyens ni le temps nécessaires puisque justement il fallait travailler vite pour ne pas se faire attraper par la police. On faisait à la débrouille en fixant nos rouleaux sur des balais alors que maintenant on peut avoir accès à un élévateur et donc travailler sur de plus grandes surfaces. Peindre un long mur horizontal ou vertical, pour moi c’est la même chose même s’il est vrai qu’il y a une course au gigantisme, à qui ira le plus haut. Réaliser un fresque murale, c’est simplement une autre façon de partager mon art, complémentaire avec le travail en atelier. Je me sens plus peintre que street artist. Identity, c’est le titre de ta dernière exposition. Peux-tu nous en dire plus ? Je voulais faire dialoguer différents portraits de femmes originaires des quatre coins du monde, chacune avec son identité. Certaines sont des femmes qui ont compté comme Amy Johnson, l’une des premières aviatrices à avoir effectué un vol solo, ou Evelyn Nesbit, une célèbre danseuse de cabaret et actrice. Ce sont pour la plupart des pionnières de leur époque à l’image des flappers, ces femmes des années 20 qui arboraient une coupe à la garçonne, portaient des robes courtes et évasées pour s’affranchir du corset. Elles utilisaient volontairement une esthétique masculine. Pour moi, elles ont brisé les normes sociales en vigueur tout en réclamant plus d’égalité. Ce combat est encore actuel car il existe toujours deux poids, deux mesures entre les hommes et les femmes, celles qui dirigent sont rares. Mais beaucoup sont des modèles de courage, comme Malala Yousafzai, cette très jeune activiste pakistanaise qui a reçu cette année le prix Nobel de la paix. J’admire ce genre de fort caractère, capable de se battre pour ses idéaux. Pour cette série, tu as davantage travaillé les fonds sur lesquels tu apposes tes pochoirs… J’ai trouvé une autre manière de façonner les textures, proche de la surimpression en photographie. Tout projet demande une approche différente. À chaque fois, j’adapte ma composition au support et à l’environnement, je cherche les bonnes couleurs, textures, les motifs adéquats… J’ai besoin d’expérimenter et ne pas m’enfermer dans une seule technique. Peindre est un processus long, ce n’est pas forcément clac clac clac et c’est plié. On ne peut pas toujours viser juste, l’erreur fait partie du processus. C’est important les risques, non ? Si tu ne prends pas de risques, tu meurs. Est-ce que la rue te manque ? [sourire] Toujours… Je me souviens quand j’habitais le quartier El Raval à Barcelone et que Kenor venait toquer à ma porte en disant “J’ai besoin de peindre”. À cette époque, on sortait presque tous les jours. Kenor se moquait bien de repasser sur les autres graffeurs. Il aimait titiller leur ego et moi ça me faisait marrer… seulement pour le jeu. D’ailleurs, ton blaze, “Btoy”, est un clin d’œil à cette éternelle compétition. Peux-tu nous l’expliquer ? Quand quelqu’un tague “toy” sur la fresque d’un autre graffeur, il qualifie son travail de mauvais, il pique l’ego. Le graffiti a ses propres règles dans la rue. Prendre ce surnom, c’était une façon de détourner ses codes et de dire “be a toy”. Être taquin sans se prendre au sérieux. Quels sont tes projets à venir ? Je pars en Argentine pour réaliser une fresque dans le cadre du festival M.U.R.O.P.O.L.I.S à Mendoza. En ce moment, j’ai besoin de peindre en extérieur parce que j’ai beaucoup peint en atelier ces deux dernières années. Le temps est venu de retrouver la rue. Élodie Cabrera [© Élodie Cabrera] |
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